« Piepergate » : cette affaire qui fragilise Ursula von der Leyen à quelques mois des élections européennes

Par latribune.fr  |   |  779  mots
Les eurodéputés ont désavoué jeudi la présidente de la Commission après la nomination controversée d'un des leurs à un poste hautement rémunéré au sein de l'exécutif européen. (Crédits : LIESA JOHANNSSEN)
Les eurodéputés ont désavoué ce jeudi la présidente de la Commission européenne. Ils lui reprochent notamment la nomination à un poste hautement rémunéré d'un eurodéputé allemand issu du même parti qu'elle.

C'est une histoire dont Ursula von der Leyen se serait bien passé à deux mois des élections européennes (6 au 9 juin). Les eurodéputés ont désavoué jeudi la présidente de la Commission après la nomination controversée d'un des leurs à un poste hautement rémunéré au sein de l'exécutif européen.

Dans le détail, cette affaire concerne la nomination, fin janvier, d'un émissaire chargé des petites et moyennes entreprises. Le poste a été attribué à l'eurodéputé allemand du Parti populaire européen (droite), Markus Pieper, quelques semaines avant un congrès à Bucarest début mars lors duquel le PPE a apporté son soutien à un second mandat de Ursula von der Leyen. En effet, cette dernière est la candidate principale de ce parti pour les élections européennes de juin.

« On a amadoué un député européen parmi les plus grands détracteurs d'Ursula von der Leyen » au sein de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), pilier allemand du PPE, dont elle est membre, a dénoncé Daniel Freund, eurodéputé écologiste allemand.

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18.430 euros par mois

Cet eurodéputé est à l'origine d'un amendement appelant à annuler la nomination de Markus Pieper et à lancer une nouvelle procédure. Dans un vote non contraignant, le Parlement européen, réuni à Bruxelles en session plénière, a ainsi adopté l'amendement avec 382 voix pour, 144 contre et 80 abstentions. Le PPE a essayé de contrecarrer ce vote en tentant à la dernière minute de déposer un amendement soutenant cette nomination et Ursula von der Leyen. En vain, les eurodéputés s'y sont majoritairement opposés.

Pas de quoi faire changer d'avis Bruxelles pour autant. Par la voix de son porte-parole, Eric Mamer, la Commission a réaffirmé peu après le vote avoir « respecté les procédures ». Elle a confirmé que Markus Pieper prendrait bien ses fonctions, comme prévu, la semaine prochaine.

Markus Pieper a signé son contrat le dimanche 31 mars et doit prendre ses nouvelles fonctions le 16 avril pour un mandat de quatre ans. Le poste de grade 15, l'un des plus hauts de la hiérarchie européenne, devrait lui valoir une rémunération de 18.430 euros bruts par mois, selon la grille officielle.

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La Commission divisée

Cette nomination n'a pas non plus laissé indifférent le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, ainsi que trois commissaires, le Français Thierry Breton, l'Italien Paolo Gentiloni et le Luxembourgeois Nicolas Schmit. Ces derniers avaient réclamé une discussion au sein du collège des 27 commissaires, questionnant « la transparence et l'impartialité » de la procédure de nomination de Markus Pieper. A noter que Nicolas Schmit est lui-même le porte-drapeau des sociaux-démocrates aux élections européennes.

Le sujet a finalement été abordé lors d'une réunion du collège mercredi. L'échange « a duré une heure, les commissaires PPE prenant la parole tour à tour pour défendre Markus Pieper », a expliqué une source au fait des discussions.

« Thierry Breton et Josep Borrell ont évoqué le manque de collégialité et des problèmes flagrants de partage d'information de la part de Ursula von der Leyen », a encore détaillé cette source.

Métaphore footballistique

Cette affaire n'est pas nouvelle. Le 29 février, une douzaine d'eurodéputés de quatre groupes politiques (sociaux-démocrates S&D, libéraux Renew, La Gauche et les Verts) avaient déjà adressé une série de questions à Ursula von der Leyen.

Ils s'interrogeaient notamment sur des informations selon lesquelles deux candidates, l'eurodéputée tchèque Martina Dlabajova du groupe Renew et Anna Stellinger de la Confédération des entreprises suédoises, avaient atteint le dernier stade de la procédure de recrutement en obtenant de meilleures évaluations que Markus Pieper.

Le porte-parole de la Commission, Eric Mamer, a choisi une métaphore footballistique pour justifier la victoire de Markus Pieper à l'issue des entretiens finaux.

« Dans certains tournois de football, il y a une phase de poule après laquelle deux équipes passent au tour suivant, les compteurs sont alors remis à zéro pour la suite », a-t-il expliqué.

Pourtant, le soutien du PPE, qui devrait rester le premier groupe politique dans le prochain Parlement, ne garantit pas à Ursula von der Leyen d'être reconduite à la tête de la Commission. Cette nomination reste une prérogative des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE qui en discuteront après les élections de juin. Elle devra toutefois être approuvée par une majorité au sein du futur Parlement européen.

(Avec AFP)