Mais pourquoi les Français épargnent-ils autant ?

Par Christine Lejoux  |   |  553  mots
Le taux d'épargne est de 11% en moyenne en Europe, et n'excède pas 4% au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. REUTERS.
Le taux d’épargne des Français a atteint 15,7% au second semestre 2013. Or une baisse d’un point de ce taux d’épargne libérerait 14 milliards d’euros pour la consommation et, partant, pour la relance de la croissance économique.

"Notre pays continue à produire beaucoup d'épargne", a déclaré le sénateur UMP Philippe Marini, président de la commission des Finances du Sénat, en préambule aux 23èmes rencontres parlementaires sur l'épargne, qui se sont déroulées le 29 janvier, à Paris. L'entrée en matière du sénateur de l'Oise relève de l'euphémisme : au second semestre 2013, le taux d'épargne des ménages français s'est élevé à 15,7% (de leur revenu disponible). A titre de comparaison, la moyenne européenne ne dépasse pas 11%, et le taux d'épargne au Royaume-Uni et aux Etats-Unis est de l'ordre de 4% seulement.

 Pourquoi les Français jouent-ils autant les fourmis ? La première raison est structurelle, liée à un héritage historique : c'est dans leur ADN, les Français préfèrent mettre de côté l'argent nécessaire à leurs dépenses futures, alors qu'aux Etats-Unis, par exemple, les achats à crédit sont monnaie courants. La France est également, depuis le 19ème siècle essentiellement, un pays de propriétaires, contrairement à l'Allemagne, par exemple. D'où la nécessité, pour les Français, d'épargner afin de se constituer l'apport nécessaire à l'acquisition de leur résidence principale. En outre, l'achat de logements neufs est assimilé à de l'épargne. Il constitue d'ailleurs près des deux tiers du taux d'épargne de 15,7%.

 L'épargne comme substitut aux systèmes de protection collective

 Si les Français épargnent autant, c'est également pour des motifs conjoncturels, comme la dégradation de la conjoncture économique et la montée du chômage, qui alimentent la peur du lendemain. Les ménages se constituent alors une épargne de précaution. Mais aujourd'hui,

"le taux d'épargne très élevé des Français renvoie moins à la crise - et encore moins à l'enrichissement - qu'à des anticipations de long terme, comme la façon de sécuriser un parcours de vie qui s'annonce de plus en plus long",

estime Alain Tourdjman, directeur des études économiques et de la prospective de la banque BPCE.

 Vivre de plus en plus vieux, qu'il s'agisse de soi-même ou de ses proches, implique en effet de réfléchir au financement de la retraite, de la santé, de la dépendance. Toutes choses pour lesquelles les Français n'attendent plus grand-chose de l'Etat. "Les Français sont très pessimistes quant aux systèmes de protection collective", assure Alain Tourdjman. De fait, selon l'Observatoire BPCE paru en juillet 2013, près des trois quarts (72%) des individus majeurs interrogés estiment que, "dans la société actuelle, chacun doit se prendre en charge et moins compter sur l'Etat et la protection collective." D'où une motivation croissante à épargner.

 Une baisse d'un point du taux d'épargne = 14 milliards d'euros pour la consommation

 Reste que ce qui pourrait apparaître comme une vertu - jouer les écureuils en amassant des noisettes en vue de jours difficiles - ne l'est pas tant que ça. Car "une baisse d'un point du taux d'épargne des Français libérerait 14 milliards d'euros pour la consommation, une somme loin d'être négligeable", indique André Babeau, professeur des Universités, qui estime ainsi qu'un "tassement à 13% du taux d'épargne des ménages demeurerait très correct." Surtout à l'heure où la France est en pleine recherche de sa croissance économique perdue.