François Hollande veut-il tuer les LBO ?

Par Christine Lejoux  |   |  670  mots
Afin de décourager les investissements financiers et de lutter contre les niches fiscales, François Hollande prône la suppression - au moins la réduction - de la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par une entreprise pour en acquérir une autre. Reuters
Le candidat socialiste veut supprimer la déductibilité des intérêts des emprunts contractés pour acheter des entreprises. Or ce levier fiscal est un pilier de la rentabilité des LBO en France, ces opérations d'acquisitions par endettement qui favorisent la création d'entreprises de taille moyenne.

François Hollande l'a dit et répété, son adversaire, ce n'est pas Nicolas Sarkozy, mais « la finance». Justement, l'une des mesures-phares du candidat socialiste à l'élection présidentielle ne fait pas du tout les affaires des fonds de LBO (Leverage Buy-out : acquisition par endettement). Dans le cadre de la chasse aux niches fiscales et afin de décourager les investissements purement financiers, François Hollande prône la suppression - ou tout au moins la réduction - de la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par une entreprise pour en acquérir une autre. Or le métier d'un fonds de LBO consiste, dans les grandes lignes, à acheter et à revendre des sociétés. Et la déductibilité, par le holding de reprise, des intérêts d'emprunt souscrits pour financer l'acquisition de la cible, constitue un pilier de la rentabilité des LBO en France.

L'effet de levier fiscal est essentiel aux LBO

« Si la déductibilité des intérêts des emprunts est supprimée ou réduite, cela mettra à mal les opérations de LBO, pour lesquelles l'effet de levier fiscal est essentiel », prévient Jérémie Jeausserand, avocat chez Scotto & Associés. Un autre spécialiste des opérations de LBO, qui se dit pourtant tout acquis à François Hollande sur bien d'autres points, souligne lui aussi le caractère « essentiel » de l'effet de levier fiscal et estime donc « qu'il deviendra très difficile de monter des LBO. »

12 millions d'euros d'intérêts à déduire, pour un LBO de 1 milliard

Cet effet de levier fiscal si crucial, qu'est-ce donc exactement ? Concrètement, lorsqu'un fonds de LBO rachète une entreprise, pour un milliard d'euros par exemple, il va s'endetter à hauteur de 60% environ de ce montant, pour financer l'acquisition. Sur la base d'un taux de 6%, les intérêts liés à cette dette de 600 millions d'euros s'élèvent à 36 millions. Le tiers de ce montant, soit 12 millions d'euros, est déduit de son résultat imposable par le holding de reprise créé par le fonds, en vertu de la législation actuelle. Une somme loin d'être négligeable, dans le cadre du remboursement de la dette d'acquisition.

Les LBO favorisent la création d'entreprises de taille moyenne

Or « l'industrie du LBO est extrêmement utile à l'économie française, notamment parce qu'elle facilite la transmission des entreprises dont les fondateurs partent à la retraite sans successeur », s'inquiète Jérémie Jeausserand, chez Scotto & Associés. Une opinion partagée par Louis Godron, président de la Commission capital-transmission à l'Afic (Association française des investisseurs en capital) : « Les hommes politiques, de droite comme de gauche, déplorent le manque d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), en France. Or on ne peut pas créer d'ETI sans faire de croissance externe. Et on ne peut pas procéder à des acquisitions sans recourir à la dette. » Et d'ajouter : « Ce sujet va bien au-delà des préoccupations des seuls fonds de LBO. Supprimer ou réduire la déductibilité des intérêts des dettes d'acquisition n'aidera pas la transmission d'entreprises, en général. »

Une distorsion de concurrence par rapport aux acquéreurs étrangers

Autre inconvénient de cette mesure : les acquéreurs français - qu'il s'agisse d'entreprises ou, surtout, de fonds de LBO qui vivent d'opérations de croissance externe - ne seront plus sur un pied d'égalité face à leurs rivaux étrangers, soumis, eux à la fiscalité de leur pays d'origine. « La plupart des pays développés admettent la déductibilité des intérêts des dettes d'acquisition », indique Louis Godron. Qui précise donc que « les acquéreurs français d'entreprises risquent d'être désavantagés par rapport à leurs concurrents anglo-saxons et allemands, avec un « pouvoir d'achat » réduit de 5% à 10% par rapport à ces derniers. » Nul doute que l'industrie du capital-investissement et les entreprises en veine d'acquisitions suivront avec une régularité de métronome les prochains sondages sur les intentions de vote à l'élection présidentielle.