L’euro fort, cauchemar des sociétés du CAC 40

Par Christine Lejoux  |   |  674  mots
La hausse de l'euro face aux principales monnaies a amputé de 2,5% en moyenne le chiffre d'affaires des sociétés du CAC 40, en 2013. REUTERS.
Le renchérissement de l’euro face aux principales monnaies a eu un impact négatif de 17 milliards d’euros sur le chiffre d’affaires des sociétés du CAC 40, en 2013, selon le cabinet Ricol Lasteyrie Corporate Finance.

Même pas le chiffre rond de 50 milliards. En 2013, les sociétés du CAC 40, l'indice phare de la Bourse de Paris, ont dégagé un bénéfice net (part du groupe) cumulé de 48 milliards d'euros, en baisse de 10% par rapport à 2012, selon une étude publiée le 24 juin par le cabinet Ricol Lasteyrie Corporate Finance.

 Un montant peu ou prou égal aux 47 milliards d'euros de "l'annus horribilis" 2009, marquée par une récession économique, survenue dans le sillage de la crise financière de 2008. Pis, les 48 milliards d'euros engrangés l'an dernier par les poids-lourds de la cote parisienne correspondent à la moitié seulement des 96 milliards de bénéfices récoltés en 2007, avant que n'éclate la crise financière.

 Un montant record de dépréciations d'actifs, à 23,7 milliards d'euros

Certes, les entreprises françaises ont pâti d'une conjoncture économique souffreteuse, avec un PIB (produit intérieur brut) qui a crû de 0,3% seulement en France en 2013, et de 0,2% au sein de la zone euro. Conjoncture qui les a conduites, par prudence, à déprécier leurs actifs pour le montant record de 23,7 milliards d'euros l'an dernier, réduisant d'autant leurs bénéfices nets.

 Mais, surtout, les fleurons du CAC 40, qui réalisent en moyenne plus du tiers (37%) de leur activité hors d'Europe, ont pris de plein fouet la hausse de l'euro par rapport aux principales monnaies étrangères, en particulier celles des pays émergents. Qu'on en juge : en 2013, la devise européenne a grimpé de 3% par rapport au dollar, de 6% face au rouble, de 13% par rapport à la roupie indienne, de 14% face au real brésilien, et de… 26% par rapport au yen.

 L'euro fort a amputé de 2,5% en moyenne l'activité des grandes entreprises françaises

 Conséquence, pour les 26 sociétés du CAC 40 détaillant l'impact du renchérissement de l'euro sur leurs comptes, comme Sanofi, Vallourec, LVMH, Schneider Electric, Michelin, Solvay ou encore Saint-Gobain, celui-ci a réduit leur chiffre d'affaires de 2,5% en moyenne, en 2013. Soit, au total, un impact négatif de 17 milliards d'euros sur l'activité des sociétés du CAC 40,  impact qui correspond à l'effet dit de conversion, lorsque les entreprises, au moment de la consolidation de leurs résultats, convertissent en euro des ventes enregistrées en monnaie locale, ce qui débouche sur une baisse de leur chiffre d'affaires. Pour mémoire, en 2012, l'évolution de l'euro par rapport aux autres devises avait eu un impact positif de 11 milliards d'euros sur les sociétés du CAC 40.

 Et encore, il ne s'agit là que de l'impact comptable de l'euro fort. Nous n'avons pas mesuré l'impact économique, c'est-à-dire le manque à gagner accusé par les entreprises françaises dont les prix de vente sont moins compétitifs, du fait de la force de l'euro. Au total, l'impact négatif de la hausse de l'euro sur les entreprises du CAC 40 est donc largement supérieur à 17 milliards d'euros »,

précise Jean-Charles de Lasteyrie, directeur général de Ricol Lasteyrie Corporate Finance.

 La meilleure couverture contre l'euro fort : produire là ou l'on vend

 Et, pour les groupes qui vendent beaucoup en devises locales, mais qui produisent essentiellement en France, comme le groupe de luxe LVMH, c'est la double peine, avec un chiffre d'affaires en baisse et des coûts d'exploitation en hausse. Bien sûr, les entreprises françaises peuvent limiter les conséquences du renchérissement de l'euro sur leur activité en achetant des produits financiers de couverture. Mais ceux-ci coûtent fort cher.

 "La meilleure couverture, c'est la couverture naturelle, à savoir produire dans les pays où l'on vend", souligne Sonia Bonnet-Bernard, associée gérante chez Ricol Lasteyrie Corporate Finance. La preuve avec Schneider Electric : pénalisé par l'euro fort, qui a élagué son chiffre d'affaires de près de 4% en 2013, ainsi que par la baisse de la demande en Europe, le fabricant français de matériel électrique va réorganiser ses usines françaises, afin de rééquilibrer ses volumes de production en fonction des zones de vente. Avec, à la clé, quelque 200 suppressions de postes.