Pourquoi l'euro ne baisse-t-il pas davantage ?

Par Sophie Rolland  |   |  646  mots
Crise des dettes souveraines, récession économique, apparition de perspectives économiques plus favorables aux Etats-Unis... L'euro a quelques raisons de se déprécier face aux autres devises, mais sa glissade - 6 % en mai - reste limitée. Aujourd'hui, il est même brièvement repassé au-dessus de 1,25 dollar.

Plombé par les problèmes de la Grèce et des banques espagnoles, l'euro a perdu plus de 6 % contre le dollar en mai. Le 1er juin, il a touché son plus bas niveau en deux ans à 1,2288. A en croire les professionnels du marché des changes, cette correction - pas uniquement contre le dollar, mais contre la plupart des devises du G10 - est loin d'être terminée.

Les économistes revoient leurs prévisions à la baisse

Les incertitudes autour d'une sortie de la Grèce de la zone euro et de la mise en place d'une « union bancaire » européenne ont d'ailleurs incité les économistes à revoir leurs prévisions à la baisse. Commerzbank a ainsi ramené son objectif pour l'euro/dollar à 1,21 à fin juin, rapporte Reuters. De leur côté, les stratèges de marché de Natixis, s'ils n'excluent pas un rebond de la monnaie unique à court terme, estiment que « d'ici la fin de l'année, l'euro demeurera relativement faible autour de 1,20 ». « Les problèmes structurels de la zone euro ne seront toujours pas réglés, en particulier si la croissance européenne demeure négative dans la plupart des pays périphériques », expliquent-ils.

Les banques centrales des pays émergents se délestent de leurs euros

Il est vrai qu'entre la crise des dettes souveraines, la récession économique européenne et des perspectives économiques un peu moins défavorables aux Etats-Unis, l'euro a quelques raisons de se déprécier face aux autres devises. Le Financial Times de ce lundi en cite une nouvelle. A en croire le quotidien financier, les banques centrales des pays émergents auraient commencé à se délester de leurs euros. De quoi priver la devise européenne d'un sérieux soutien. Jusque là, les banques centrales avaient en effet tendance à diversifier leurs réserves de changes massivement libellées en dollar en achetant des actifs en euro. Elles modifieraient donc leur stratégie et privilégieraient désormais une diversification plus large, au profit non seulement de l'euro, mais aussi de la livre sterling, du dollar canadien ou du dollar australien. Autre phénomène : ces derniers temps, plusieurs pays touchés par le ralentissement économique mondial (Corée du Sud, Inde, Indonésie, Philippines notamment) auraient choisi de défendre leur monnaie en utilisant leurs réserves de changes en euro.

Dans un tel environnement, la glissade de l'euro reste pourtant mesurée, constatent certains économistes. Chez Natixis, Patrick Artus, juge que la devise européenne « est encore surévaluée de 10 % environ par rapport au dollar ». 

Pourquoi l'euro ne s'est-il pas déprécié davantage ?

Le chef économiste de Natixis avance quatre explications :

D'abord, « la zone euro n'a pas de déficit extérieur, ce qui veut dire qu'elle n'a pas à emprunter l'épargne du reste du monde », avance-t-il. Dès lors, un arrêt des investissements en euro des investisseurs non résidents n'entraînerait aucun problème de financement, explique-t-il.

Ensuite, la crise de la zone euro, s'est surtout traduite par « un basculement des portefeuilles des investisseurs des pays « risqués » de la zone euro vers les pays « sûrs », sans effet global sur la demande de titres en euros », affirme-t-il

Côté dollar, les investisseurs « doutent de la solidité de la reprise américaine avec la poursuite du désendettement et des défauts des ménages, la faiblesse de l'investissement résidentiel, la lenteur de la réduction du chômage, la baisse du salaire réel par tête et la nécessité à partir de 2013 de réduire le déficit public », écrit Patrick Artus.

Enfin, les pays émergents et exportateurs de pétrole accumulent moins de réserves de change qu'avant car leurs excédents extérieurs tendent à diminuer. « Ceci conduit à une baisse de la demande de dollars compte tenu du poids du dollar dans les réserves de change », analyse l'économiste.