Le cavalier seul du chancelier allemand vis-à-vis de la Chine agace de plus en plus les Européens

Par latribune.fr  |   |  587  mots
Le chancelier allemand Olaf Scholz. (Crédits : Reuters)
Olaf Scholz entame vendredi sa première visite diplomatique en Chine, où il rencontrera Xi Jinping. Son choix de se rendre seul à Pékin, sans autre dirigeant européen, et son approbation du rachat partiel du port d'Hambourg par le chinois Cosco interrogent Bruxelles qui cherche un front économique européen uni face à Pékin.

La politique d'Olaf Scholz n'en finit plus de susciter l'incompréhension de ses partenaires européens, quand ce n'est pas leur colère sur le dossier chinois. Le chancelier allemand subit désormais les foudres de Bruxelles. Dans une interview à Reuters publiée lundi, le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton s'est étonné de voir Berlin accepter que l'armateur chinois Cosco mette la main sur 25% du port d'Hambourg, le premier d'Allemagne et le troisième d'Europe.

Alors qu'il possédait un droit de véto sur ce dossier de rachat, l'ancien maire d'Hambourg Olaf Scholz l'a approuvé et l'a encouragé. « Il faut que nous soyons extrêmement vigilants (...). Il est très important que les Etats (...) fassent évoluer leur comportement vis-à-vis de la Chine, dans un cadre beaucoup plus coordonné plutôt qu'individuel, comme la Chine évidemment ne cesse de vouloir le faire », a ainsi plaidé Thierry Breton dans une forme d'avertissement au chancelier qui se rend cette semaine à Pékin. « L'ère de la naïveté c'est terminé », a-t-il tranché.

Bruxelles cherche à durcir sa stratégie vis-à-vis de la Chine

Le commissaire européen s'agace d'autant plus de la politique d'Olaf Scholz que l'Union européenne voudrait durcir sa politique économique vis-à-vis de la Chine, qualifiée par la Commission de « partenaire, concurrent stratégique et rival systémique ». Cet attelage complexe de termes, parfois paradoxaux, dit la difficulté de trouver une ligne économique commune entre Européens vis-à-vis de Pékin. Les Européens se lassent de voir Pékin s'affranchir des règles de concurrence auxquelles se soumettent les entreprises européennes.

Bruxelles a même développé des « d'instruments autonomes » en ce sens : contrôle de l'origine des investissements dans l'UE, vérification du bilan carbone des marchandises importées, la nomination d'un procureur commercial, réciprocité dans l'accès aux marchés publics à l'étranger.

Mais à l'image du choix d'Olaf Scholz de soutenir le rachat partiel du port d'Hambourg par Cosco, les Européens ne se saisissent pas de ces outils. Outre-Rhin, le chancelier allemand veut maintenir ses relations économiques telles qu'elles existent, « as usual », avec la Chine. Malgré le durcissement du régime chinois, malgré les questions de souveraineté soulevées par le Covid, malgré la guerre économique assumée que se livre Washington et Pékin et malgré le risque de dépendance commerciale. La Chine s'impose comme le premier partenaire commercial de l'Allemagne, et 10% de ses échanges commerciaux.

La Chine, premier client de l'Allemagne

L'appétit d'ogre de l'économie chinoise absorbe en masse les voitures allemandes et autres exportations germaniques, notamment celles produites par son industrie lourde. Un débouché incontournable dont le chef du gouvernement allemand ne veut pas se priver alors qu'une récession se profile pour 2023.

Dans une coalition baroque qui réunit les libéraux, les écologistes et les sociaux-démocrates, la position d'Olaf Scholz sur la Chine ne fait pas l'unanimité. D'après les médias allemands, six des ministres du gouvernement se sont opposés à la cession du port d'Hambourg à Cosco, dont celui de l'Economie Robert Habeck, tout comme les services de renseignements.

Olaf Scholz a tenu bon et maintenu son soutien à l'entrée au capital de Cosco, une manière aussi de ne pas offenser Pékin à la veille de sa venue. Vendredi, Olaf Scholz emmènera dans ses bagages de nombreux industriels allemands en Chine mais pas son homologue Emmanuel Macron. Le président français avait pourtant proposé de l'accompagner.

(Avec agences)