« Adossé à BNP, Compte Nickel va accélérer son développement mais rester indépendant »

Par Propos recueillis par Delphine Cuny  |   |  865  mots
Auteur d'un essai intitulé "No Bank", Hugues Le Bret, cofondateur et président de la Financière des Paiements Electroniques (FPE), à l'origine du Compte Nickel, ex-Dir Com de la Société Générale et ex-DG de Boursorama, rejoint le giron d'une banque traditionnelle : BNP Paribas qui a annoncé le rachat de 95% de la startup.
L’ex-banquier reconverti en startupper, Hugues Le Bret, passé par la Société Générale et Boursorama, donne les clés de sa banque nouvelle génération à un acteur bien établi qu’il était venu bousculer : BNP Paribas. Le cofondateur de la Financière des Paiements Electroniques (FPE), à l'origine du Compte Nickel, nous confie pourquoi « la meilleure issue était une sortie industrielle ».

LA TRIBUNE - Quand avez-vous commencé à négocier avec la BNP ? Et sur quel prix vous êtes-vous mis d'accord ?

HUGUES LE BRET - Les discussions ont été extrêmement rapides. Cela fera cinq semaines ce jeudi que Philippe Collombel, du fonds Partech Ventures, m'a présenté Thierry Laborde, (le directeur de la banque de détail sur les marchés domestiques, ndlr) de la BNP, avec lequel nous avons eu une vraie convergence de vues. BNP Paribas a été extrêmement réactif : ils ont fait approuver une lettre d'intention par leur conseil d'administration en moins d'une semaine, puis ont réalisé 15 jours de due diligence sur l'informatique et la conformité. Thierry Laborde nous a parlé de la stratégie de « jardin à l'anglaise » de la BNP dans les Fintech, de sa volonté de laisser à Compte Nickel son indépendance et son côté disruptif. Nous resterons Compte Nickel tout court, pas « by BNP Paribas. » Nous poursuivons nos partenariats, avec la Confédération des Buralistes, qui aura 5% du capital et avec lequel notre accord est prolongé jusqu'en 2035, et avec Crédit Mutuel Arkéa, pour le compte de cantonnement, par exemple.

Nous avons décidé de ne pas rendre public le montant de l'opération et de ne pas commenter les rumeurs sur la valorisation (plus de 200 millions d'euros, ndlr), qui s'évalue en multiples de chiffre d'affaires, pour une entreprise technologique de croissance comme nous.

BNP, comme les autres grandes banques françaises, était sceptique à votre lancement, non ?

Tout le monde au départ trouvait notre projet surréaliste, même ma famille et mes amis ! C'est vrai que c'était très iconoclaste, mais nous avons rencontré tout de suite un succès populaire, avec 4.000 comptes ouverts dès le premier mois en février 2014, et cela ne s'est pas démenti : aujourd'hui, nous en sommes à 30.000 comptes ouverts par mois et à 540.000 comptes en tout. Il y a une vraie appétence du public. Nous avons réalisé 20 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016 et nous sommes en bonne voie de le doubler cette année. Et lorsque nous avons annoncé que nous serions bientôt rentables - nous l'avons été en février et nous le serons chaque mois à partir de cet été - cela a été un vrai détonateur. Compte Nickel est devenu un objet de désir pour de nombreuses banques européennes. Nous avions été repérés par plusieurs d'entre elles. Nous sommes l'illustration d'un phénomène, d'une tendance de fond : les Fintech sont attractives.

Un rachat par une banque était-il inévitable ?

La sortie industrielle nous semblait une issue naturelle, mais un peu plus tard, plutôt en 2018. Les choses se sont accélérées lorsque Partech Ventures est entré au capital en juillet 2015. Cela a changé notre image. A partir du moment où on lève des fonds, où on se dilue et on devient actionnaire minoritaire, il faut prévoir une sortie pour les actionnaires, auprès d'autres fonds, d'hypercroissance ou de LBO (achat à effet de levier, ndlr), ou bien une introduction en Bourse, mais ce n'est pas la totalité du capital en général. Il y a six mois, je suis arrivé à la conclusion que la meilleure sortie serait industrielle, auprès d'une banque, parce que c'est un métier régulé, avec un sujet important de conformité, et plutôt un acteur français.

Tant que nous étions une petite startup, nous étions perçus comme un peu fragile par certains clients et cela pouvait être un frein. Je pense que cela va rassurer les clients. C'est une caution importante d'être maintenant adossé à un groupe puissant comme BNP.

Vous teniez un discours anti-banque. Qu'allez-vous changer en tant que filiale de banque ?

Nous ne changeons rien à notre offre et à notre positionnement, les prix bas, la transparence des tarifs, pas de découvert, pas de crédit, nous resterons établissement de paiement. Depuis le départ, j'explique que nous sommes une entreprise capitalistique qui règle un problème social. Nous avions 140 actionnaires individuels, nous aurons deux actionnaires stratégiques : c'est une évolution normale, cohérente pour croître plus vite. Nous qui avons eu un développement très frugal, nous allons pouvoir l'accélérer avec BNP et passer à 10.000 buralistes. Dans cinq ou dix ans, les néobanques auront 15% à 20% du marché et Compte Nickel sera leader en France. Nous visons 2 millions de comptes en 2020.

Le modèle Compte Nickel, qui s'appuie sur le réseau de distribution des buralistes, peut-il s'exporter en Europe ?

Il n'y a pas d'homogénéité, chaque pays est différent, tant pour les frais de tenue de compte ou les habitudes de retrait que pour la distribution, qui peut se faire dans des boutiques télécoms ou des drogueries. J'avais identifié un ou deux pays en Europe où nous pourrions nous développer mais j'avais sorti ce projet de nos priorités. Après le closing de l'opération prévu cet été, l'arrivée de BNP Paribas va nous permettre de réactiver ce chantier, dans quelques semestres. Nous enregistrons tellement de croissance en France que cela demeure notre priorité pour l'instant.