Ouvrir un compte bancaire chez… son buraliste, c’est désormais possible

Par Christine Lejoux  |   |  932  mots
A la fin 2014, 1.000 buralistes agréés par le gendarme bancaire devraient distribuer Compte-Nickel, selon la Financière des paiements électroniques. REUTERS.
Après six mois de test, Compte-Nickel, porté sur les fonts baptismaux par Hugues Le Bret, ancien patron de Boursorama et ex-directeur de la communication de la Société générale, est disponible auprès du grand public depuis le 11 février, dans les bureaux de tabac.

"Ryad a envie de faire une belle révolution. Bancariser les pauvres et les exclus (…), offrir des prix imbattables. Mais pas d'angélisme. Il faut être performant. Donc rentable." Dans son livre "No bank", voilà ce qu'Hugues Le Bret, ancien directeur de la communication de la Société générale et ex-patron de Boursorama, retient de sa première rencontre avec Ryad Boulanouar, il y a trois ans environ.

 A l'époque, ce "geek" trentenaire - qui n'est autre que le papa du Pass Navigo, la carte de transport utilisée par les Franciliens - expose à Hugues Le Bret son projet de banque chez… les buralistes. Les deux hommes s'associent au sein de la Financière des paiements électroniques (FPE) et portent sur les fonts baptismaux "Compte-Nickel", dont le lancement auprès du grand public a débuté le 11 février.

 La Confédération des buralistes détient 5% de FPE

 "Il s'agit du premier compte ouvert en dehors des réseaux bancaires traditionnels", s'enorgueillit Hugues Le Bret. De fait, la Confédération des buralistes, qui détient 5% de FPE, dispose de l'exclusivité de la distribution de Compte Nickel, pour une durée de six ans au moins. Concrètement, toute personne majeure et disposant de papiers d'identité en cours de validité peut acheter un coffret Compte-Nickel dans un bureau de tabac, moyennant une somme de 20 euros, dont 3 euros reviendront au buraliste, lequel bénéficiera également de commissions sur les dépôts et les retraits.

 Il suffit ensuite au client de scanner sa pièce d'identité, de rentrer son numéro de téléphone portable et son adresse sur une borne "ad hoc" chez le buraliste, pour que ce dernier, après avoir vérifié l'authenticité de la pièce d'identité, active le compte bancaire et la carte de paiement Mastercard qui lui est associée. Un relevé d'identité bancaire est alors remis au client, ce qui lui permet de domicilier ses revenus sur son compte Nickel, d'y déposer des espèces, d'en retirer - chez le buraliste ou via un distributeur automatique -, d'effectuer des virements et d'autoriser des prélèvements.

 Trois ans pour obtenir l'aval du gendarme bancaire

 En revanche,

"nous ne fournissons pas de crédit et n'avons pas d'offre d'épargne, nous ne sommes pas une banque mais un établissement de paiements, agréé par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)",

précise Hugues Le Bret. Ce blanc-seing donné par le gendarme des banques, l'ancien "dircom" de la Société générale y tient comme à la prunelle de ses yeux. D'abord parce qu'il a fallu trois ans à FPE pour décrocher ce précieux sésame, l'ACPR ayant passé au tamis le business plan de la société, son informatique, ses procédures de sécurité, etc. Ensuite parce que cet agrément, que les buralistes doivent également obtenir pour distribuer Compte-Nickel, "représente un gage de sécurité pour les clients", affirme Hugues Le Bret.

 Mais quid des possibles braquages de bureaux de tabac ? La question n'en est pas une pour l'ancien patron de Boursorama, les dépôts en cash étant limités à 750 euros par mois et par client, et l'argent étant de surcroit logé dans un compte de cantonnement au Crédit Mutuel Arkéa. De plus, "les clients effectueront davantage de retraits que de dépôts chez les buralistes, ce qui aidera à lutter contre le risque de braquage", assure Hugues Le Bret.

 Un prix de 34,10 euros par an, au lieu de 192 euros dans une banque traditionnelle

Des clients qui ne sont pas forcément ceux auxquels FPE s'attendait. Sur les 511 personnes qui ont ouvert un compte Nickel dans les trois bureaux de tabac testés du 12 décembre 2013 au 6 février 2014, la majorité (35,1%) sont des employés, suivis par des entrepreneurs (10,1%), des cadres (10,3%), des commerçants (10,1%), des fonctionnaires, des étudiants… Les demandeurs d'emploi ne représentent que 16,5% du total, " alors que nous nous attendions à une proportion de 80%", s'étonne Ryad Boulanouar.

En effet, conformément à la "révolution" souhaitée par le jeune homme, Compte Nickel était initialement calibré pour les 2,5 millions d'interdits bancaires français et autres populations fragiles, avec une ouverture du compte indépendamment des revenus de la personne, de son patrimoine ou du montant de ses dépôts, et un prix moyen de 34,10 euros par an, à des années-lumière des 192 euros déboursés bon an, mal an, dans les banque traditionnelles, selon les estimations de Pierre de Perthuis, membre de l'équipe dirigeante de FPE.

 Un objectif de 100.000 clients fin 2014

 De l'aveu même de ce dernier, "nous n'avions pas songé à tous les usages possibles de Compte Nickel." Les clients si, qui l'utilisent notamment comme un deuxième compte, personnel, ou, au contraire, commun avec leur conjoint. En réalité, "Compte Nickel est destiné à toux ceux qui jugent les offres bancaires traditionnelles trop étoffées par rapport à leurs besoins ou trop onéreuses", constate Pierre de Perthuis. Résultat, à la date du 11 février, Compte Nickel recensait déjà 1.068 clients, pour 134 buralistes agréés par l'ACPR.

 Des chiffres que FPE ambitionne de porter respectivement à 100.000 et à 1.000 à la fin de l'année, ce qui permettra à la société d'atteindre son point mort.

"Notre objectif est d'équiper un maximum de buralistes de cette technologie, qui répond à leur besoin de diversification de leur activité, et aux besoins de nombres de leurs clients, qui vivent dans des lieux où il n'existe pas forcément d'agence bancaire",

confirme Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes.