Les marchés vont-ils rejouer l'été meurtrier ?

Par Christine Lejoux  |   |  1000  mots
Les étés orageux s'enchaînent sur les marchés d'actions, depuis la crise des subprimes, en août 2007. Copyright Reuters
Les difficultés de l'Espagne, une économie mondiale qui ralentit, des résultats d'entreprises susceptibles de décevoir... Les ingrédients semblent réunis pour que le mois d'août ne soit pas de tout repos sur les marchés. Comme c'est le cas depuis le début de la crise financière, en 2007.

Les orages du mois d?août, les marchés d?actions en savent quelque chose, depuis cinq ans. Ces quatre semaines de tranquillité supposée sont devenues synonymes de quasi-krach sur les Bourses, depuis l?éclatement de la crise des subprimes (crédits hypothécaires américains risqués), au tout début du mois d?août 2007. En août 2011, le CAC 40, l?indice phare de la Bourse de Paris, avait ainsi subi douze séances de baisses d?affilée, à la suite de la perte, par les Etats-Unis, de leur note de solvabilité AAA. Août 2012 sera-t-il un remake de ces étés noirs sur les marchés ? La question mérite d?être posée, après la déception suscitée jeudi dernier par Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE).

La zone euro avait tout fait pour éviter un été cataclysmique

Une semaine auparavant, les dirigeants d?une zone euro en pleine crise de la dette avaient justement tout fait pour éviter un nouveau mois d?août cataclysmique sur les marchés. A commencer par Mario Draghi lui-même, qui, le 26 juillet, avait assuré que la BCE ferait le nécessaire pour préserver la zone euro. La chancelière allemande Angela Merkel et le président Hollande lui avaient fait écho le lendemain, réaffirmant leur attachement « fondamental » à « l'intégrité de la zone euro » et leur détermination à « tout faire pour la protéger. »

Des propos reçus cinq sur cinq par la Bourse : le CAC 40 et le Dow Jones Euro Stoxx 50, l?indice des 50 premières capitalisations de la zone euro, avaient bondi de 8% sur la période du 25 juillet au 1er août, les investisseurs étant convaincus que la BCE sortirait l?artillerie lourde lors de sa réunion du 2 août.

Le CAC 40 n?est pas immunisé contre un retour vers les 3.000 points

Las ! Mario Draghi s?est borné à annoncer des rachats de dettes de l?Espagne et de l?Italie, deux pays actuellement en proie aux attaques des marchés, mais sans préciser la date ni la taille de ces interventions. Résultat, le CAC 40 a décroché de 2,7% jeudi dernier, et le Dow Jones Euro Stoxx 50 s?est affaissé de 3%. « L'été sera-t-il chaud sur les marchés ? C'est la question qui est revenue sur le tapis dans la fraction de seconde qui a suivi la déception liée à Mario Draghi », analyse Marc Fiorentino, stratégiste de marchés chez Monfinancier.com.

« Une nouvelle séquence de stress et de forte volatilité n?est pas à exclure pour un mois d?août qui risque d?être à nouveau celui de tous les dangers », renchérit Fabrice Cousté, directeur général de CMC Markets France. Ce dernier estime que le CAC 40 « n?est pas immunisé contre un retour vers les 3.000 points », après une clôture à 3.374,19 points vendredi.

L?Espagne en ligne de mire

L?attitude du gouvernement espagnol sera pour beaucoup dans l?évolution des marchés, au cours des prochaines semaines. Objet de toutes les inquiétudes des investisseurs, l?Espagne pourrait de nouveau être la cible d?attaques de fonds spéculatifs anglo-saxons, décidés à faire monter les taux longs du pays au-delà de 7,5%, un niveau difficilement soutenable.

L?objectif de ces « hedge funds » : pousser l?Espagne à réclamer enfin une aide européenne, non plus seulement pour ses banques mais pour l?Etat. Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, a d?ailleurs fait un pas dans cette direction vendredi, en n?excluant plus de recourir à un plan de sauvetage global.

Inquiétudes sur la conjoncture économique mondiale

Les experts de Société Générale Private Banking évoquent un autre risque de déstabilisation des marchés : la dégradation de la conjoncture économique. Et pas seulement au sein de la zone euro, mais également aux Etats-Unis et, surtout, en Chine, « le » relais de croissance des pays occidentaux, ces dernières années. « La conjoncture mondiale continue de décélérer, suscitant l?inquiétude des investisseurs », insiste SG Private Banking.

C?est dire si les comptes nationaux de la zone euro au deuxième trimestre, qui seront publiés le 14 août, et qui devraient consacrer le retour d?une récession jusqu?alors circonscrite à l?Europe du Sud et aux Pays-Bas, seront passés au tamis par les économistes et les analystes financiers.

Des prévisions de bénéfices trop optimistes

Dans ce contexte d?essoufflement de l?économie mondiale, Société Générale Private Banking avertit que « l?été pourrait être agité, le risque de déception sur les résultats des entreprises étant désormais avéré. Les perspectives de bénéfices fournies par les analystes restent trop optimistes par rapport aux perspectives macro-économiques. »

C?est particulièrement vrai dans le secteur de la high-tech, aux Etats-Unis. Les bénéfices des sociétés cotées sur le Nasdaq - l'indice des valeurs technologiques américaines ? devraient encore bondir de 44% d'ici à la fin 2013, selon les analystes sondés par l'agence Bloomberg, après avoir déjà grimpé de 61% depuis 2008. Les investisseurs pourraient donc tomber de haut, lorsque Cisco donnera le coup d?envoi de la saison des résultats trimestriels dans la high-tech américaine, le 15 août.

Une période propice à une forte volatilité

A ces facteurs conjoncturels s?ajoute un risque structurel, pour les places boursières. Nombre d?opérateurs de marché étant en congés, les volumes de transactions sont traditionnellement faibles, en août. Ce qui « favorise les décrochages brutaux et la volatilité des titres », rappelle Fabrice Cousté, chez CMC Markets France.

Nul doute que les traders garderont leur BlackBerry à portée de transat, au cours des prochaines semaines. L?an dernier, après la dégradation de la note de solvabilité des Etats-Unis, ils avaient été nombreux à devoir interrompre leurs vacances pour rallier Paris, Londres ou New York.