Le Crédit agricole encaisse le choc de Banco Espirito Santo

Par Christine Lejoux  |   |  843  mots
Le Crédit agricole s'associera aux éventuelles poursuites que la nouvelle direction de Banco Espirito Santo pourrait engager contre l'ancien management de la banque portugaise. REUTERS.
Les difficultés financières de Banco Espirito Santo ont eu un impact négatif de 708 millions d'euros sur les comptes trimestriels du Crédit agricole, deuxième actionnaire de la banque portugaise.

Le Portugal a sauvé Banco Espirito Santo (BES), mais pas ses actionnaires. Le Crédit agricole, deuxième actionnaire de la banque portugaise après la famille Espirito Santo avec 14,6% du capital, en sait quelque chose : CASA, l'entité cotée en Bourse du Crédit agricole, a publié mardi 5 août un bénéfice net de 17 millions d'euros, au titre du deuxième trimestre, contre un résultat de... 696 millions un an auparavant. Et le bénéfice net du groupe Crédit agricole, qui comprend CASA et les caisses régionales, a été divisé par près de deux, à 705 millions d'euros.

La faute aux déboires de BES, victime d'un mécanisme de financement frauduleux au sein des sociétés du conglomérat familial Espirito Santo, et sauvée par le gouvernement portugais dans la nuit de dimanche à lundi. Ces déboires ont eu un impact négatif de 708 millions d'euros sur les comptes du Crédit agricole. Sur cette somme de 708 millions d'euros, 502 millions résultent de la quote-part (14,6%) de la banque verte sur la perte de 3,57 milliards d'euros dévoilée la semaine dernière par BES, au titre du premier semestre. Le solde de 206 millions provenant de la décision du Crédit agricole de ramener à zéro la valeur de sa participation dans BES.

La banque pourrait poursuivre l'ancienne direction de BES

Quid de cette participation, le plan de sauvetage de BES ayant scindé la banque en deux, avec, d'un côté, les actifs sains regroupés dans un nouvel établissement de crédit - Novo Banco - et, de l'autre, une "bad bank" chargée de liquider les actifs toxiques? Le Crédit agricole, désormais actionnaire de cette structure de défaisance, n'a "aucune raison de redouter des pertes supplémentaires", a assuré Jean-Paul Chifflet, directeur général de CASA, lors d'une conférence téléphonique.

Et de préciser :

"Les problèmes de BES nous étaient inconnus, nous les avons découverts en même temps que la Banque du Portugal. Nous ne pouvons que déplorer avoir été trompés par une famille avec laquelle nous voulions construire la première banque privée du Portugal."

En effet, les premiers accords entre le Crédit agricole et la famille Espirito Santo remontent au milieu des années 1980, et la banque verte était entrée au capital de BES en 1990. Décidé à ne pas laisser passer cette affaire, Jean-Paul Chifflet prévient que le Crédit agricole "s'associera aux (éventuelles) poursuites que la nouvelle équipe de direction de BES pourrait engager contre l'ancien management." Et, au cas où les nouveaux dirigeants ne tenteraient rien contre leurs prédécesseurs, le Crédit agricole "se réserve le droit d'engager (lui-même) des poursuites."

Le dossier BES a peu d'impact sur la solvabilité du Crédit agricole

Il faut dire que le dossier BES est d'autant plus regrettable pour la banque verte qu'il éclipse des résultats trimestriels en ligne avec le plan stratégique dévoilé en mars, malgré un environnement plus dégradé que prévu, notamment en matière de taux d'intérêt, ces derniers étant historiquement bas. Hors éléments exceptionnels, le bénéfice net de CASA ressort ainsi à 1,003 milliard d'euros (contre 696 millions un an plus tôt), grâce à une activité commerciale soutenue, couplée à une bonne maîtrise des charges.

Au chapitre de la solvabilité, le dossier BES a eu un impact de 7 points de base seulement sur le ratio des fonds propres "durs" rapportés aux crédits consentis, qui s'établit à 12,3% au 30 juin, contre 11,7% à la fin mars. Et celui de CASA s'élève à 9,9%, au lieu de 9% au 31 mars. Les investisseurs ne retenaient d'ailleurs que ces bonnes performances opérationnelles mardi matin, le cours de Bourse gagnant près de 6%, à 10,9 euros.

La revue sur les paiements en dollar transmise à la justice américaine

Mais si le Crédit agricole en a terminé, sur le plan financier du moins, avec l'histoire BES, le groupe pourrait en revanche aller au devant de difficultés avec la justice américaine, celle-là même qui a infligé le 30 juin une amende record de près de 9 milliards de dollars à BNP Paribas, accusée d'avoir réalisé des transactions en dollar avec des pays soumis à un embargo économique des Etats-Unis. En effet, voici quelques mois, le Crédit agricole avait, de son propre chef, enclenché une revue interne de ses paiements en dollar dans des pays soumis à embargo américain.

Et les conclusions de cette revue, qui "s'est achevée il y a quelques semaines, ont été transmises à la justice américaine", a indiqué Jean-Paul Chifflet. Le Crédit agricole, dont les provisions pour litiges s'élèvent au total à 1,1 milliard d'euros, ne précise pas le montant affecté aux risques liés aux paiements en dollar. Mais les transactions en question "ne concernent que la période 2003-2008 et sont très largement inférieures à celles des autres grandes banques de la place", affirme Jean-Paul Chifflet.