Ras-le-bol fiscal : les banques aussi

Par Christine Lejoux  |   |  782  mots
La taxe systémique a représenté 800 millions à 900 millions d'euros de recettes pour le budget de l'Etat, en 2013.
Inscrite dans le budget rectificatif, la non déductibilité de la taxe systémique et de la contribution des banques au fonds de résolution représentera 900 millions d’euros de prélèvements pour le secteur bancaire français, au cours des trois prochaines années.

Les syndicats du secteur bancaire n'étaient pas à la fête, jeudi 20 novembre. Eux qui devaient se réunir mercredi 26 avec les patrons de banques pour discuter du pacte de responsabilité - lequel accorde des aides publiques aux entreprises en contrepartie d'engagements en matière d'emploi et d'investissement - vont devoir patienter. Jusqu'à quand ? Ils l'ignorent. "Nous ne suspendons pas les négociations mais nous les décalons, afin d'évaluer les conséquences des dernières hausses de la fiscalité sur le secteur bancaire", avait déclaré la veille François Pérol, président de la Fédération bancaire française (FBF) et patron du groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne), devant la presse.

De fait, pour trouver les 3,6 milliards d'euros de recettes qui lui manquaient afin de faire valider sa copie budgétaire par la Commission européenne, le gouvernement n'y est pas allé de main morte avec le secteur bancaire. Ce dernier réclamait la fin de la taxe sur le risque systémique, créée en 2011 pour prévenir la prise de risques excessifs, et qui n'a plus vraiment de raison d'être à l'heure où le fonds européen de résolution des crises bancaires, qui poursuit peu ou prou la même philosophie, va être créé. Las ! Dans le cadre du budget rectificatif présenté le 12 novembre, le gouvernement a indiqué que la taxe systémique, qui rapporte bon an mal près d'1 milliard d'euros au budget de l'Etat (800 à 900 millions d'euros en 2013), ne disparaitrait qu'en 2019.

900 millions d'euros de prélèvements sur trois ans

Alors que le fonds de résolution, abondé par les banques, sera créé dès 2016, ce qui nécessitera de la part du secteur bancaire français une contribution de 1,1 milliard d'euros à partir de 2015, contribution qui ira crescendo pour atteindre 1,9 milliard en 2022. Non seulement la taxe systémique disparaît bien moins vite que les banques le souhaitaient, et coexistera donc avec la contribution au fonds de résolution durant quelques années, mais cette taxe systémique devient également non déductible de l'impôt sur les sociétés. Ce qui sera également le cas de la contribution des banques au fonds de résolution. Au total, ce dispositif de non déductibilité représentera 900 millions d'euros de prélèvements sur trois ans pour le secteur bancaire français, s'étrangle la FBF.

"Nous regrettons beaucoup cette décision, qui n'a aucune justification, sauf à permettre d'engranger des recettes supplémentaires pour que la copie budgétaire française soit acceptée par Bruxelles", grince François Pérol. Qui juge "malheureux d'augmenter encore les impôts d'un secteur déjà lourdement taxé, et qui l'est davantage aujourd'hui (qu'il y a quelques années), même en tenant compte du pacte de responsabilité (et des allègements de charges qui lui sont liés)." Et le président de la FBF de citer pêle-mêle la taxe sur les salaires, la taxe destinée à abonder le fonds de soutien aux collectivités locales en butte à des emprunts toxiques, la hausse du forfait social, la taxe sur les dividendes, la surtaxe de l'impôt sur les sociétés, etc.

9 milliards d'euros en moins pour le financement de l'économie

Ce n'est pas la première fois, loin s'en faut, que les banques crient leur ras-le-bol fiscal. Et, comme à chaque fois, elles brandissent la menace d'une baisse et d'un renchérissement des crédits aux entreprises et aux particuliers. "900 millions d'euros de charges en plus pour les banques, c'est environ 9 milliards d'euros en moins pour le financement de l'économie", précise Françoise Pérol. De quoi compromettre en partie le retour de la croissance, le jour où les entreprises reprendront goût à l'investissement et solliciteront des crédits à cet effet. Tel est en tout cas le message que les banques souhaitent faire passer. Mais n'est-ce pas là un faux problème ?

"La fiscalité des banques pourrait être accrue, sans injustice, et surtout sans menace pour la croissance (...), la répercussion de la taxe sur le coût du crédit restant à prouver", affirmaient les économistes Jézabel Couppey-Soubeyran et Gunther Capelle-Blancard, dans un entretien au magazine Challenges, publié le 25 janvier 2013, à l'occasion de la parution du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité des groupes financiers. Un rapport dont les deux économistes dénonçaient les conclusions, affirmant que le taux d'imposition implicite des banques a en réalité nettement baissé au cours des 20 dernières années, "les profits du secteur financier (ayant) augmenté beaucoup plus vite que les prélèvements dont il fait l'objet." Une affaire de proportion, en somme.