Les banques françaises s'acquittent de leur dette envers l'État

Par latribune.fr  |   |  804  mots
La Tribune Infographie / SSAULNIER
Avec le remboursement prochain par BPCE de ses aides, le secteur bancaire hexagonal s'émancipe enfin de la tutelle publique. Seule la franco-belge Dexia, partiellement nationalisée, n'a pas payé son dû à l'État.

Dans quelques semaines, toutes les banques hexagonales, à l'exception de la franco-belge Dexia, se seront libérées de la tutelle de l'État. Mercredi, BPCE a fait savoir que les 2,2 milliards d'euros encore dus seraient remboursés avant la fin du mois de mars. Le groupe bancaire né de l'union des Caisses d'Épargne et des Banques Populaires avait reçu 7,05 milliards d'euros dans le cadre du plan de soutien public mis en place au lendemain de la faillite de Lehman Brothers.

À la fin de l'année 2008, en pleine crise de liquidité, toutes les banques françaises avaient eu recours au dispositif de l'État. En l'espace de quelques mois, elles avaient bénéficié de 76,9 milliards d'euros de prêts garantis et de 20,75 milliards d'apports en fonds propres, sous la forme de titres hybrides ou d'actions de préférence. Dexia, pour sa part, avait vu l'État entrer directement à son capital. À l'automne 2009, BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Crédit Mutuel s'étaient acquittées de leur dû, rendant 12,7 milliards d'euros. Dix-huit mois plus tard, c'est donc au tour de BPCE, dernier grand débiteur de l'État, de rembourser le solde de ses aides. Le secteur bancaire hexagonal ne sera ainsi plus soumis aux contraintes imposées par les autorités publiques sur la distribution du crédit ou le contrôle des rémunérations.

1,59 milliard d'euros d'intérêts versés à l'Etat

Du côté du Trésor français, l'heure des comptes est venue. Au total, le plan de soutien aura permis de faire entrer environ 3 milliards d'euros dans ses caisses, dont 1,59 milliard d'intérêts et 1,4 milliard de rémunération de sa garantie. BPCE aura été le plus gros contributeur, avec 815 millions de coupons payés. Toutefois, ces sommes ne correspondent pas à un gain net. D'abord, l'argent apporté aux banques a été emprunté sur les marchés, entraînant une charge évaluée à 132 millions d'euros. Ensuite, comme l'a noté un rapport de la Cour des comptes publié en 2010, des coûts indirects sont susceptibles « d'amoindrir progressivement ce bénéfice ». Et de soulever la question de la participation de 1 milliard d'euros de l'État dans Dexia, qui souffre d'une moins-value latente de 675 millions.

Le rapport pointe aussi du doigt la limitation des plus-values réalisées par le Trésor. « L'État n'a pas profité de l'augmentation des cours de Bourse des banques, alors que ce rétablissement est directement imputable à ses concours », explique la Cour des comptes, estimant « le manque à gagner » à 5,8 milliards d'euros. Alexandre Maddens
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Reste à régler le cas Dexia

Lorsque les banques françaises se targuent de n'avoir pas coûté un centime à l'État pendant la crise et même de lui avoir rapporté quelques milliards d'euros, elles « oublient » souvent de mentionner le cas Dexia. Fin septembre 2008, la banque franco-belge était recapitalisée en urgence. La Belgique débloquait 3 milliards d'euros, l'État français 1 milliard et la Caisse des dépôts et consignations (à 100 % publique) 2 milliards. Résultat : 17,7 % du capital est aujourd'hui entre les mains de la CDC. Quant aux États français et belge, ils ont chacun une participation de 5,7 %.

Deux ans plus tard, en dépit d'efforts de restructuration colossaux, la banque reste fragile et la question de la sortie des actionnaires publics du capital du groupe n'est toujours pas à l'ordre du jour. L'action Dexia (3,22 euros en clôture ce mercredi) a perdu plus des deux tiers de sa valeur depuis le sauvetage du groupe, réalisé au prix de 9,90 euros par action. La moins-value latente de l'État atteint 675 millions d'euros. Celle de la Caisse des dépôts 1,35 milliard.

Mercredi dernier, la banque franco-belge a publié un bénéfice 2010 inférieur aux attentes et en baisse de 28 % par rapport à l'année précédente. « Nous avions prévenu que l'héritage de Dexia ne pourrait pas être liquidé en un tour de main et que cela prendrait plusieurs années », a rappelé Jean-Luc Dehaene, le président du conseil d'administration du groupe, en préambule à la présentation des résultats. Les dirigeants de Dexia ne prévoient pas de recommencer à « travailler dans des conditions normales » avant 2012. Pour l'heure, la priorité reste l'assainissement de la structure financière.

Depuis octobre 2008, le groupe a cédé plus de 50 milliards d'euros d'obligations et de prêts qu'elle avait en portefeuille. Quant à la part du financement à court terme, elle a été ramenée de 36 % du total des financements fin 2008 à 21 %. La question est cruciale pour les marchés. Fin septembre 2008, c'est cette dépendance au marché interbancaire qui avait provoqué la crise de liquidité du groupe. Depuis la révélation de l'existence d'un accord de liquidité avec La Banque Postale en fin d'année dernière, l'action a d'ailleurs repris plus de 20 %. Sophie Rolland