Macron et Merkel arrachent un accord de 750 milliards pour relancer l'Europe

Par Avec AFP  |   |  926  mots
(Crédits : Reuters)
Pour la première fois, pour compenser les pertes liées à la pandémie de coronavirus, l'UE va émettre une dette commune à rembourser par les 27. Elle comprend notamment 360 milliards de prêts remboursables par le pays demandeur. Une victoire, "un vrai plan Marshall" pour le camp de la dépense face aux "frugaux".

Il aura fallu quatre jours et quatre nuits et de multiples prises de bec, mais les 27 dirigeants européens ont trouvé mardi 20 juillet un accord sur un plan historique destiné à soutenir leurs économies frappées par la crise du coronavirus, basé pour la première fois sur une dette commune.

"Deal!", a annoncé en anglais le Belge francophone Charles Michel, président du conseil européen, sur son compte Twitter. "Jour historique pour l'Europe!", a assuré dans la foulée le président Emmanuel Macron sur le même canal.

"Nous avons un accord. Et un bon accord ! Avec un budget 2021-2027 de 1.074 milliards et un plan de relance de 750 milliards, jamais l'Union européenne n'avait décidé d'investir de manière aussi ambitieuse dans l'avenir", a expliqué la Première ministre belge Sophie Wilmes.

Au terme d'une bataille acharnée entre les pays dits "frugaux" et le couple franco-allemand, un compromis a finalement été conclu lors d'un sommet extraordinaire commencé débuté vendredi.

390 milliards d'euros de subventions

Pour soutenir l'économie européenne qui affronte une récession historique, le plan prévoit un fonds de 750 milliards d'euros, qui pourront être empruntés par la Commission sur les marchés. Il se décompose en 390 milliards de subventions, qui seront allouées aux Etats les plus frappés par la pandémie. Ce sera la dette commune à rembourser par les 27.

Cette émission de dette commune, une première, repose sur une proposition franco-allemande, qui suscitait une farouche opposition de la part des pays dits "frugaux" (Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède) rejoints par la Finlande.

Ils sont parvenus à réduire le montant des subventions, point d'achoppement avec les pays qui militaient pour aller jusqu'à 500 milliards de subventions; de "l'argent gratuit" pour les garants du sérieux budgétaire.

Outre ces subventions, 360 milliards d'euros seront disponibles pour des prêts, remboursables par le pays demandeur. Le plan est adossé au budget à long terme de l'UE (2021-2027), qui prévoit une dotation de 1.074 milliards d'euros, soit 154 milliards d'euros par an.

Les vannes ouvertes pour les pays du Sud

A plusieurs reprises, les pays "frugaux", taxés par certains de "radins", ont menacé de faire capoter ce plan massif de soutien à l'économie, qui profiterait avant tout aux pays du Sud comme l'Italie et l'Espagne. Ces pays les plus touchés par l'épidémie sont aussi jugés jugés trop laxistes en matière budgétaire par leurs partenaires du Nord.

Pour vaincre leurs réticences, le président du Conseil européen, Charles Michel, a dû revoir sa proposition initiale et leur fournir des gages.

Quels gages de rigueur budgétaire?

Le camp de la dépense maximale a d'abord dû réviser à la baisse les 500 milliards de subventions prévues au départ et défendues par Berlin et Paris.

Mais aussi en augmentant de façon substantielle les rabais accordés à ces pays, qui jugent leurs contributions nettes au budget de l'UE disproportionnées. La correction accordée à l'Allemagne reste stable.

Par rapport à la proposition initiale de Charles Michel, ces hausses des rabais vont de 22% pour les Pays-Bas à 138% pour l'Autriche.

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, le plus difficile à convaincre, avait reconnu que des progrès avaient été faits en sa direction.

La condition climat

"Pour la première fois dans l'histoire européenne, le budget est lié aux objectifs climatiques, pour la première fois, de respect de l'Etat de droit devient une condition pour l'octroi des fonds", a annoncé Charles Michel.

Cette conditionnalité rencontrait une forte opposition de la Pologne et la Hongrie, deux pays dans le collimateur de la Commission et du Parlement européen qui ont enclenché une procédure à leur encontre pour des violations de l'Etat de droit.

Viktor Orban, qui avait fait planer des menaces de veto au sommet, a réclamé la fin de cette procédure dite de "l'article 7" à l'encontre de son pays, qui peut en théorie déboucher sur des sanctions.

Vers une nouvelle zone euro ?

Les sources de tension n'ont pas manqué au cours de ce sommet marathon. Emmanuel Macron a notamment haussé le ton pour dénoncer la mauvaise volonté et les "incohérences" des frugaux.

Mais le sommet a aussi été l'occasion d'une relance spectaculaire du couple franco-allemand. La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron ont salué mardi une journée "historique".

"C'est un changement historique de notre Europe et de notre zone euro", a estimé le Français. "Une étape majeure a été franchie."

"En deux mois, nous avons réussi à bâtir un consensus pour que ce plan de relance inédit devienne une décision et donc une réalité", s'est-il félicité.

Angela Merkel s'est elle dite "très soulagée" qu'après des négociations difficiles, l'Europe ait montré qu'elle "peut encore agir ensemble".

Il s'agit d'"un signal important qui va au-delà de l'Europe", "une réponse à la plus grande crise de l'UE depuis sa création", a-t-elle affirmé.

Le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, a salué lors d'une conférence de presse distincte "un grand accord pour l'Europe", allant jusqu'à le qualifier de "vrai plan Marshall".

De son côté, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire évoque, lui, "l'acte de naissance d'une nouvelle Europe". Le locataire de Bercy la voit dès lors "plus solidaire, plus verte et puis, plus franco-allemande".

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