Les banques européennes n'ont plus d'excuse pour ne pas prêter, après le check-up de la BCE

Par Christine Lejoux  |   |  1197  mots
La BCE deviendra le superviseur unique des 130 plus grandes banques de la zone euro, le 4 novembre 2014. REUTERS.
Sur les 130 banques de la zone euro dont les bilans ont été passés au crible par la BCE, 8 seulement doivent présenter un plan de recapitalisation à l'institution francfortoise.

Le suspense est levé. Un peu plus d'un an après avoir commencé à passer au tamis les  actifs des 130 plus grandes banques de la zone euro, la BCE (Banque centrale européenne) - qui deviendra leur superviseur unique le 4 novembre, dans le cadre du projet d'union bancaire européenne - a dévoilé, dimanche 26 octobre, les résultats de ce bilan de santé. Un check-up qui s'était doublé, cet été, de tests de résistance destinés à éprouver la capacité du secteur bancaire européen à résister à des chocs économiques et financiers de grande ampleur.

 Certes, les établissements qui ont échoué au scénario catastrophe des stress tests - parce que leur ratio de solvabilité common equity Tier 1 [CET 1 : fonds propres dits "durs", c'est-à-dire de très grande qualité, rapportés aux crédits consentis ; Ndlr] ressort en-deça du seuil minimal de 5,5% exigé - sont tout de même au nombre de 25. Et il leur manque au total 25 milliards d'euros. Parmi eux figurent neuf banques italiennes, trois grecques, trois chypriotes, mais également l'allemande Münchener Hypothekenbank ainsi que la française Caisse de refinancement de l'habitat (CRH).

  Huit banques doivent présenter des plans de recapitalisation à la BCE

Mais la revue de la qualité des bilans (asset quality review, AQR) et les tests de résistance étaient basés sur les comptes 2013 des banques. Avertis dès l'an dernier du projet de check-up de la BCE, nombre d'établissements bancaires n'ont pas attendu ses conclusions pour lever, au cours de la première moitié de 2014, les capitaux qui risquaient de leur faire défaut. Cela a été le cas, notamment, de la Française CRH, dont l'augmentation de capital de 250 millions d'euros réalisée au premier semestre 2014 fait plus que couvrir l'insuffisance de fonds propres de 124 millions au 31 décembre 2013. Conséquence, sur les 25 banques pour lesquelles l'AQR et les stress tests font apparaître un déficit de fonds propres au 31 décembre 2013, seules huit accusent aujourd'hui une insuffisance de capitaux qui reste encore à combler, aujourd'hui.

Il s'agit de quatre banques italiennes - Monte dei Paschi di Siena, Banca Carige, Banco Popolare di Milano, Banco Popolare di Vicenza -, d'un établissement autrichien - Osterreichische Volksbanken -, d'une banque irlandaise, Permanent TSB, de la Portugaise BCP et de l'établissement grec Hellenic Bank. Ces huit recalées disposent à présent de quinze jours pour expliquer à la BCE de quelle manière elles comptent s'y prendre pour lever le total de 6 milliards d'euros de fonds propres qui leur manque. Elles auront ensuite six à neuf mois pour mettre leurs plans de recapitalisation en œuvre. Banca Carige a ainsi indiqué dimanche qu'elle envisageait une augmentation de capital d'au moins 500 millions d'euros pour combler une partie du déficit de fonds propres de 810 millions révélé par les tests bancaires européens.

"Il ne s'agit pas vraiment d'une surprise. Certaines de ces banques se trouvent dans des zones économiques de stress, et d'autres avaient déjà été identifiées comme fragiles par leurs régulateurs. De plus, elles n'ont pas échoué à l'AQR mais seulement aux tests de résistance, basés sur des éléments prospectifs",

relativise Damien Leurent, associé chez Deloitte, responsable de l'industrie financière.

Avec un ratio de solvabilité agrégé de 9%, les banques françaises sont largement au-dessus du minimum exigé

 Les banques françaises, elles, n'auront pas besoin de lever des capitaux supplémentaires. Les 13 établissements soumis à l'AQR et aux tests de résistance, et représentant 96% des actifs du système bancaire français, ont réussi l'examen sans encombre. L'AQR, qui visait notamment à s'assurer que les actifs des banques étaient correctement valorisés, a eu un impact négatif de 18 points de base seulement sur le ratio CET1 des banques françaises.

Les tests de résistance, eux, ont eu un impact négatif de 213 points de base sur le ratio CET1 des banques françaises, contre un impact de 300 points de base pour l'ensemble des banques de la zone euro. Avec un ratio CET1 agrégé qui ressort à 9% après l'AQR et les stress tests, les banques françaises se situent largement au-delà du minimum exigé de 5,5%.

 BNP Paribas affiche par exemple un ratio CET1 de 8,07%, ceux de la Société générale et du Crédit agricole s'élèvent respectivement à 8,15% et à 8,83%, et le ratio de BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne) ressort à 7%. "Les résultats de ce vaste audit des banques françaises (prouvent) que leur modèle universel, la diversification de leurs activités (...) sont des atouts qui leur permettent de présenter des bilans solides", a estimé Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, lors d'une conférence de presse.

Un exercice de bon augure pour la distribution du crédit

"Je salue cette démonstration de la solidité des banques françaises, qui leur permet d'assurer le financement des entreprises et des ménages et de poursuivre leurs efforts pour soutenir l'investissement et la croissance",

a indiqué de son côté Michel Sapin, le ministre des Finances, dans un communiqué. Améliorer le financement de l'économie par les banques, c'est l'objectif ultime de l'AQR et des tests de résistance, destinés à rassurer une bonne fois pour toutes les investisseurs sur la solidité du secteur bancaire européen et, partant, à créer des conditions plus favorables à la distribution de crédit, une condition essentielle à la reprise de l'économie, notamment dans les pays périphériques de la zone euro.

"Avoir un bilan de santé complet des banques n'est pas une fin en soi, ce qui compte c'est que nos banques aient les capacités de financer l'économie de manière durable et qu'elles soient suffisamment solides pour faire face à des difficultés qui pourraient perturber ce financement",

a ainsi rappelé dimanche Michel Barnier, le commissaire européen en charge des Services financiers.

Il faudra attendre l'ouverture des marchés financiers, lundi, pour en être sûr, mais l'AQR et les stress tests semblent avoir atteint leur objectif de réassurance des investisseurs :

"Il s'agit là d'un événement historique dans la construction européenne, le plus important depuis le passage à l'euro. Les régulateurs et les banques ont fourni un effort considérable, aussi bien au niveau de l'harmonisation des méthodologies d'évaluation que du niveau de granularité de l'examen des actifs, qui n'a rien à voir avec les stress tests faits en 2011 [qui avaient échoué à déceler les difficultés de certaines banques, difficultés mises ensuite en lumière par la crise des dettes souveraines ; Ndlr]",

estime Damien Leurent, chez Deloitte, pour qui "cet examen confirme la bonne santé du secteur bancaire européen." Un examen qui "va doper la confiance dans le secteur bancaire (...). Cela devrait faciliter la distribution du crédit en Europe, ce qui va soutenir la croissance économique", s'est félicité Vitor Constancio, vice-président de la BCE, dans un communiqué. "Une fois l'AQR, les stress tests et leur corollaire d'incertitudes passés, on peut s'attendre à ce que la distribution de crédit, assez dynamique en France, retrouve davantage d'allant dans les autres pays de la zone euro", a renchéri Christian Noyer.