Grèce : Varoufakis s'explique sur son incroyable plan B

Par latribune.fr  |   |  1241  mots
Yanis Varoufakis a démissionné après le référendum grec du 5 juillet.
L'ancien ministre grec des Finances aurait envisagé de pirater ses propres serveurs afin de créer un système bancaire parallèle, selon le quotidien grec Ekathimerini. Il aurait même eu un feu vert de principe d'Alexis Tsipras avant l'élection de Syriza. Dans un entretien accordé au journal The Telegraph, l'économiste et "ministre-éclair" s'explique.

(Article créé le 26/07/2015 à 14:29, mis à jour le 27/07/2015 à 11:10)

 Un plan B pour le moins explosif. Yanis Varoufakis, l'ancien ministre grec des Finances, prévoyait de pirater la plateforme de l'administration fiscale grecque dans le but de créer un système bancaire parallèle en cas de faillite. Ce plan figure dans la retranscription d'une conversation attribuée à Yanis Varoufakis et Norman Lamont, qui fut également en charge des Finances mais au Royaume-Uni, publiée dimanche 26 juillet par le quotidien Ekathimerini. Des responsables de hedge funds auraient également assisté à cette téléconférence qui aurait eu lieu le 16 juillet, soit une semaine après la démission de Yanis Varoufakis.

Feu vert de Tsipras

Selon ces propos rapportés, l'ancien ministre qui a démissionné après le référendum de juillet aurait notamment déclaré:

"Le Premier ministre, avant qu'il devienne Premier ministre, avant que nous (Syriza) ne gagnions l'élection en janvier, m'avait donné le feu vert pour imaginer un plan B."

Ce plan aurait consisté à créer un système permettant de transférer des fonds directement des contribuables aux organisations ou entreprises créancières de l'Etat en cas de tarissement des fonds voire de fermeture des banques. Il est notamment écrit dans cet article:

"Prenons par exemple le cas où l'Etat devrait un million d'euros à un laboratoire pharmaceutique pour l'achat de médicaments (...) Nous pouvions immédiatement créer un transfert numérique vers le compte de la compagnie grâce à son numéro fiscal et nous lui donnions un code pour l'utiliser comme un mécanisme de paiement parallèle pour n'importe quel versement (...) vers n'importe quel autre fichier fiscal à qui elle devrait de l'argent ou bien pour régler ses propres impôts à l'Etat. Cela aurait créé un système bancaire parallèle au moment où les banques étaient fermées à cause de l'action agressive de la Banque centrale européenne visant à nous étrangler."

Nouvelles drachmes

Ce système initialement libellé en euro aurait même pu être rapidement transformé afin d'utiliser les nouvelles "drachmes" en cas de "Grexit" effectif. Seulement, une fois aux commandes, l'ex-ministre aurait constaté que la direction générale des impôts étant régie de fait par un représentant de la Troïka (BCE, Commission européenne et FMI), il n'était pas possible de tester ce plan sans éveiller les soupçons. Yanis Varoufakis aurait alors envisagé de pirater son propre système fiscal. Il aurait consulté secrètement un ami expert en informatique et professeur à l'université américaine de Columbia à ce sujet.

"Vous ne devez pas répéter cela, c'est totalement entre nous", aurait demandé l'ancien ministre grec à ses interlocuteurs selon les documents de Ekatherimini. Si l'information venait à fuiter, "je nierais l'avoir dit", est-il encore attribué à l'ancien ministre.

Explications attendues outre-Manche

Un responsable du quotidien britannique The Telegraph indique ce dimanche avoir contacté le principal intéressé. Il écrit sur Twitter:

"Je viens de discuter avec Varoufakis de ces allégations. Kathim [le quotidien grec] ne lui a jamais parlé. Il s'expliquera dans le Telegraph"

Un deuxième plan?

De son côté, le site du quotidien grec signale que le parti d'opposition Nouvelle Démocratie organisera lundi une réunion extraordinaire pour évoquer ces révélations. L'agence Reuters ajoute que le centriste To Potami et les socialistes du Pasok feront de même.

Le sujet semble pris d'autant plus au sérieux dans la classe politique grecque qu'un autre programme de secours aurait été préparé, cette fois par l'ancien ministre de l'Energie, Panagiotis Lafazanis. Dans une interview à l'édition dominicale de RealNews Daily, ce dernier déclare avoir proposé de réquisitionner les fonds de la Banque centrale grecque en cas de Grexit. Il a toutefois nié une affirmation du Financial Times selon laquelle il envisageait même d'arrêter le gouverneur de cette institution, Yannis Stournaras, en cas de résistance de sa part.

1000 personnes pour un plan?

Malgré ce plan surprenant, c'est un tout autre scénario qui s'est finalement produit, avec une fermeture des banques suivie d'un référendum et finalement d'une capitulation de la part du Premier ministre, Alexis Tsipras. Des envoyés de la Troïka, de retour après des mois d'absence, doivent d'ailleurs démarrer leurs travaux à Athènes à partir de mardi 28 juillet.

Pourquoi ce plan B - s'il a réellement existé - n'a-t-il pas été mené à son terme ? Dans cet entretien restranscrit, Yanis Varoufakis, clame qu'il comptait sur une équipe composée d'un millier de personnes afin de le faire aboutir. Faute d'accord de la part du chef du gouvernement, il n'aurait pu réunir ces effectifs.

"Ils veulent me faire passer pour un escroc"

Comme prévu, c'est au Telegraph que Varoufakis a choisi de se confier dimanche en fin d'après-midi. S'il confirme les citations du quotidien Ekathimerini sur l'élaboration d'un plan B, il dénonce la manière dont les médias grecs ont manipulé ses propos, en particulier sur la question du retour à la drachme.

Dans un entretien accordé au quotidien britannique le Telegraph dimanche, il assure que certains médias grecs cherchent à le faire tomber :

"Ils veulent me faire passer pour un escroc et me faire tomber pour trahison. C'est une tentative d'annuler les cinq premiers mois de ce gouvernement et de les mettre dans la poubelle de l'Histoire".

Sur son compte Twitter, il ne cache pas non plus sa colère : "Alors comme ça, j'allais prendre en otage les numéros fiscaux des contribuables ?  Impressionné par l'imagination de mes diffamateurs".

 Et déplore des "accusations (qui) déforment totalement le but du système bancaire parallèle comme je l'avais imaginé. J'ai toujours été opposé à la sortie de l'euro parce que nous ignorons les forces obscures que cela pourrait faire déferler sur l'Europe".

 Au Telegraph, il confie que ce fameux système bancaire parallèle à l'étude était "très bien conçu":

"Rapidement il aurait été possible de l'étendre, en utilisant des applis sur smartphone, et il serait devenu un système parallèle opérationnel. Bien entendu, il aurait été émis en euros mais convertible en nouvelles drachmes".

L'ancien ministre explique que Alexis Tsipras, d'abord partant, a finalement reculé à la dernière minute :

"J'ai toujours dit à Tsipras que ce n'était pas une partie de plaisir mais que c'était le prix à payer pour la liberté", explique l'ancien ministre des Finances au journal britannique.

Le soir du 5 juillet, Tsipras a préféré renoncer ...

Le soir du 5 juillet, qui consacre le "Oxi" en Grèce, Varoufakis lui, aurait voulu se servir de la victoire écrasante du "non" du peuple grec pour mettre à profit son plan. Mais faute d'avoir obtenu le soutien de son Premier ministre, il a préféré renoncer à son plan, et à son poste :

 "Mais quand le moment fatidique est arrivé, il s'est rendu compte que ce serait trop compliqué à mettre en place. Je ne sais pas exactement quand il est arrivé à cette conclusion mais je l'ai su explicitement le soir du référendum et c'est pourquoi j'ai présenté ma démission".