Assurance vie : la riposte au projet Macron divise les assureurs

Par Ivan Best  |   |  818  mots
Face au projet Macron de taxation plus forte de l'assurance vie, le président de la Fédération française de l'assurance, Bernard Spitz, défend le régime fiscal actuel. Certains assureurs estiment nécessaire d'adopter une vision plus offensive du sujet, de réinventer l'assurance vie

Emmanuel Macron en démord pas, il défend son projet de « flat tax » (taxe proportionnelle à taux fixe) à 30% sur tous les revenus de l'épargne, dont, forcément, ceux de l'assurance vie. Si François Fillon, qui avait aussi ce projet, l'a finalement abandonné, c'est bien parce que les épargnants voient évidemment d'un mauvais œil le passage d'une taxation globale de 23% aujourd'hui à 30%. Le leader d'En Marche vient toutefois de faire une concession, sur le sujet: seuls les gros contrats seraient taxés à 30%. Mais quel serait le seuil? Il pourrait s'agir des sommes investies sur les contrats atteignant déjà les 150.000 euros.  En tous cas, le sujet inquiète les épargnants.

Un sondage réalisé à la demande de la Fédération française de l'assurance montre -qui en doutait ?- que les Français n'ont pas envie de voir leur placement préféré (37 millions de bénéficiaires !) taxé plus fortement. 77% des Français ne veulent pas de la flat tax Macron, et, logiquement, 85% des détenteurs d'assurance vie y sont opposés. Pour le président de la Fédération française de l'assurance, Bernard Spitz, ce projet mettrait en cause gravement la stabilité de l'assurance vie, qui n'aurait plus aucun avantage comparatif, fiscalement parlant, par rapport aux autres revenus de l'épargne et du patrimoine. Il souligne que l'avantage fiscal actuel est la contrepartie d'une obligation d'investissement à long terme, puisqu'il faut attendre 8 ans entre l'ouverture du contrat et le bénéfice d'une fiscalité allégée.

Ne pas se tirer une balle dans le pied

Cette ligne de défense de l'assurance vie, certains assureurs au poids non négligeable ne la partagent pas. C'est le cas de Thierry Martel, DG de Groupama (8e assureur généraliste en France). Bien évidemment, il s'accorde avec Bernard Spitz pour s'opposer au projet Macron et pour défendre l'assurance vie. « C'est une source d'épargne longue » a-t-il déclaré à l'occasion d'une rencontre avec la presse. « Les Français épargnent beaucoup, mais la part de l'immobilier est plus importante chez nous ; l'épargne financière est assez faible. L'assurance vie est donc la première source d'épargne financière. L'attaquer, c'est se mettre une balle dans le pied. »

Besoin de faire évoluer le produit

Mais Thierry Martel estime nécessaire de faire évoluer ce produit, dont la banalisation est mise avant par ses détracteurs. Beaucoup d'économistes estiment en effet que l'économie française n'a pas besoin d'un tel cadre privilégié pour se financer : de toutes façons, les assureurs achèteraient de la dette d'Etat et des obligations émises par les entreprises. C'est ce qu'a pu écrire le Conseil d'Analyse économique (1)

« De nombreux dispositifs dérogatoires ont pour objectif affiché d'orienter l'épargne des Français vers une épargne longue, permettant un financement stable de l'économie. Ces dispositifs (assurance-vie, PEA, régime des plus-values, etc.) offrent des taux réduits d'imposition en fonction de la durée de détention des actifs. Cette approche n'a cependant rien d'évident. En effet, il n'existe pas d'éléments très solides permettant de conclure à un problème de financement à long terme de l'économie française. La comparaison des PME françaises avec leurs homologues allemandes, espagnoles et italiennes montre que les PME françaises ont des fonds propres et une dette à long terme plus importants que les entreprises allemandes ou italiennes. »

Réserver le régime fiscal favorable de l'assurance vie au très long terme

 D'autres économistes (2) estiment que la fiscalité actuelle

« avantage les revenus qui sont tirés des patrimoines immobiliers et ceux tirés des supports d'épargne peu risqués, participant peu au financement de l'appareil productif (livrets défiscalisés, assurance vie investie principalement des obligations d'Etat) ».

D'où l'idée, émise par France Stratégie ou par le président de Rexecode, Michel Didier, de réserver le régime favorable de l'assurance vie aux investissement de très long terme. Emmanuel Macron s'appuie sur ces analyses pour prôner la banalisation de l'assurance vie, en tous cas de sa fiscalité, qui deviendrait identique à celle frappant le reste de l'épargne.

Pour Thierry Martel, il ne faut donc pas défendre l'existant -comme le fait Bernard Spitz- ,

« il faut être force de proposition, réveiller l'assurance vie qui a perdu son âme,  en faisant jouer aux assureurs leur rôle de gestionnaire du risque". Il faut donc « réorienter l'assurance vie », dit-il.

Les pistes peuvent être diverses. Elle pourrait contribuer à financer la dépendance, ou bien sûr la retraite, alors que les besoins vont s'accroître.

Bref, les assureurs devraient être en mesure de présenter des contre propositions à Emmanuel Macron, plutôt que s'arcbouter sur l'existant, estime Thierry Martel.

(1)   Fiscalité des revenus du capital, Par Patrick Artus, Antoine Bozio et Cecilia Garcia-Penalosa, Conseil d'Analyse Economique

(2)   France Stratégie. Quels principes pour la fiscalité ?