Les assureurs perdent de plus en plus d'argent sur l'automobile

Par latribune.fr  |   |  916  mots
La mortalité sur la route a augmenté en 2015, pour la deuxième année consécutive. Le coût des indemnisations augmente
Alors que le coût des indemnisations augmente, les assureurs se battent toujours sur les tarifs, n'hésitant pas à les geler ou même les baisser. D'où des pertes en nette hausse, en moyenne. Les coûts dépassent de 6% les cotisations perçues

Le secteur français de l'assurance a de nouveau fini en croissance en 2015, dépassant les 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires, ont annoncé ce jeudi Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d'assurance, et Pascal Demurger, président du Gema (mutuelles), deux instances qui vont fusionner en une fédération française de l'assurance (FFA).

Si globalement, les résultats sont bons, avec une bonne tenue notamment de l'assurance vie, tous  les secteurs de l'assurance française n'affichent pas une bonne santé financière. Notamment l'automobile. Selon les premières estimations, en 2015, les coûts globaux de l'assurance auto ont dépassé  de 6% les cotisations perçues, soit un "ratio combiné" (coûts/cotisations)  de 106, selon la terminologie des assureurs . Ce ratio était de 104 en 2014. Cette  dégradation de deux point tiendrait pour moité au coût croissant des dommages matériels, et pour une autre moitié aux dommages corporels en hausse. Pour la deuxième année consécutive, le nombre de morts sur les routes a augmenté, en 2015.

Une promesse non tenue de redressement

L'an dernier, déjà, les assureurs affirmaient que la situation de la branche auto devait être redressée. Elle s'est, de fait, dégradée. Habituellement, quand une branche perd de l'argent, les assureurs augmentent leurs tarifs. C'est ce qui se passe avec l'assurance habitation, dont les comptes, sensiblement dégradés en 2012, ont été redressés à coup de hausses tarifaires (et grâce à la baisse du nombre de cambriolages).

 Mais, en matière d'automobile, les assureurs, engagés dans une véritable guerre des prix, se refusent à augmenter leurs tarifs, ce qui serait synonyme de pertes de parts de marché. Mieux, certains les baissent! Ainsi Amaguiz (Groupama) baisse ses tarifs de 1% pour 2016, et même de 7% pour certains assurés, la Macif les diminue jusqu'à -1,3% pour les clients disposant d'un bonus... Eurofil et la Matmut n'hésitent pas à baisser leurs tarifs jusqu'à -5% pour certains, selon le comparateurassurance.com. Generali diminue aussi les prix pour ses meilleurs clients.

Une situation "non soutenable"

 Ce phénomène de guerre tarifaire est amplifié par la loi Hamon, qui autorise les particuliers à changer d'assureur à tout moment, estime Arnaud Chneiweiss, secrétaire général du Gema. Et encore, ces pertes importantes sont une moyenne, soulignent les assureurs. Certains d'entre eux, comme la Maif, continuent de gagner de l'argent en assurance automobile. Mais d'autres veulent profiter de la loi Hamon pour gagner des clients, et n'hésitent pas, d'une certaine manière, à vendre des contrats à perte, bien au delà des 6% de résultat négatif moyen.

D'un point de vue général, "cette situation n'est pas soutenable", affirme Arnaud Chneiweiss. "A terme, c'est l'effet de la loi Hamon, les tarifs augmenteront" estime Bernard Spitz.

 Chiffre d'affaires en hausse

Plus généralement,  le chiffre d'affaires de l'assurance en France augmenté de 3,9% pour s'établir à 208 milliards d'euros, les assurances de personnes représentant les trois-quarts des cotisations (+4,7% à 156 milliards d'euros).

"L'assurance est toujours en croissance (...), avec une croissance sensiblement supérieure à celle du pays", se félicite Bernard Spitz, qui préside l'Association française de l'assurance (Afa), préfiguration de la Fédération française de l'assurance.

Concernant l'assurance-vie, les dépôts des épargnants sur leurs contrats ont dépassé leurs retraits à hauteur de 24,6 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de plus qu'en 2014. Il s'agit de la meilleure performance pour ce produit d'épargne depuis 2010, la collecte nette ayant alors atteint 51 milliards d'euros.

Si les versements sur les fonds en euros sont restés au même niveau, à 128 milliards d'euros, ceux sur les unités de compte ont augmenté de 35%, à 27 milliards d'euros. Cette tendance s'explique par la baisse continue des taux servis sur les fonds en euros, le rendement moyen sur ce segment ayant encore reculé de 0,20 point de pourcentage en 2015 pour atteindre 2,30% en moyenne.

Le vice-président de l'Afa, Pascal Demurger, fait valoir que, même en baisse, cette rémunération était "plus intéressante" que l'année précédente en raison du niveau plus faible de l'inflation, qui a été nulle l'année dernière. Le rendement moyen des unités de compte a lui baissé de façon encore plus nette mais il est resté sensiblement supérieur, passant de 5,9% à 4,1% entre 2014 et 2015, en raison notamment des turbulences constatées sur les marchés boursiers.

La situation financière s'améliore en habitation

En 2015, la situation financière des assureurs s'est améliorée en habitation, le ratio combiné passant de 99% à 96%, selon de premières estimations.

Le poids des catastrophes naturelles a lui été moindre avec une facture pour les assureurs s'élevant à 1,5 milliard d'euros (contre plus de 1,9 milliard d'euros en 2014), en grande partie due aux inondations survenues dans le sud-est de la France en octobre (entre 600 et 650 millions d'euros).

 Une nouvelle Fédération française de l'assurance

Le secteur se prépare donc à la naissance effective de la Fédération française de l'assurance (FFA), le 1er juillet, qui verra ses grandes instances actuelles, à savoir la FFSA et le Gema, s'effacer.

Les équipes de la FFSA et du Gema ont déjà commencé à travailler ensemble dans des commissions, ce qui permettra à la FFA de connaître "un départ lancé", souligne Pascal Demurger. "L'unification des instances représentatives de l'assurance française" doit permettre notamment "de mieux anticiper les changements, c'est-à-dire de dialoguer plus efficacement avec les pouvoirs publics", explique Bernard Spitz.

Avec AFP