Victoire du "non" en Grèce : une "catastrophe pour la nation" ou une "défaite de l'Europe" ?

Par latribune.fr  |   |  884  mots
Les économistes qui ont incité à voter "non" dimanche devraient maintenant accepter leur responsabilité pour la souffrance que vont endurer les Grecs, particulièrement les plus pauvres, sur le chemin de la nouvelle drachme", estime le Wall Street Journal.
Les interprétations du résultat du référendum de dimanche et les visions sur l'avenir du peuple grec diffèrent dans les journaux étrangers.

L'avenir de la Grèce enflamme la presse, à l'étranger comme en France. Et de même que dans l'arène politique, sur les Unes des principaux titres internationaux la victoire du "non" au référendum de dimanche 4 juillet suscite des prises de position très diversifiées, notamment entre les principaux titres anglo-saxons et ceux de l'Europe du Sud. La Tribune les a passés en revue.

  • Le Financial Times n'a pas de doute: "Alexis Tsipras et ses collègues ont déclenché une catastrophe pour leur nation", estime notamment Tony Barber dans les colonnes du quotidien britannique. Le résultat négatif du référendum grec aboutira en effet à "élargir les fissures politiques dans une société déjà assommée par un marasme économique", assure-t-il dans un éditorial, précisant qu'il s'agit notamment de la déchirure créée entre deux pans de la population. D'une part, les Grecs qui ont voté "oui" "considéreront le résultat comme une calamité comparable à la défaite militaire de 1922 aux mains des Turcs". De l'autre, ceux qui ont voté "non" "vont rapidement apprendre qu'il n'y pas de salut, mais uniquement de la misère à venir", explique le quotidien économique britannique.
    L'avenir du berceau de l'humanité semble donc terne aux yeux du FT. Le journal prévoit que "comme en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, la Grèce est condamnée à être un quartier de l'Europe pour de nombreuses années, une condition qui ne favorisera guère l'autosuffisance et l'engagement à la réforme".

  • Egalement pessimiste, le Wall Street Journal  critique notamment certains économistes dits "progressistes" tels que Joseph Stiglitz ayant incité à voter "non" au référendum. Imaginant la sortie de la Grèce de la zone euro, le quotidien américain tempère leur enthousiasme en évoquant l'idée d'un retour à la drachme, ironisant sur "l'élixir magique de la dévaluation" qui en suivrait. Rappelant les difficultés à venir en cas de retour à l'ancienne monnaie grecque, le WSJ conclut:

"C'est gentil de leur part d'avoir suggéré que les Grecs pourraient être les premiers à faire l'expérience d'une sortie de la zone euro. Mais ces économistes devraient maintenant accepter leur responsabilité pour la souffrance que vont endurer les Grecs, particulièrement les plus pauvres, sur le chemin de la nouvelle drachme".

  • Dans un éditorial intitulé "Ce que l'Europe a besoin de faire maintenant", le rédacteur en chef du principal titre économique allemand, Handelsblatt, ne ménage pas ses mots: "Personne ne veut soutenir un État dans lequel l'argent prêté se perd", met en garde Oliver Stock. Après la victoire du "non", "Tsipras, Varoufakis et Cie.", qui ont montré une attitude "intransigeante", n'ont pas le droit  "de dicter à l'Europe leurs conditions", estime le journaliste. Selon lui, si la Grèce devait prendre aujourd'hui le chemin des réformes indiqué par la chancelière allemande Angela Merkel, elle trahirait ses ses propres électeurs.

"En vérité, seul le Grexit aidera", conclut-il.

 Le Grexit: un "suicide collectif"?

Ce vote "non" a réuni des extrêmes, analyse le journal qui se dit "européiste". Il cite  notamment "la gauche, avec Syriza, des petits partis extra-parlementaires, quelques électeurs communistes", mais aussi  "des nationalistes comme les Grecs Indépendants  et des néo-nazis (Aube dorée, ndlr) radicalement opposés aux diktat de Bruxelles". Le quotidien espagnol juge sévèrement l'attitude du Pasok et de la Nouvelle démocratie: "Les partis politiques conservateurs et socialistes ont été incapables de s'unir pour le "oui" et de forger un front européen."

  • Une "défaite brûlante et retentissante de l'Europe et de l'eurozone": voici ce que représente, selon Il Sole 24 Ore, le résultat du référendum de dimanche en Grèce. Pire, un "choc qui sur le long terme pourrait avoir des conséquences encore plus dévastatrices" de celui infligé à l'Europe il y a dix ans par le "non" de la France et des Pays-Bas au projet de Constitution européenne, à l'origine de "la lente mais inexorable involution intergouvernementale de l'Union".

    Pour Il Sole pourtant, un Grexit, bien qu'il soit considéré par certains comme la solution désormais la plus simple du point de vue politique comme financier, ne représenterait qu'une solution illusoire. "Jamais dans le passé les sécessions des politiques communes (...) en ont corroboré le succès. Au contraire, dans la meilleure des hypothèses, ils en ont compliqué la mise en oeuvre et compromis l'efficacité", analyse le journal.

"Intégrité et irréversibilité font partie de l'ADN de l'euro, qui ne prévoit pas d'expulsions, plus ou moins masquées. C'est pourquoi un Grexit équivaudrait à un suicide collectif", conclut-il, évoquant les effets boursiers et sur les marchés, dont "les premiers à souffrir seraient les pays faibles comme le Portugal, l'Espagne et l'Italie".

Le quotidien italien appelle alors à une véritable remise en cause du modèle européen, qui sacrifie enfin les intérêts particuliers au nom de celui collectif en arrêtant de réduire la question du Grexit à "une simple partie comptable".