Les banques s’efforcent de rassurer les marchés

Par Christine Lejoux  |   |  1250  mots
L'action de la banque a chuté de plus de 15%, au plus fort de la séance du 11 février.
Les banques européennes ont perdu 400 milliards de dollars de capitalisation boursière depuis le 1er janvier. En cette période de publications de résultats annuels, les établissements bancaires tentent de rassurer sur leur exposition à la chute du prix du pétrole et sur leur gestion de l'environnement de taux bas.

Près de 400 milliards de dollars (354 milliards d'euros) partis en fumée. C'est l'ampleur de la chute de la capitalisation boursière des banques européennes depuis le 1er janvier, sous les coups de boutoir des investisseurs, qui s'inquiètent pêle-mêle de leur exposition aux sociétés pétrolières fragilisées par la chute du prix du baril, de l'impact de taux durablement bas sur leurs marges, et des conséquences d'un ralentissement de l'économie mondiale sur leur activité. Essentiellement circonscrites en début d'année aux banques italiennes, plombées par des monceaux de créances douteuses, les foudres des marchés financiers se propagent désormais à l'ensemble du secteur. La preuve les 8 et 9 février avec Deustche Bank, dont la solvabilité inquiète les marchés, puis avec la Société générale, jeudi 11 février.

Le cours de Bourse de la banque française, qui présentait ses résultats annuels ce même jour, a dévissé de 15,3% au plus fort de la séance, dans un marché, il est vrai, en baisse de plus de 3%. Le « crime » de la banque, aux yeux des investisseurs ? Avoir indiqué que, si elle maintenait son objectif d'une rentabilité des fonds propres (ROE, return on equity) de 10% « à terme », contre 7,9% en 2015, il ne lui paraissait en revanche plus possible de garantir l'atteinte de cette ambition dès l'exercice 2016. D'abord parce que les régulateurs ont récemment exigé des banques qu'elles renforcent encore leurs fonds propres dans les toutes prochaines années, ce qui, en élargissant le dénominateur du ROE, va nécessiter mécaniquement davantage de rentabilité pour parvenir à l'objectif de 10%.

Les taux bas placent les marges d'intérêt sous pression

Ensuite parce que la rentabilité, c'est vrai, est sous pression. La faute, principalement, au niveau historiquement bas des taux, qui pèse sur la marge d'intérêt des banques. Pas tant au niveau de leur activité de crédit, les conditions de refinancement avantageuses des banques compensant peu ou prou la faiblesse des taux accordés aux emprunteurs, qu'au chapitre des dépôts. En effet, les banques placent une part significative des dépôts de leurs clients sur les marchés, dépôts qui sont de moins en moins bien rémunérés en raison de l'environnement de taux très bas qui dure depuis quatre ou cinq ans et qui ne semble pas près de s'achever. Certes, en 2015, le volume des dépôts a de nouveau permis à la Société générale de compenser l'impact négatif des taux bas, mais « la persistance » de ces derniers constitue « un point d'attention » pour Bernardo Sanchez Incera, directeur général délégué du groupe, du fait « de la pression exercée sur nos revenus d'intérêt. »

La veille, c'est François Pérol, président du directoire de BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne), qui avait dit s'attendre en 2016 « à une pression forte sur les revenus de la banque commerciale », en raison du niveau durablement bas des taux. » A tel point que BPCE va « réfléchir à une extension, sous diverses formes, » de son programme de synergies de coûts lancé en 2013, et qui prévoyait 900 millions d'euros d'économies d'ici à 2017. De la même façon, la Société générale avait lancé l'été dernier un nouveau plan d'économies, de 850 millions d'euros, pour la période 2015/2017, dans le sillage d'un précédent programme de 900 millions portant sur les années 2013 à 2015. « La recherche continue d'économies est ancrée dans la culture du groupe », a souligné Philippe Heim, directeur financier de la Société générale.

Une exposition limitée au secteur pétrolier

La banque s'est également voulue rassurante sur son exposition au secteur du pétrole et du gaz, laquelle s'élève à 23,5 milliards d'euros, soit 3% seulement des expositions totales du groupe. En outre, les deux tiers des crédits accordés par la banque au secteur pétrolier concernent des sociétés notées « investment grade » par les agences de notation, c'est-à-dire en mesure d'honorer leurs engagements financiers. Une proportion qui s'élève à 75% chez BNP Paribas. De son côté, Laurent Mignon, patron de Natixis, la banque de financement et d'investissement de BPCE, a indiqué que l'exposition de sa banque à l'industrie pétrolière portait « essentiellement sur des secteurs ou sur des acteurs non sensibles, ou très faiblement sensibles, au prix absolu du pétrole, ainsi que sur des « majors » qui ont la capacité de faire face à l'évolution des cours. »

Pas de quoi, donc, amener Natixis à réviser à la hausse sa prévision de coût du risque (provisions pour risque d'impayés). Idem à la Société générale, où les dirigeants, après avoir simulé les conséquences d'un baril à 30 dollars durant une année entière sur les résultats du groupe, campent sur leur objectif d'un coût du risque compris entre 50 et 55 points de base pour 2016, contre 52 points de base l'an dernier. « Il faut remonter avant la crise financière (de 2008) pour trouver un niveau si faible », s'est félicité Philippe Heim.

Une situation qui n'est pas celle de 2008

Est-ce à dire que les investisseurs s'inquiètent à tort, eux qui n'hésitent pas à dresser un parallèle avec la crise de 2008, imaginant, comme cet analyste de FXCM cité par l'agence Reuters, qu'en « cas de faillite, Deutsche Bank pourrait devenir le Lehman Brothers européen, et être (ainsi) l'épicentre de la prochaine crise économique »? Reste que la donne a changé depuis 2008, les multiples réglementations qui ont déferlé sur le secteur bancaire mondial au cours des huit dernières années visant précisémment à empêcher une répétition de la crise de 2008. « BPCE est dans une situation bien meilleure qu'au moment de sa création, il y a sept ans, avec des fonds propres durs qui ont plus que doublé, à 51,6 milliards d'euros », a souligné François Pérol. « La volatilité des actions reflète une nervosité et une inquiétude compréhensibles des investisseurs, qui voient les choses de l'extérieur. Mais je pense que les publications des résultats annuels - voire du premier ou du deuxième trimestre - des banques vont les aider à avoir une meilleure visibilité sur la situation des uns et des autres. En tout état de cause, notre business model est solide », a renchéri Laurent Mignon, le patron de Natixis.

Des propos qui font écho à ceux de Frédéric Oudéa, directeur général de la Société générale : « Nous assistons à une sur-réaction, à une déconnexion entre ce qui se passe sur les marchés et la situation économique réelle. Tant la France que la zone euro devraient voir leurs économies croître davantage cette année qu'en 2015, et nous n'entrevoyons pas de scénarios extrêmes sur les pays émergents. Enfin, nous n'entendons pas de choses très négatives de la part de nos clients sur leurs perspectives pour 2016. » Pour le patron de la Société générale, « nous ne sommes pas du tout dans la situation de 2008, quand des questions se posaient sur la solvabilité et sur la liquidité des banques. » Ce qui soulève des interrogations, aujourd'hui, c'est leur rentabilité. D'où la nécessité, selon Frédéric Oudéa, « de clore le chapitre de la réglementation » et de ses surcoûts associés.