Quelle politique de compétitivité en Europe pour sortir de la crise ?

OPINION. Les européens peuvent faire exister une nouvelle forme de patriotisme économique, une cohésion sociale, une diversité qui respecte les identités et une excellence technologique garante de leur autonomie stratégique. Plaidoyer pour l'Entreprise européenne, par Olivier de Panafieu, directeur France et Europe du sud-ouest de Roland Berger, et Bernard de Montferrand, senior advisor chez Roland Berger et ancien ambassadeur de France en Allemagne.
Les européens ont une expérience rare, en ayant su développer des alliances entre entreprises d'origines différentes qui respectent leur identité dans des coopérations approfondies : Airbus, Air France-KLM, Renault-Nissan, Unilever, Royal Dutch Shell ou encore ST Microelectronics (par Olivier de Panafieu, directeur France et Europe du sud-ouest de Roland Berger, et Bernard de Montferrand, senior advisor chez Roland Berger et ancien ambassadeur de France en Allemagne).
"Les européens ont une expérience rare, en ayant su développer des alliances entre entreprises d'origines différentes qui respectent leur identité dans des coopérations approfondies : Airbus, Air France-KLM, Renault-Nissan, Unilever, Royal Dutch Shell ou encore ST Microelectronics" (par Olivier de Panafieu, directeur France et Europe du sud-ouest de Roland Berger, et Bernard de Montferrand, senior advisor chez Roland Berger et ancien ambassadeur de France en Allemagne). (Crédits : Reuters)

Les déficits, les trous d'air d'offre et de demande, la guerre des nouvelles technologies constituent des défis dangereux dans un paysage international où la loi de la jungle regagne du terrain. Ils ne pourront être relevés que par une mobilisation générale des forces économiques et sociales, en commençant par celles des entreprises. Comment leur donner les armes pour gagner la bataille économique de l'après crise du Covid ? Les européens parlent depuis longtemps de favoriser davantage de "champions", capables de promouvoir leurs intérêts et de créer davantage de richesse. Le temps est venu d'agir : plusieurs États et la Commission de Bruxelles paraissent aujourd'hui en être convaincus.

L'Europe, face aux mercantilismes américains et chinois, face à la toute-puissance des actionnaires d'un côté et aux impératifs politiques de l'autre, peut porter un modèle d'entreprise différent. Il lui revient de définir un nouveau contrat entre les nécessités de compétitivité, de stratégie et de responsabilité sociale. Et, comme souvent, c'est d'un compromis franco-allemand que pourra naitre une approche européenne efficace et attractive, ces deux pays étant les plus complémentaires. La plupart des éléments d'une nouvelle vitalité des entreprises européennes existent : il faut aujourd'hui les réunir et les mobiliser.

Entreprises : concilier mondialisation et enracinement local

Le premier impératif est de mieux concilier mondialisation et enracinement des entreprises dans les réalités locales et nationales, dont la crise a montré la force et la légitimité. Une entreprise est citoyenne de son pays de rattachement envers lequel elle a des responsabilités essentielles, et celles-ci doivent primer sur celles qu'elle a envers ses partenaires commerciaux.

Cet état de fait est souligné par le lien étroit entre l'autonomie stratégique des entreprises et celle de leur pays. Celles-ci sont dépendantes l'une de l'autre, nous l'avons par exemple vu dans le domaine de la santé pendant la crise. Il pourrait dès lors être pertinent de fixer, dans certains secteurs, des règles simples : limitation de la "dépendance" à l'égard d'un fournisseur étranger, exigence de diversification des approvisionnements, fixation de capacités minimum qui doivent rester sur le territoire national.

Les entreprises globalisées doivent démontrer leur capacité à s'adapter à la diversité des cultures qui les composent, sous peine de heurter les identités nationales. Les européens ont dans ce domaine une expérience rare, en ayant su développer des alliances entre entreprises d'origines différentes qui respectent leur identité dans des coopérations approfondies : Airbus, Air France-KLM, Renault-Nissan, Unilever, Royal Dutch Shell ou encore ST Microelectronics.

Éviter une course coûteuse aux subventions

Le second impératif pour les entreprises européennes est de recevoir un soutien résolu des autorités publiques dans les domaines de la technologie et de la concurrence, via une remise à plat des règles appliquées pour les aides publiques et une meilleure mesure dans le temps et l'espace mondial des risques de positions dominantes. La crise nous a rappelé que beaucoup de pays non européens fermaient les yeux sur les parts de marché considérables de leurs entreprises.

Elle a aussi montré que les dogmes de la non-intervention ont cédé devant les réalités, qui ont mené tous les États à "sauver" un grand nombre d'entreprises, pour des raisons liées à l'emploi, l'autonomie stratégique, ou tout simplement symboliques. Ainsi, le gouvernement américain sauve Boeing, symbole national et clé de la défense américaine. La France et l'Allemagne font de même pour Airbus, Air France et Lufthansa.

Il faut éviter que ces initiatives ne débouchent sur une course coûteuse aux subventions : la reprise en main de la mondialisation ne passera pas par le protectionnisme, l'abandon des règles de la concurrence ou l'interventionnisme, mais par une nouvelle prise en compte des réalités et besoins stratégiques de chaque acteur. Les européens étaient, dans ce domaine et de l'aveu même de la Commission, trop naïfs : ils doivent notamment faire évoluer leur politique de concurrence.

Une nouvelle forme de patriotisme économique

Le troisième impératif de l'entreprise européenne concerne son rôle social et d'intérêt collectif à long terme. Il faut pour cela encourager un nouveau pacte social, qui permettrait aux salariés d'être davantage présents dans les conseils d'administration, comme c'est le cas en Allemagne, et au développement de toutes formes de "participation". Chacun mesure l'urgence d'une telle évolution en France.

Les entreprises européennes ne gagneront que par leur excellence compétitive et la qualité de leurs technologies. Des programmes stratégiques à long terme doivent être développés dans tous les domaines d'avenir : numérique, technologies vertes, cybersécurité ou encore santé. Et ils devront recevoir un soutien sans faille, à l'image du rôle joué par les crédits du Pentagone à la Silicon Valley pour développer la nouvelle économie.

Les européens peuvent faire exister une nouvelle forme de patriotisme économique, une cohésion sociale, une diversité qui respecte les identités et une excellence technologique garante de leur autonomie stratégique. Ce pourrait être leur contribution la plus efficace pour remettre la mondialisation dans le droit chemin.

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Commentaires 5
à écrit le 21/07/2020 à 12:56
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Facile, pas besoin de lire l'article : la compétitivité européenne passera par le dumping social et fiscal intraeuropeen, et en france par la paupérisation et la baisse de revenu du plus grand nombre des salariés, retraités, épargnants, et même ch...

à écrit le 21/07/2020 à 11:48
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Et si c'était la recherche de "la compétitivité" qui était la cause de la crise? Le but en est toujours la création d'une "demande permanente" pour construire une rente! Quand elle est locale, elle rassure... mais quand il y a recherche d'une économi...

à écrit le 21/07/2020 à 11:35
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Ainsi on aurait des intérêts convergeant avec les allemands? Si on ne récupère pas notre politique monétaire ou nos droits de douane, qu’on ne subventionne pas, qu’est ce que veut dire cet article? Que les allemands acceptent les quotas? Après avoir ...

à écrit le 20/07/2020 à 14:04
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Suivez mr De Villiers le seul politicien auteur de milliers d'emplois et ce qui se passe en Vendée, tiens Gitanes d'excellents vélos solides légers, rouler avec que du bonheur!, les Chinois?, et alors lourdingues, au bout de 10 km vous sentez plus v...

à écrit le 20/07/2020 à 10:39
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Ah les promesses et l'UERSS, empire prévu pour durer mille ans sur du flan. Si déjà on arrêtait de payer tout ces gens venir nous dire que l'UE ça pourrait fonctionner tandis que depuis Maastricht elle ne fait que s'écrouler on pourrait mettre de...

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