"Mort cérébrale de l'Otan" : Merkel défend l'Alliance atlantique et recadre Macron

Par Mathieu Foulkes, AFP  |   |  742  mots
(Crédits : Piroschka Van De Wouw)
Ce mercredi, la chancelière a consacré à l'Alliance atlantique l'essentiel de son discours qui devait en principe porter sur le budget 2020 de l'Etat fédéral. Face aux critiques du président français, elle a souligné la contribution de l'Otan, depuis la fin de la Guerre froide, à la stabilisation de la situation dans les Balkans ou au conflit en Afghanistan, entre autres.

La chancelière allemande Angela Merkel a livré mercredi un plaidoyer pour l'Otan et pris le contrepied des critiques du président français Emmanuel Macron, à une semaine du sommet de l'Alliance atlantique à Londres qui s'annonce tendu.

Pour mémoire, le 7 novembre, le président français, dans une interview au journal britannique The Economist, dénonçait "la mort cérébrale de l'Otan", déplorant le manque de coordination entre les États-Unis et l'Europe et le comportement unilatéral de la Turquie en Syrie, membre de l'Alliance atlantique.

Lire aussi : Emmanuel Macron juge l'Otan en état de "mort cérébrale"

Pour Angela Merkel, l'Otan a été "un rempart contre la guerre", qui a garanti "la liberté et la paix" depuis 70 ans, en partie grâce à "nos amis américains", a-t-elle fait valoir devant les députés allemands.

La chancelière a consacré à l'Alliance atlantique l'essentiel de son discours qui devait en principe porter sur le budget 2020 de l'Etat fédéral. Et répondu point par point au président français, qui juge l'Otan en état de "mort cérébrale".

Créée il y a 70 ans en plein conflit Est-Ouest, l'Otan conserve-t-elle une quelconque utilité? Oui, a répondu en substance Mme Merkel.

"Il est dans notre intérêt de préserver l'Otan, plus que pendant la Guerre froide", a ainsi jugé la chancelière, qui a grandi en ex-RDA communiste.

Un comité chargé de calmer le jeu entre Paris et Berlin

Elle a souligné la contribution de l'Otan, depuis la fin de la Guerre froide, à la stabilisation de la situation dans les Balkans ou au conflit en Afghanistan.

"L'Europe ne peut pas se défendre seule pour le moment, nous dépendons de l'Alliance transatlantique. Il est important que nous travaillions pour cette Alliance et que nous assumions davantage de responsabilités", a en outre asséné Mme Merkel, alors que la France plaide pour le développement de la défense européenne.

Paris et Berlin ont déjà cherché à calmer le jeu après les critiques françaises, en s'accordant le 20 novembre sur la mise en place d'un comité d'experts destiné à renforcer le processus politique au sein de l'Otan, une organisation militaire.

Un autre aspect de la crise que traverse l'Otan est la question de la participation de ses membres à ses dépenses militaires. Là aussi, la dirigeante allemande s'est efforcée de répondre aux critiques.

Les alliés de l'Allemagne, en particulier les Etats-Unis de Donald Trump, reprochent à intervalles réguliers à l'Allemagne, malgré ses excédents budgétaires, de ne pas participer suffisamment aux dépenses.

L'objectif de 2% du PIB consacré à la défense

Berlin atteindra "au début de la décennie 2030", a ainsi promis Mme Merkel, l'objectif de l'Alliance atlantique de consacrer 2% de son produit intérieur brut à ce domaine.

Elle a confirmé au passage qu'elle comptait bien gouverner jusqu'au terme de l'actuelle législature, fin 2021, en dépit des menaces qui continuent de peser sur sa fragile coalition avec le parti social-démocrate.

Il n'est pas sûr cependant que ces assurances financières contentent les Etats-Unis.

Le conseiller à la défense nationale de Donald Trump, Robert O'Brien, a prévenu mercredi que ces 2% ne représentaient qu'un "seuil minimum".

L'Allemagne, dont le "pouvoir économique est immense", a "le devoir d'investir de manière appropriée dans la défense au profit de sa défense et de celle de ses alliés", a-t-il prévenu dans le quotidien allemand Bild.

La délicate question de la Turquie, membre-clé de l'Otan

Enfin, Mme Merkel a évoqué la délicate question de la Turquie, membre-clé de l'Otan dont l'intervention dans le nord de la Syrie, avec l'assentiment de Washington, a déstabilisé l'organisation.

"La Turquie doit rester membre de l'Otan", a asséné la chancelière, à la tête d'un pays qui compte environ 2,5 millions de personnes d'origine ou de nationalité turque. "Il est important pour l'Alliance, sur le plan géostratégique, que la Turquie en fasse partie", a-t-elle martelé.

La Turquie accueille plus de 4 millions de réfugiés, dont quelque 3,6 millions de Syriens ayant fui le conflit qui déchire leur pays depuis 2011.

Le flux de passage de réfugiés vers l'Europe s'est tari à la faveur d'un accord financier conclu en 2016 entre Ankara et l'UE. Mais le président turc Recep Tayyip Erdogan menace depuis plusieurs semaines d'"ouvrir les portes" aux candidats à l'exil.