La place de Paris appelle les candidats à l'Elysée à croire en la Bourse

Par Pascale Besses-Boumard  |   |  1275  mots
Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace. Photo : Reuters
L'association de lobbying Paris Europlace vient de faire 20 propositions dans un livre blanc à destination des candidats à la présidentielle. L'enjeu est de taille : permettre aux entreprises de mieux se financer sur les marchés alors que les crédits bancaires sont plus difficiles à obtenir. Pour permettre aux valeurs moyennes d'accéder à la Bourse, Paris Europlace est favorable à l'arrivée du London Stock Exchange en France aux côtés ou en concurrence avec Nyse Euronext.

Depuis la crise des subprimes de 2007, la finance n'a plus vraiment la cote tant auprès des particuliers que des politiques qui ne cessent de stigmatiser ce secteur d'activité. Avec pour corrolaire une fiscalité de moins en moins accommodante pour les détenteurs d'actions et une désertion des épargnants de tous les produits boursiers. Soit une très mauvaise nouvelle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille.
Soucieuse d'inverser cette tendance et de redorer le blason tant de la Bourse que de la finance dans son ensemble, l'association de place Paris Europlace, sous la houlette de son président, Gérard Mestrallet, vient de publier un livre blanc à destination des candidats à la présidence de la République. Livre blanc assorti de 20 propositions destinées à « relancer le financement de l'économie et la croissance durable, et conforter la position internationale de la place de Paris ».

La mauvaise image de la finance

Le candidat socialiste François Hollande avait certes donné le ton dès le début de sa campagne en se déclarant l'adversaire de la finance. Propos qu'il a atténué par la suite mais que le candidat Nicolas Sarkozy a pourtant quasiment confirmé en s'attaquant lui aussi aux banques quelques jours plus tard. Il faut dire que certains acteurs de cette filière ne font rien pour susciter l'empathie. Aujourd'hui encore, on apprenait que le patron de la Deutsche Bank s'était octroyé 6,3 millions d'euros de revenus au titre de 2011. Des émoluments hors normes qui font tâche d'huile au moment où le chômage fait rage en Europe.
Le redressement de la filière financière est d'autant plus primordial qu'elle constitue à ce jour, le quatrième employeur national avec plus d'un million de salariés et 30.000 embauches par an, soit plus que le secteur automobile. De même, les dernières statistiques démontrent l'insuffisance de l'épargne orientée vers le financement des entreprises et de l'économie. Sur le taux global d'épargne des ménages français de 16%, 6,9% sont placés en produits financiers, 9% revenant à l'immobilier. Du coup, les sociétés ont de plus en plus de mal à trouver des financements pour leur développement et leurs investissements, leur sort étant largement entre les mains des banques, lesquelles subissent de telles pressions conjoncturelles et prudentielles qu'elles ne peuvent plus apporter les mêmes niveaux de fonds propres qu'auparavant. Comme en témoigne les derniers chiffres publiés par la Banque de France : Au niveau des flux nets de financement des entreprises françaises, 65% (248 milliards d'euros) proviennent des emprunts bancaires, 32% des titres de créances (121 milliards), seuls 3% (10 milliards) provenant des actions. Et parmi les pays ayant le plus réduit la manne des crédits aux sociétés, l'Espagne arrive largement en tête, suivie par l'Italie qui, il est vrai, avait connu les taux de croissance les plus élevés par le passé. La France affiche un profil plutôt stable depuis juillet 2011 après une croissance ininterrompue depuis début 2011.

Il est urgent d'agir en faveur des entreprises

Dans ce contexte, il est effectivement « urgent d'agir en faveur des entreprises et surtout des PME très largement tributaires des crédits bancaires », a martelé mardi matin Gérard Mestrallet. D'où les propositions élaborées avec toutes les grandes associations de la place (AFG, AFIC, AMAFI, FFSA, FBF et MEDEF).
Celles-ci tournent autour de 5 axes d'actions prioritaires : développer les placements longs terme, relancer le financement des PME, conforter les banques dans leur rôle du financement de l'économie, accélérer les développements de la finance durable et enfin accroître l'action européenne et internationale.

Pour développer les placements long terme, les auteurs du livre blanc recommandent surtout de se concentrer sur l'assurance-vie, de manière à relancer cette machine de guerre qui jusqu'à présent avait largement séduit les Français (l'encours actuel est encore de 1.400 milliards d'euros). Avant que les incertitudes de la zone euro ne poussent nombre d'épargnants à vendre une partie de leurs contrats ou à placer leurs excédents sur d'autres vecteurs. Dans le même sens, ils plaident pour un assouplissement des conditions de souscription du PERCO, cette enveloppe fiscale élaborée pour se constituer une épargne retraite au sein de son entreprise avec un système optionnel d'abondement de la société. Côté actions, l'association de Place ne réclame aucun coup de pouce fiscal, consciente des contraintes budgétaires actuelles. En revanche, elle souhaite que cette classe d'actifs profite de la clause fiscale la plus avantageuse. Ce qui est loin d'être le cas actuellement, surtout après le rétablissement de l'impôt de Bourse sur les actions, qu'a fait voter Nicolas Sarkozy en février. Paris sera-t-elle la seule à revenir cinq ans en arrière, alors que les Européens ont clairement renoncé à se mettre d'accord sur un tel projet ?

Le LSE est le bienvenu pour aider les valeurs moyennes

Pour relancer le financement des PME, Paris Europlace milite pour un redressement du capital investissement, particulièrement mis à mal ces trois dernières années. L'accès à la Bourse doit également être facilité. Un enjeu dont s'est déjà emparé la place de Paris via le rapport Giami/Rameix, récemment rendu public. Ce rapport, très critique sur les pratiques de Nyse-Euronext préconise la filialisation du compartiment dédié aux valeurs moyennes, avec l'entrée de la Caisse des Dépôts (CDC) au capital de cette nouvelle entité. Les auteurs du rapport ne voient d'ailleurs pas d'un mauvais oeil la possible arrivée de la Bourse londonienne, le LSE, qui pourrait soit s'associer à cette filiale, soit être partie prenante au sein d'une structure créée ex-nihilo sur le même modèle que l'AIM britannique, consacré aux petites et moyennes valeurs. "Toute initiative susceptible de faciliter le financement des entreprises est bonne à prendre. La place de Paris est ouverte à toutes propositions allant dans le bon sens" a commenté Gérard Mestrallet réagissant à la perspective de l'arrivée éventuelle du LSE.
Quant au rôle des banques, le patron de Paris Europlace va dans le sens du discours déjà prodigué par l'ensemble du secteur bancaire français : le modèle de la banque universelle est le seul susceptible d'endiguer toute crise systémique, il faut donc le préserver. Face au développement des activités de financements alternatifs, le "shadow banking", il recommande parallèlement une harmonisation des régulations, de manière à pouvoir contrecarrer toute initiative anti-concurrentielle mais aussi des pratiques pas toujours très transparentes. D'où son souhait de voir émerger une meilleure convergence des régulations européenne mais aussi américaine et ce, dans le cadre de la mise en oeuvre des deux mammouths que sont sont Bâle III pour les banques et Solvency II pour les compagnies d'assurance.

Pistes de réflexion pour les candidats à la présidentielle

Globalement, ces 20 propositions n'entrent pas dans le détail. "Ce que nous voulons, c'est lancer des pistes de réflexion pour les différents candidats. Notre objectif est d'encourager l'épargne à risque mais aussi de long terme. Et ce n'est pas en fiscalisant toujours plus les produits actions, que les entreprises pourront compter sur un nombre croissant d'investisseurs. A titre personnel, je suis d'ailleurs favorable à l'élargissement du plafond du PEA", a déclaré Gérard Mestrallet. Et ce, en réponse au projet de François Hollande de doubler le plafond du livret A. Proposition qui ne séduit certes pas Paris Europlace. A voir maintenant ce qu'en fera le futur président de la République.