Les banques font les yeux doux aux entrepreneurs

Par Christine Lejoux  |   |  803  mots
En France, 10% seulement des entreprises font l’objet d’une transmission intrafamiliale, ce qui nécessite, pour la très grande majorité des sociétés, de trouver des repreneurs externes. (Crédits : CC0 Public Domain)
La Société générale a dévoilé mardi 2 février une offre de services intégrée, mixant banque de détail, banque de financement et banque privée, à destination des entrepreneurs. Une population doublement intéressante pour les banques, les chefs d’entreprise étant à la fois des clients professionnels et privés.

Il y avait eu le programme « BNP Paribas Entrepreneurs 2016 », au mois de janvier 2014. En ce début 2016, voici « Société générale Entrepreneurs. » Le premier visait à renforcer la présence de BNP Paribas sur le segment des petites et moyennes entreprises, la banque ambitionnant de compter la clientèle d'une PME française sur trois en 2016, contre une sur quatre en janvier 2014. Un objectif impliquant la conquête de 5.000 PME par an. La Société générale, elle, a gagné quelque 2.000 nouveaux clients PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) l'an dernier. La banque au logo rouge et noir entend bien poursuivre sur cette lancée, avec, entre autres, un objectif de 23 milliards d'euros de financements du cycle d'exploitation et des investissements des entreprises, pour 2016, soit une hausse de l'ordre de 20% par rapport à 2015.

Si les banques font les yeux doux aux entrepreneurs, c'est parce que ce marché « représente un relais de croissance », a expliqué lors d'une conférence de presse, mardi 2 février, Laurent Goutard, directeur de la banque de détail de la Société générale en France, un pôle d'activité qui tire la moitié de ses revenus de la clientèle entreprises. De fait, les besoins de financement de ces dernières sont multiples, de la gestion de leur trésorerie à leur expansion internationale, en passant par la croissance externe. Sans oublier les problématiques de cession-transmission, « un marché très dynamique en France, où, contrairement à d'autres pays d'Europe comme l'Allemagne, 10% seulement des entreprises font l'objet d'une transmission intrafamiliale, ce qui nécessite, pour la très grande majorité des sociétés françaises, de trouver des repreneurs externes », indique Patrick Folléa, directeur de la banque privée de la Société générale en France.

Des centres d'expertises dans sept métropoles régionales

Les entrepreneurs sont d'autant plus convoités par les banques qu'ils deviennent souvent leurs clients à deux titres, professionnel et privé. « Le patrimoine d'un dirigeant d'entreprise est généralement constitué à hauteur de 90% de titres de son entreprise. La cession de cette dernière va donc bouleverser la structure de son patrimoine », décrypte Patrick Folléa. C'est là que la banque privée entre en scène, en conseillant notamment le dirigeant sur la meilleure façon de placer le produit retiré de la cession de son entreprise. En amont, il aura été épaulé par les experts de la banque de financement et d'investissement (BFI), chargés, entre autres, de déterminer la valorisation de la société.

Aussi « la coordination entre la BFI et la banque privée est-elle très importante », souligne Patrick Folléa. C'est pourquoi la Société générale, dans le cadre de son plan « Entrepreneurs », a décidé de réunir les compétences de la banque de détail, de la BFI et de la banque privée, au sein de centres d'expertises implantés en région, et plus précisément en Ile-de-France, à Bordeaux, Strasbourg, Lille, Rennes, Lyon et Marseille. « Si vous vous entêtez à vouloir traiter depuis Paris les introductions en Bourse, émissions obligataires ou placements privés des PME régionales, vous ne ferez aucune opération. A Lyon, vous devez être lyonnais », insiste Vincent Tricon, directeur de Société Générale Mid Cap Investment Banking.

Une présence de proximité mais également internationale

Reste que cette relation de proximité n'est pas l'apanage de la Société générale, nombre d'autres banques étant présentes auprès des entrepreneurs en région, comme Banque Palatine et les Banques Populaires, toutes deux dans le giron du groupe BPCE. « Les banques mutualistes ont une envergure locale, alors que le groupe Société générale, présent dans 80 pays, a la capacité de faciliter l'internationalisation des PME », se défend Vincent Tricon. « Les besoins des entreprises ont changé, au cours des 10 ou 15 dernières années. Aujourd'hui, le développement international devient très rapidement un sujet pour les PME », renchérit Laurent Goutard.

Dans ces conditions, quid de la concurrence de banques étrangères comme Credit Suisse et UBS, qui s'y entendent pour proposer et des services de BFI et des prestations de banque privée aux entreprises ? « Contrairement à nous, elle ne disposent pas d'un réseau de banque de détail, ce qui les prive d'un riche vivier de PME », rétorque Vincent Tricon. Les ambitions de BNP Paribas sur le marché des entrepreneurs n'émeuvent pas davantage le directeur de SG Mid Cap Investment Banking, la banque dirigée par Jean-Laurent Bonnafé n'ayant « pas pris position sur le bas du mid-market. » Alors que la Société générale, elle, travaille sur des opérations de cession à partir de 2 millions d'euros seulement de valeur d'entreprise, ou de capital-investissement dès 300.000 euros.