La Grèce se rapproche du défaut de paiement

Par latribune.fr  |   |  1501  mots
Le ministre allemand des finances, Wolfgang Schaüble, avec Angela Merkel
Le premier ministre grec demandait une prolongation du soutien financier en place, au delà de l'échéance du 30 juin. Les créanciers de la zone euro lui refusent ce délai. Même si ministre grec des finances affirme vouloir se battre pour un accord d'ici mardi, le pays se rapproche donc du défaut de paiement

Les ministres des Finances de la zone euro ont refusé samedi de prolonger une nouvelle fois le programme d'aide grec au-delà du 30 juin, contrairement à ce que réclamait Athènes. Le plan d'assistance financière de la Grèce va prendre fin le 30 juin, a annoncé le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, après le refus par Athènes des propositions avancées par ses créanciers pour éviter le défaut de paiement et l'annonce fracassante d'un référendum par la Grèce début juillet.

Estimant que la Grèce a rompu les négociations, une décision "regrettable", M. Dijsselbloem a annoncé que "le programme d'aide va expirer mardi soir", lors d'une conférence de presse de l'Eurogroupe. Les ministres des Finances, à l'exception du ministre grec Yanis Varoufakis, vont "se réunir immédiatement pour discuter des conséquences" de cette décision qui rapproche le pays du défaut de paiement. Autrement dit, l'hypothèse d'un défaut de paiement grec, avec toutes ses conséquences,  devient de plus en plus plausible. Et de la sortie de la zone euro? C'est le risque évident, même si le ministre français des Finances, Michel Sapin, affirme que les créanciers de la Grèce ne le veulent pas.

La Grèce doit rester dans la zone euro, affirme Sapin

Le "destin" de la Grèce est de rester dans la zone euro, où "aucun pays ne souhaite sa sortie", a affirmé Michel Sapin. "Il n'y a pas eu aujourd'hui de choix que la Grèce ne soit plus membre de la zone euro", a souligné le ministre, même s'il n'a pas exclu qu'une telle sortie puisse être "une conséquence" du référendum que le gouvernement grec veut organiser le 5 juillet sur le plan de renflouement proposé au pays par ses créanciers

Des discussions à 18, sans la Grèce

La réunion de l'Eurogroupe, le cinquième en dix jours, était considéré comme la réunion de la dernière chance pour parvenir à un accord, à trois jours d'un remboursement de la Grèce au FMI, que le pays ne peut honorer sans nouvelle perfusion financière. Environ trois heures après le début de la réunion, les ministres préparaient un communiqué très dur à l'encontre de la Grèce, selon une de ses sources. "Ce sera long", a-t-elle indiqué. Une fois le communiqué publié, les ministres prévoient de poursuivre les discussions à 18, sans la Grèce.

 Le conseil des gouverneurs de la BCE se réunit ce dimanche

La Banque centrale européenne (BCE) a quant à elle annoncé une réunion de son conseil des gouverneurs, sans doute dimanche selon une source bancaire, alors que la Grèce se dirige vers le défaut de paiement et une panique bancaire. "Le conseil des gouverneurs de la BCE va se réunir en temps voulu pour discuter de la situation", a indiqué dans un bref communiqué l'institution de Francfort, sans préciser de date. "La BCE suit avec attention les développements", poursuit le communiqué.  Une telle réunion aura "vraisemblablement" lieu dimanche, a indiqué à l'AFP une source bancaire, probablement par téléphone.

Le conseil des gouverneurs, qui réunit les six membres du directoire de l'institution et les 19 gouverneurs des banques centrales de la zone euro, prend entre autres les décisions sur le maintien à flot des banques grecques au moyen de prêts d'urgence.

La fin du soutien aux banques grecques

Les conditions ne semblent plus réunies pour continuer à accorder ces prêts, baptisés ELA, bouée de sauvetage des banques ces derniers mois. Ces derniers jours, dans un contexte d'incertitude croissante, le mécanisme ELA a été prolongé jour après jour.  

Mais le président de la BCE Mario Draghi a toujours insisté sur le fait que l'octroi des prêts ELA obéissait à des règles strictes: l'existence d'un programme d'aide à l'intention du pays concerné, et la solvabilité des banques. Ni l'une ni l'autre condition ne semblaient plus remplies samedi, alors que la zone euro a signifié qu'elle n'était pas prête à prolonger le programme d'aide en cours au-delà du 30 juin, et qu'Athènes n'accepte pas les conditions mises sur la table vendredi d'une extension. Les banques pendant ce temps sont en butte à des retraits massifs, ce qui met sérieusement en péril leur solvabilité.  

Certains membres du conseil étaient notoirement opposés à l'octroi des prêts ELA avant même le tour pris par les événements ces dernières 48 heures, parmi eux le président de la Bundesbank allemande Jens Weidmann.

Les décisions sur ELA sont prises à la majorité des deux-tiers par le conseil.

Varoufakis veut croire encore à la possibilité d'un accord

La Grèce "va continuer à se battre" pour un accord avec ses créanciers d'ici mardi,  a affirmé de son côté le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis. Il a jugé que la décision de l'Eurogroupe de ne pas prolonger l'aide, annoncée quelques minutes plus tôt, risquait de porter un "préjudice permanent" à la zone euro.

"Le refus d'une extension entamera certainement la crédibilité de l'Eurogroupe comme union démocratique et je crains que le préjudice ne soit permanent", a déclaré le ministre grec.  Mais il s'est refusé à spéculer sur les conséquences de cette rupture.

La Grèce "continue de se battre pour qu'il y ait un accord au dernier moment d'ici mardi", a-t-il insisté.

... et suggère que la BCE paie ce que la Grèce doit au FMI

Pour passer l'échéance du 30 juin, Yanis Varoufakis, suggère que la Banque centrale européenne (BCE) verse directement au Fonds monétaire international 1,9 milliard d'euros, ce qui couvrirait la somme due par la Grèce à l'institution le 30 juin, et éviterait au pays d'être en défaut de paiement. "La BCE nous doit 1,9 milliard d'euros, qu'elle les donne au FMI", a suggéré M. Varoufakis, sans donner plus de détails, avant de quitter Bruxelles, où s'est tenue samedi une réunion de la zone euro sur le cas grec.

La proposition des créanciers, rejetée vendredi par Athènes, prévoyait un premier versement immédiat d'une tranche de 1,8 milliard d'euros provenant des intérêts réalisés en 2014 par le programme "SMP" (Securities Market Program) de la BCE.

Ce programme a vu la banque centrale racheter à partir de mai 2010 sur le marché secondaire des titres grecs. En 2012, la BCE a décidé d'échanger ses obligations grecques contre de nouvelles, moyennant une décote, ce qui lui a permis de réaliser des plus-values. La Grèce et les institutions s'étaient entendues sur le fait que cet argent reviendrait in fine à Athènes, sous réserve de conclusion positive du programme d'aide. Mais en attendant, comme tous les bénéfices réalisés par la BCE, il a été redistribué aux banques centrales de l'Eurosystème. C'est donc auprès des banques centrales nationales que cet argent devrait être collecté.

"Notre proposition était depuis le début que l'argent que nous doit la BCE" dans le cadre de ce programme "soit payé au FMI", a souligné M. Varoufakis.

Il a assuré que la Grèce allait "continuer à se battre" pour un accord avec ses créanciers d'ici mardi, date après laquelle la zone euro a décidé samedi de ne plus prolonger l'aide au pays, exposé au défaut de paiement.

Le referendum qui change tout

Les négociations pour éviter à la Grèce un défaut de paiement ont pris un nouveau tour samedi, après l'annonce fracassante d'un référendum dans le pays le 5 juillet sur les exigences des créanciers, UE et FMI, dont Athènes refuse fermement la dernière proposition.

Arrivant à la réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, avait estimé  que la Grèce avait "mis fin aux négociations" avec ses créanciers "de manière unilatérale", avec l'annonce d'un référendum. "Pour le moment il n'y a plus de base pour des négociations (...) aucun des collègues à qui j'ai parlé n'a une idée de ce que l'on peut faire maintenant", avait-il ajouté, à son arrivée à un Eurogroupe crucial pour le sort de la Grèce qui risque le défaut de paiement dès mardi.

Une "triste décision"

Peu avant, le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, avait qualifié de  triste décision pour la Grèce" l'annonce d'un référendum. Une annonce qui "ferme la porte à la poursuite des discussions", avait-il ajouté.
"Je suis très négativement surpris" par la nouvelle, avait dit M. Dijsselbloem à son arrivée à une réunion des ministres des Finances de la zone euro consacrée à la survie financière de la Grèce. "Nous allons écouter le ministre grec, et nous discuterons des conséquences", avait-t-il déclaré.