Les régulateurs s'interrogent sur l'impact de Bâle 3

Par Sophie Rolland  |   |  744  mots
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Réunis par l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) au Palais Brongniart, les experts de la nouvelle réglementation bancaire ont décrypté l'impact des normes de Bâle 3.

« Bâle 3 » met-il en péril le financement de l'économie, comme le dénoncent régulièrement les banques ? Les régulateurs, législateurs et banquiers interrogés à l'occasion de la conférence organisée par l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) ont tenté d'apporter un début de réponse, mais le chantier de la régulation bancaire est loin d'être achevé. Le débat de ce mercredi intervenait à un moment charnière de la négociation de la directive CRD 4 - celle-ci doit transcrire en droit européen les recommandations du Comité de Bâle. En effet, selon le représentant de la Commission européenne, Dominique Thienpont, les discussions entre le Conseil, le Parlement et la Commission pourraient aboutir demain. Le travail ne sera toutefois pas entièrement terminé, car un règlement ayant pour objectif de réduire les différences entre législations nationales doit venir compléter la directive et il sera discuté en juillet.

Le financement des PME 
Le financement des PME fait partie des sujets régulièrement soulevés par les détracteurs de Bâle 3, car contrairement aux grandes entreprises, elles n'ont pas la taille nécessaire pour se financer sur les marchés obligataires. Il sera au c?ur des discussions du mois de juillet. Le Parlement européen souhaiterait introduire dès 2013 des dispositions permettant d'alléger fortement la charge en capital imposée aux banques sur les crédits qu'elles accordent aux PME. « La Commission est disposée à assouplir les règles sans attendre longtemps mais à condition que cet assouplissement soit justifié par les données nécessaires », a expliqué Dominique Thienpont, précisant que la Commission avait « demandé à l'Autorité bancaire européenne de réfléchir au sujet et de lui fournir un rapport assez rapidement ».

Face à un ratio de liquidité inapproprié, il est urgent de ne rien faire
Autre aspect très critiqué du nouveau cadre réglementaire : le ratio de liquidité. « C'est un sujet difficile, en particulier en France », a reconnu Dominique Thienpont. Mais si la Commission est plutôt d'accord avec les pays qui ont demandé au Comité de Bâle de revoir sa copie, elle ne juge pas pour autant nécessaire de « modifier aujourd'hui le texte de CRD4 ». « Le ratio de liquidité est censé entrer en vigueur en 2015. Jusque là les établissements de crédit auront juste une obligation de reporting sur leurs actifs liquides auprès de leurs autorités de contrôle », précise le représentant de la Commission. Pour lui, il est donc préférable d'attendre que le Comité de Bâle ait donné sa nouvelle définition des actifs liquides et son nouveau paramétrage du ratio.

La position de la Commission est comparable sur les deux ratios de long terme, qui menacent de peser sur le financement à long terme. « Ces ratios ne seront pas introduits avant 2018 et il n'est pas sûr qu'il faille modifier à ce stade ce qui ne prend la forme que d'un reporting », a déclaré Dominique Thienpont.

Faire bénéficier les banques françaises du bassin d'épargne hexagonal ?
Pour le chef du service du financement de l'économie à la direction générale du Trésor, Hervé de Villeroché, la mise en ?uvre de Bâle 3 est un « défi » pour le secteur financier français. Pour renforcer leur liquidité, les banques françaises ont toutefois un atout : l'existence d'un bassin d'épargne important. Mais « cela nécessite des adaptations », reconnaît Hervé de Villeroché. Concernant les établissements spécialisés dans les activités d'affacturage, de crédit bail ou de caution, le représentant du Trésor estime qu'il est nécessaire de réfléchir à un cadre prudentiel adapté, car ils « ne seront pas très à l'aise » si les contraintes de Bâle 3 ne sont pas aménagées.

En revanche, pour lui, les banques ne risquent pas de couper les crédits aux PME et aux ménages car ces derniers leur permettent d'amasser de précieux dépôts. « Les activités de financement longs sans dépôt seront très impactées », estime Hervé de Villeroché. « On peut avoir des angoisses sur le financement des collectivités locales et le financement export mais ce qui nous rassure est que les volumes de financement sont modérés dans ces secteurs et nous sommes confiants sur les réponses qui pourront être trouvées ».