Zone euro : des économistes prônent un assouplissement des règles budgétaires

Par Grégoire Normand  |   |  731  mots
Les règles "sont complexes, peu fiables et manquent de transparence : cela nuit à une bonne appropriation de la contrainte budgétaire par les décideurs et les citoyens au niveau national", explique la note. (Crédits : Dado Ruvic)
Face à l'inefficacité des règles budgétaires actuelles dans la zone euro, le président du conseil d'analyse économique (CAE) Philippe Martin et deux autres économistes proposent, dans une étude, de mettre fin à la fameuse barre des 3% de déficit exigés par les critères de Maastricht. Les trois auteurs préconisent l'adoption d'une règle plus simple centrée sur l'évolution des dépenses publiques.

À la veille du discours du président de la Commission européenne sur l'état de l'Union européenne Jean-Claude Juncker devant le Parlement européen réuni à Strasbourg, le conseil d'analyse économique a publié ce mardi 11 septembre une étude proposant une réforme des règles budgétaires européennes actuelles. Les trois auteurs de la note Philippe Martin (CAE), Xavier Ragot (OFCE) et Zsolt Darvas (Bruegel) défendent l'adoption d'une règle plus simple centrée sur l'évolution des dépenses publiques, "conciliant stabilisation et soutenabilité."

"Extrêmement complexe, peu transparent et conduisant à des erreurs de politique économique, le cadre budgétaire européen doit être largement réformé."

À l'heure où les populismes gagnent du terrain en Europe et à quelques mois des élections européennes, l'avenir et la stabilité de la zone euro deviennent déterminants dans un monde en proie à des tensions diplomatiques et commerciales. Les tentatives d'application des règles d'orthodoxie budgétaire en période de crise sont loin d'avoir montrées des signes d'efficacité macroéconomiques. Les États membres de l'union monétaire appliquent très peu les règles d'équilibre budgétaire aussi bien pour les déficits que les pour les excédents.

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Un constat d'échec

La note de l'organisme rattaché à Matignon fait le constat que les règles budgétaires en cours ont souvent abouti à des échecs au regard des objectifs avancés. Les économistes rappellent que ces principes étaient d'assurer "la soutenabilité de la dette et stabiliser l'économie en cas de choc."

Les règles sont "complexes, peu fiables et manquent de transparence : cela nuit à une bonne appropriation de la contrainte budgétaire par les décideurs et les citoyens au niveau national."

Pour les experts, ces règles ont engendré une austérité budgétaire néfaste, surtout dans les années qui ont suivi la crise. Par ailleurs, les rédacteurs ajoutent que même lors des périodes de conjoncture plus favorables, "la réduction de la dette a été insuffisante." Enfin, ce cadre réglementaire a mis "une pression trop forte sur la Banque centrale européenne obligée de se substituer à la politique budgétaire défaillante et a aggravé les tensions politiques entre États membres pendant la crise."

Face à ce constat accablant, les auteurs de la note font quelques recommandations centrées sur le taux de croissance des dépenses publiques. Cette variable présente l'avantage d'être observable en temps réel "et directement pilotable par le gouvernement." Leur proposition principale se concentre sur l'adoption d'une règle :

"Les dépenses nominales ne devraient pas croître plus rapidement que le PIB potentiel à long terme et elles devraient progresser plus lentement dans les pays où la dette est excessive. La trajectoire de dépenses publiques doit être cohérente avec la cible de moyen terme (à l'horizon de cinq ans) de réduction du ratio de dette sur PIB sur laquelle les État membres se sont mis d'accord."

D'après les travaux de simulation opérés par les économistes, cette règle permettrait de concilier prudence budgétaire et stabilisation macroéconomique de l'économie. Un objectif qui permettrait à la zone euro de réduire les phénomènes de divergences économiques entre les pays.

Renationaliser le débat budgétaire

Cette nouvelle règle doit s'accompagner d'un renforcement des institutions nationales et européennes, expliquent les trois experts. Ils militent en outre pour une renationalisation du débat budgétaire qui permettrait "de créer les conditions pour que les règles soient internalisées et acceptées et non pas brandies comme un diktat bruxellois."

Pour favoriser ce processus, ils recommandent entre autres de renforcer le mandat du Haut conseil des finances publiques. À l'heure actuelle, cette organisation rend principalement des avis sur "le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement [...] les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale."

Enfin, ils préconisent "de sortir de l'impasse actuelle où tout le poids de la conformité repose sur les règles et des amendes, non appliquées." À la place, ils proposent de combiner plusieurs instruments permettant "surveillance, incitations positives, discipline de marché et responsabilisation politique."

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