Téléassistance : les assureurs insistent, mais le marché ne décolle pas

Par Jean-Yves Paillé  |   |  967  mots
L'AFRATA, syndicat des entreprises proposant des offres de téléassistance, recense "520.000 personnes raccordées à un système de téléassistance" dans l'Hexagone.
Groupama lance une nouvelle offre de téléassistance pour aider les personnes âgées à rester autonomes et à garder un lien social avec leurs proches. Ce système largement investi par les assureurs tarde à convaincre les Français.

Dans la course au développement d'offres numériques pour seniors, Groupama a mis un coup d'accélérateur, mardi 7 février. Ce jour-là, l'assureur français a lancé Noé, un système de télé-assistance pour personnes âgées, afin de les aider à rester autonomes. "Nous proposions déjà d'autres offres, mais celle-ci est une vraie innovation", lance lors d'une conférence de presse Meriem Riad, à la tête du pôle digital de l'assureur.

Avec Noé, l'assureur a couplé des offres déjà développées ailleurs, mais qui étaient utilisées séparément : une tablette pour que la personne âgée reste en contact écrit ou vidéo avec ses proches et puisse avoir des nouvelles de ces derniers tout en les informant sur son état de santé; un bracelet connecté rallié à une plateforme d'alerte, détectant les chutes notamment; et une application que les proches et les aidants peuvent télécharger pour interagir avec la tablette et donc avec le senior.

Les autres grands assureurs déjà sur le créneau de la téléassistance

Pour se démarquer, Groupama insiste sur le fait qu'il serait "premier à lancer une offre globale de téléassistance couplée à un vrai réseau social". Car le groupe est loin d'être le premier dans le secteur à proposer un service dans ce domaine. Parmi ses concurrents:

Un système difficilement rentable ?

Pour le système proposé par Groupama, chaque personne âgée devra débourser 29,90 euros par mois (avec une réduction d'impôt possible de 50% dans le cadre de loi Borloo) pour la totalité de l'offre. Et les appareils sont disponibles gratuitement. Et "si par mégarde, la personne âgée en brise un accidentellement, une nouvelle tablette lui sera envoyée", explique l'assureur.

Difficile de voir dans ces conditions et avec de tels prix comment les assureurs dégageront une marge. Frédéric Serrière, fondateur du think tank Age Economy, est perplexe. "La téléassistance est utilisée par les plus de 80 ans et a deux ans et demi de durée de vie en moyenne, avant que la personne âgée ne parte en maison de retraite ou ne décède. Les assureurs peuvent difficilement rentabiliser un tel système", explique-t-il à La Tribune. Il estime que Groupama pourra vendre cette offre à quelques milliers d'assurés, qui découvrirait l'existence de la téléassistance.

Quel intérêt pour les assureurs ?

Où les assureurs trouvent-ils leur compte ?  Groupama espère convaincre les aidants des personnes âgées notamment, pour qu'ils deviennent leurs clients, enthousiasmés par l'apport du nouveau service, expose Christian Cochennec. Ainsi, ce système de téléassistance de Groupama n'est pas seulement dédié à son "portefeuille de 2 millions de seniors", il est également élargi aux non-adhérents.

Pour Benjamin Zimmer, directeur de Silver Valley, une organisation qui rassemble et promeut les acteurs franciliens de la silver économie, l'intérêt principal des assureurs  "est d'éviter la prise de risque des adhérents" afin de réaliser des économies.

Un marché qui tarde à décoller

Mais creuser son trou dans le marché ne sera pas aisé pour Groupama et sa nouvelle offre. D'une part, les assureurs ne sont pas seuls sur ce créneau. Rien qu'en Île-de-France, une vingtaine de sociétés sont membres de l'AFRATA, syndicat des entreprises proposant des offres de téléassistance. Et plusieurs départements lancent des initiatives de service gratuit dans ce domaine.

D'autre part, l'AFRATA recense "520.000 personnes raccordées à un système de téléassistance" dans l'Hexagone. Un nombre qui progresse lentement. Et pour Frédéric Serrière, le marché ne va pas décoller avant dix ans, malgré l'argument du vieillissement de la population utilisé par les assureurs.

"Au Royaume-Uni, on compte plus de deux millions de personnes ayant recours à la téléassistance, car ce service proposé systématiquement aux patients, et c'est une façon d'éviter quelques jours d'hôpital onéreux", explique Benjamin Zimmer.

En outre,il ne faut espérer un décollage prochain, selon Frédéric Serrière.

"Le marché de la téléassistance est quasi-stable en France. Et quand vous vous intéressez à la pyramide des âges le nombre de personnes de plus de 80 ans ne va pas progresser avant 2025. Par ailleurs, la France n'a pas une culture de la prévention, sans compter que l'utilisation de tablettes est difficile à faire accepter à des octogénaires."

Et au sommet de l'État, les difficultés pour faire progresser le marché interpellent. La Direction des entreprises organise d'ailleurs à ce sujet une conférence le 24 février intitulée "Téléassistance et services associés : vers une nouvelle dynamique ?".