Financement : Les collectivités locales sont contraintes d'innover

Par Mathias Thépot  |   |  671  mots
La ville de Marseille prépare le premier emprunt obligataire de son histoire Copyright Reuters
S'il ne veut pas manquer d'argent en fin d'année, le secteur public local doit trouver de nouveaux moyens de financement. Depuis le début de l'année 2012, quelques grandes régions ont déjà lancé des émissions obligataires à horizon 10 ans ou plus. La ville de Marseille prévoit de faire de même.

L?une des branches les plus touchées de l?économie française en ce début d?année 2012, le secteur public local doit redoubler d?imagination pour subvenir à ses besoins de financement. Depuis janvier, plusieurs grandes collectivités locales ont ainsi émis des obligations à destination des investisseurs. La région Rhône-Alpes a par exemple lancé une émission de 120 millions d'euros à 12 ans à un taux de 4%. La région Pays de la Loire a de son côté lancé une émission obligataire à caractère socialement responsable d?un montant de 43 millions d?euros sur 10 ans au taux de 4%, alors que la région Provence-Alpes-Côte d?Azur a émis 52 millions d?euros à 11 ans à 4,15%. La ville de Marseille prépare pour sa part le premier emprunt obligataire de son histoire, pour environ 150 millions d'euros.

Le secteur public local contraint de se débrouiller seul

Le contexte actuel semble contraindre les acteurs du secteur public local (hôpitaux, sociétés d'économie mixte et collectivités locales) à se débrouiller seuls.
En 2012, les besoins de financement du secteur pourraient s?élever à 25 milliards d'euros maximum. Mais une partie de cette demande ne devrait pas être satisfaite. La nouvelle coentreprise entre la Caisse des dépôts (CDC) et La Banque Postale, qui verra le jour en juin, mettra pour sa part entre 5 et 6 milliards d'euros, alors que la CDC vient de débloquer une enveloppe supplémentaire d'un maximum de 5 milliards d'euros. Certes les banques vont de leur côté contribuer à hauteur de 8 à 10 milliards d'euros, mais elles ne feront que maintenir les montants qu'elles accordent au secteur public local chaque année. Elles ne comptent en effet pas prendre la place de Dexia, le leader historique du marché qui est en cours de démantèlement.

Le coût de la ressource et la nouvelle réglementation bancaire

Si les banques dites « traditionnelles » se sont retirées ou ne souhaitent pas augmenter leur part de marché, c?est en grande partie lié à la future réglementation bancaire de Bâle III qui leur demande de disposer d'un niveau de fonds propres plus important à mettre en face de leurs engagements. " Il faut avoir conscience qu'avec les nouvelles normes de régulation bancaire, les collectivités locales sont pénalisantes pour les établissements bancaires en termes de fonds propres, étant donné la longueur des engagements ", déplorait Philippe Wahl, le président du directoire de La Banque Postale.
Le coût de la ressource qui croît est également un facteur aggravant, d?autant que les collectivités locales sont obligées de déposer leur épargne auprès du Trésor public - une spécificité française- et non auprès des banques. Les acteurs de marché sont donc " peu enclins à prêter aux collectivités locales dont ils ne peuvent pas disposer des dépôts ", indiquait en février Augustin de Romanet, alors directeur général de la CDC.

Impossible d'emprunter à trente ans

Tout cela fait que le secteur public local ne devrait plus pouvoir emprunter sur des durées supérieures à quinze ans. " Les projets locaux ont des durées économiques de vie bien supérieures à quinze ans, mais les prêts supérieurs à dix ans coûtent extrêmement cher aux banques à cause du coût de la liquidité ", indiquait Philippe Wahl en février. " Il sera difficile de trouver des liquidités au-delà de quinze ans et, au-delà de vingt-cinq ans, les liquidités sont aujourd?hui extrêmement rares. Quant à trente ans, c?est tout simplement impossible. Il faudra attendre que les marchés financiers se stabilisent pour voir la situation s?améliorer ", ajoutait-il.
Il pourrait donc au final manquer environ 5 milliards d'euros au secteur public local cette année. Pour combler ce delta, les élus tentent de trouver la parade. Ils ont proposé de créer une agence de financement des collectivités locales. Mais elle ne devrait pas être opérationnelle avant 2013, et sa création, complexe, nécessite des garanties étatiques.