PSA, Nokia... Y-a-t-il quelqu'un pour racheter les grands groupes "à la casse" ?

Par Christine Lejoux  |   |  930  mots
Le CAC 40 affiche un ratio capitalisation boursière sur actif net de 1 seulement. Copyright Reuters
La famille Peugeot avoue redouter une OPA sur le constructeur automobile, très faiblement valorisé en Bourse, comme beaucoup de groupes européens. Mais encore faut-il que des acquéreurs soient prêts à passer à l'action.

Et si PSA se faisait croquer? Interrogé dans le Figaro de vendredi sur l'éventualité d'une OPA (offre publique d'achat) sur le constructeur automobile français en difficulté, Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance de PSA, reconnaît que « tout est possible » et qu'il « faut donc agir. » En théorie, Thierry Peugeot n'a pas tort de redouter une OPA. Après une chute de 78% au cours des douze derniers mois, dont un gadin de 18% sur les quatre séances qui ont suivi l'annonce de la fermeture du site d'Aulnay, le 12 juillet, la capitalisation boursière de PSA est tombée sous le seuil de 3 milliards d'euros. A 2,7 milliards d'euros très exactement, ce vendredi 20 juillet, elle représente 0,2 fois seulement les capitaux propres du constructeur automobile (voir tableau ci-dessous) ! En d'autres termes, les investisseurs ne valorisent même plus les marques Peugeot et Citroën... Cette valorisation dérisoire pourrait faire de PSA une bonne affaire pour des concurrents en mal de croissance externe.

Rumeur d'un rachat de Nokia par Microsoft ou Samsung

PSA n'est pas un cas isolé. Ils sont de plus en plus nombreux, les géants européens de l'industrie et des services à ne plus valoir grand-chose en Bourse. Et donc, à susciter des rumeurs d'OPA. Le 9 juillet, à l'annonce d'une aggravation de ses pertes et d'une nouvelle restructuration, l'action Nokia est tombée en dessous de 1,50 euro, pour la première fois depuis 1996. Depuis le début de l'année, le fabricant finlandais de téléphones mobiles a perdu près des deux tiers de sa capitalisation boursière. A 5,3 milliards d'euros, celle-ci équivaut à 0,26 fois seulement les fonds propres du groupe. Une valorisation si faible que les rumeurs d'un rachat de Nokia par Microsoft ou Samsung ont immédiatement ressurgi.

Le Dow Jones Stoxx vaut 0,9 fois l'actif net

En moyenne, l'indice Dow Jones Euro Stoxx 50, qui regroupe les 50 premières capitalisations boursières européennes, ne vaut pas plus de 0,9 fois les capitaux propres des sociétés qui le composent. Jamais sa valorisation n'était tombée aussi bas, exception faite de mars 2009, en pleine crise économique et financière. Il est vrai que c'est peu ou prou le même scénario qui se rejoue aujourd'hui, avec une crise de la dette dans la zone euro qui n'en finit pas et des perspectives macro-économiques des plus incertaines.

La Société générale ne vaut plus que 13 milliards d'euros

La situation n'est guère plus flamboyante sur le CAC 40. Avec une capitalisation globale de 804 milliards d'euros, l'indice phare de la Bourse de Paris affiche un ratio capitalisation boursière sur actif net (ou fonds propres) de 1, selon un récent rapport du cabinet Ricol Lasteyrie. Autrement dit, la Bourse dénie toute perspective de croissance aux sociétés du CAC 40, et valorise leurs actifs immatériels - dont leurs marques - à zéro. Depuis six ans que Ricol Lasteyrie réalise cette étude, jamais le "price to book" (ratio capitalisation boursière sur fonds propres) n'était tombé à 1.
Et encore, il ne s'agit là que d'une moyenne, qui masque des cas extrêmes, comme PSA donc, mais également la Société générale, mise à mal par la crise des dettes souveraines, à l'instar d'autres banques : après un plongeon de 53,6%, qui la fait figurer parmi les dix plus fortes baisses du CAC 40 sur un an glissant (voir tableau ci-dessous), la banque ne vaut plus que 13 milliards d'euros en Bourse. Soit 0,3 fois seulement ses capitaux propres.

Les acheteurs ne sont pas au rendez-vous

Pour autant, doit-on s'attendre dans les tout prochains mois à une vague d'OPA sur le CAC 40, et, plus largement, sur les marchés d'actions européens ? Probablement pas, pour la simple raison que les acheteurs font aujourd'hui défaut. La preuve en chiffres : le marché mondial des fusions et acquisitions a chuté de 25%, au premier semestre, à quelque 1.000 milliards de dollars, selon Thomson Reuters. " Les acquéreurs gardent une profonde aversion au risque et sont plus sélectifs dans leurs critères d'investissement", explique Stéphane Bensoussan, responsable des fusions et acquisitions chez HSBC France. "Contrairement à l'an passé, nous voyons moins de grandes opérations stratégiques, transformantes », renchérit Thierry d'Argent, responsable mondial de l'activité de "corporate finance" à la Société générale.

Un manque de visibilité

Pourtant, nombre d'entreprises ont les poches suffisamment pleines pour financer des acquisitions. Mais, ce qui leur manque, c'est une visibilité suffisante sur leur propre activité et, a fortiori, sur celle des cibles susceptibles de les intéresser. "PSA est un actif attractif, la capitalisation actuelle signifie qu'une offre hostile est toujours possible, mais avec la situation politique actuelle et le manque de visibilité sur ce que la direction sera en mesure de faire pour ajuster ses capacités, je ne vois pas qui pourrait être intéressé", reconnaît ainsi Kristina Church, analyste chez Barclays Capital. PSA, Nokia et autres valeurs à la casse peuvent donc dormir tranquilles. Pour l'instant.
 

Les 10 sociétés les moins bien valorisées du CAC 40 au 20 juillet 2012

Société Valorisation (cours de Bourse sur actif net par action) Capitalisation boursière, en milliards d'euros
PSA Peugeot Citroën 0,2
2,7
Renault 0,3
10
Crédit agricole 0,3 8
Société générale 0,3
13
BNP Paribas 0,5 36,8
Axa 0,5 23
ArcelorMittal 0,5 19
Lafarge 0,5 10
Veolia 0,6 4,7
STMicroelectronics 0,6
3,6
  Source : Ricol Lasteyrie

 

Les 10 plus fortes chutes du CAC 40 sur un an

Société Variation boursière du 20 juillet 2011 au 20 juillet 2012
PSA Peugeot Citroën -78%
Alcatel -74%
Crédit agricole -62%
Vallourec -57%
Société générale -53%
Veolia -49%
BNP Paribas -37%
STMicroelectronics -36%
EDF -36%
Carrefour -35%
 Source : Boursorama