Les banques n’en ont pas fini avec le tsunami réglementaire

Après six années de multiplications de réglementations, destinées à éviter une nouvelle crise financière, le secteur bancaire espérait au moins une pause. Il en est pour ses frais, "TLAC", projet Barnier et taxe sur les transactions financières étant au menu de 2015.
Christine Lejoux
L'accumulation de réglementations a déjà conduit les banques françaises à renforcer leurs fonds propres à hauteur de 30 milliards d'euros, au cours des cinq dernières années.

Règle de Bâle III relative au renforcement des fonds propres des banques, lois dites de séparation des activités bancaires dans plusieurs pays, union bancaire européenne... Depuis six ans, les banques font face à ce qu'elles appellent "un tsunami réglementaire", les pouvoirs publics et les régulateurs internationaux étant bien décidés à ce que la crise financière de 2008 ne se reproduise jamais. Après cette accumulation de réglementations, qui a conduit les banques françaises à renforcer leurs fonds propres à hauteur de 30 milliards d'euros au cours des cinq dernières années, le secteur bancaire espérait une pause. Voire la fin du cycle de réglementations post-crise.

Ce ne sera pas le cas. L'année 2015 devrait notamment voir la finalisation du projet de TLAC (total loss absorbing capacity). Cette nouvelle exigence de renforcement des fonds propres des banques n'émane pas du comité de Bâle, cette fois, mais du conseil de stabilité financière (FSB). Ce dernier, qui réunit des banquiers centraux et des experts de la régulation financière, a récemment décrété que les 30 banques mondiales d'importance systémique - parmi lesquelles figurent BNP Paribas, la Société générale, le Crédit agricole et BPCE - devraient se doter d'un montant de dette subordonnée ou de quasi fonds propres équivalant aux fonds propres "durs" (de grande qualité) exigés par Bâle III. Le TLAC aboutirait ainsi à... un doublement du ratio de solvabilité des banques déjà exigé par Bâle III, ratio qui serait alors compris entre 16% et 20% de leurs actifs pondérés des risques.

 Des doublons entre le "TLAC" international et le "FRU" européen

L'idée sous-jacente du TLAC étant que, si l'une de ces banques "too big to fail" se retrouve en difficulté et que la contribution de ses actionnaires ne suffit pas à éponger ses pertes, alors les porteurs de dette subordonnée passeront à la caisse, retardant au maximum un appel à l'État et, partant, aux contribuables. Le hic, c'est que cette problématique du recours en dernier ressort à l'État est déjà traitée en Europe, dans le cadre du futur fonds de résolution unique (FRU) des crises bancaires, qui sera abondé par les banques à hauteur de 55 milliards d'euros en huit ans, dont 15,4 milliards par les banques françaises. "Comment le FRU sera-t-il pris en compte dans le TLAC, sachant que les deux initiatives poursuivent le même objectif ? Il faut qu'elles convergent", s'agace le patron d'une grande banque française. Qui verrait donc d'un bon œil que la contribution de 15,4 milliards d'euros du secteur bancaire français au FRU soit intégrée dans le calcul du TLAC.

"Qui va acheter les titres de dette subordonnée que nous devrons émettre, sachant que les assureurs risquent d'être limités en la matière par la réglementation de Solvabilité II ? Or nous ne pouvons pas laisser nos titres de dette subordonnée aux mains des seuls hedge funds, il nous faut également des investisseurs de long terme...", s'inquiète un autre banquier. Et de soupirer : "Le TLAC représente un dispositif considérable, une nouvelle réglementation qui va aller très vite." De fait, la consultation lancée par le FSB sur le TLAC s'achèvera dès le 2 février 2015, l'objectif étant que le projet soit validé par le G20 de l'an prochain. Une pilule d'autant plus amère pour le secteur bancaire européen que les banques originaires des pays émergents, y compris les établissements chinois, ont obtenu de ne pas être soumises au TLAC.

 Le projet Barnier de réforme bancaire devrait refaire surface

 Si, encore, il n'y avait que le TLAC au programme de l'année 2015... Mais le projet de réforme bancaire européenne présenté en janvier dernier par Michel Barnier, alors commissaire européen en charge des Services financiers, devrait refaire surface. Les banques françaises sont particulièrement opposées à ce projet, plus sévère que la loi bancaire française car il prévoit la filialisation, et donc le renchérissement, de l'activité de tenue de marché. Le secteur bancaire avait un temps espéré que Jonathan Hill, le nouveau commissaire aux Services financiers, remise au fonds d'un placard le projet Barnier. Mais "il semble que la Commission européenne l'ait repris dans ses travaux et que le texte de janvier 2014 soit toujours sur la table", grimace l'un des trois banquiers.

Autre espoir déçu : la mise au rebut du projet de taxe sur les transactions financières. "Nous sommes opposés à ce projet, qui risque d'entraîner la délocalisation à Londres de certaines activités de marché, et nous n'avons absolument pas gagné la partie, les États ayant réaffirmé leur volonté d'arriver à un accord, bien que les négociations s'avèrent plus difficile que prévues", indique l'un des banquiers. C'est dire si 2015 devrait à nouveau être une bonne année pour le lobby bancaire européen. Avec toujours pour argument massue le financement des entreprises européennes, qui dépend encore à 70% du crédit bancaire, lequel souffrira immanquablement des contraintes réglementaires pesant sur les fonds propres des banques.

Christine Lejoux

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Commentaire 1
à écrit le 22/12/2014 à 11:49
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La loi de résolution bancaire (et son "bail in") a été votée pour les recapitaliser et renforcer leurs fonds propres - le moment venu on ponctionnera tout ou partie de l'épargne des déposants, comme à Chypre, et le tour sera joué !

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