Comment les banques augmentent discrètement leurs tarifs

Par latribune.fr  |   |  1021  mots
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Dans une opacité organisée, les banques augmentent le coût de l'argent par la démultiplication des prestations facturées. Internet leur a même permis d'aller plus loin, en créant toujours plus de services facturés. Aveuglées par la baisse des taux, peu d'entreprises l'ont vu.

On savait que la baisse de la rentabilité de leurs activités de marché et de conseil amènerait les banques à augmenter leurs tarifs. C'est fait, et ce n'est pas fini ! "La crise, qui a modifié le rapport de force entre les banques et leurs clients, leur a permis d'augmenter leurs tarifs", résume Jérôme Longeat, manager frais bancaires et trésorerie chez Alma Consulting Group. Pour le calcul des intérêts débiteurs, relève-t-il, elles ont toutes changé leur taux de référence, passant du taux au jour le jour l'Eonia (aujourd'hui à 0,627) à l'Euribor 3 mois (à 1,026). Comme elles se refinancent au prix du premier, elles empochent la différence, soit 0,4%. Ce qui, dans un environnement de coût très bas de la ressource, représente une facturation supplémentaire significative pour les clients. "Si les très grandes entreprises ont su tirer parti de la baisse du coût de l'argent, elle a été beaucoup moins forte pour les PME", dit David Laugier, chez BFinance.

Des hausses tarifaires généralisées

Car ce n'est plus par les taux que le coût de l'argent grimpe, mais par les services facturés. Si tout le monde n'y a vu que du feu, c'est que les banques ont développé un art de la hausse tarifaire fort ingénieux. "Si le taux facial du crédit a beaucoup baissé, il a été remplacé par un nombre spectaculaire de prestations facturées, et augmentées chaque année, explique Judicäel Roger chez Jekho. C'est par ces prestations qu'augmente désormais le coût de l'argent."

Depuis 2000, elles ont en effet mené une analyse de la valeur systématique de leur service, et facturé de plus en plus de prestations qui jusque là faisaient partie du service normal du banquier: il en est résulté un morcellement spectaculaire du service bancaire, et partant une démultiplication des occasions de facturation, prélevées directement sur les comptes. Réduites hier à quelques pages, les conditions tarifaires des banques ont incroyablement gonflé: pour 2010, pas moins de 44 pages à la Société Générale, et même 84 chez BNP Paribas!

Les clients n'ont pas vu ces nouvelles lignes apparaître, les frais de tenue de compte -multipliés par le nombre de comptes- et leur nombreux «services associés» tels que simples relevés, photocopie, ou synthèse d'activité, le moindre incident de fonctionnement -automatiquement facturés sans justification quand, hier, ils donnaient lieu à un appel rapide du chargé de compte-, etc. Ce morcellement permet aux banques de passer des augmentations substantielles mais indolores, car réparties sur une multitude de lignes, elles sont réduites à quelques centimes... par opération.

Des prestations difficilement comparables

Si elles peuvent le faire, c'est qu'aucune prestation n'est comparable d'une banque à l'autre. Les frais de «tenue de compte»? Ils sont trimestriels chez BNP Paribas, annuels chez SG mais progressifs en fonction du chiffre d'affaires des clients. Les «incidents de fonctionnement» ? Quand HSBC facture 7 euros par opération «nécessitant un traitement particulier» à la condition qu'il y en ait moins de trois par jour, SG facture un «minimum de 7,40»... à la condition que l'incident s'inscrive «dans le cadre de la signature d'une convention de Trésorerie courante et dans la limite de six opérations par jour».

Quant à BNP Paribas, l'orfèvre en la matière, elle a procédé à un découpage subtil et extrêmement fructueux entre les incidents sur «opérations de versements et d'encaissements», ceux sur «opérations de paiements et règlements impayés» en distinguant les chèques, les effets les avis de prélèvement, et les incidents sur compte... Inutile de dire que personne ne peut les comparer entre eux bien qu'ils coûtent fort chers aux entreprises, et ce à leur insu. «Tout est fait pour qu'elles ne puissent pas négocier leurs tarifs» dit Anthony Schulhof, du cabinet de Rhins. L'opération est si fructueuse pour les banques qu'elles mènent un lobbying intense pour que le projet SEPA, censé harmoniser leurs pratiques pour favoriser la concurrence, ne puisse être appliqué.

Des services en ligne fort coûteux

Vous pensiez que les nouvelles technologies permettraient aux clients de bénéficier des gains de productivité du secteur ? Erreur ! Non seulement les banques ont facturé ce qu'avant elles offraient gratuitement -comme les relevés papier et autres traitements d'incidents-, en faisant payer au prix fort la plus petite intervention humaine, mais elles ont surtout créé d'innombrables nouveaux services chèrement facturés: l'abonnement mensuel de base à Internet -multiplié par le nombre de comptes, et toujours plus cher que l'accès à Internet lui-même-, auquel elles ajoutent de nombreux «modules complémentaires», sans oublier les opérations facturées à l'unité, y compris quand tout est automatisé ! Idem pour les coûteux abonnements pour échange de fichiers par télétransmission. Et encore, n'a-t-on pas encore vu les services sur smartphones qu'elles entendent transformer en carte de paiement, et qu'elles s'apprêtent à facturer au prix fort.

Vous pensiez que le calcul des agios avait été clarifié par la loi ? "Chaque opération est affectée d'une date de valeur dont le calcul est opéré à compter
du jour de l'opération (J DO), du règlement (J DR) ou du jour de comptabilisation (J DC) majoré ou minoré d'un nombre variable de jours. Le nombre de jours est exprimé en mode calendaire ou ouvré" précise sans rire BNP Paribas dans ses conditions tarifaires. Dès lors, connaître en temps réel votre situation de trésorerie devient quasi impossible. Qu'importe puisque cela permet à BNP Paribas de vous fournir, pour 30 euros par mois, un logiciel pour connaître votre trésorerie! Si un de vos comptes venait à tomber inopinément dans le rouge, vous vous verrez imposer des commissions de compte courant débiteur, plus des commissions de «de plus fort découvert», héritage du lointain encadrement du crédit mais toujours en vigueur...«Avec tous les prélèvements additionnels, le taux effectif global des découverts atteint facilement 7 à 8%» dit Jérôme Longeat chez Alma Consulting Group.