Les nouveaux milliardaires prospèrent davantage que les héritiers

Par Laura Fort  |   |  904  mots
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Les grandes fortunes mondiales sont pour la majorité des fortunes individuelles, qui ne doivent rien à un quelconque héritage, révèle une étude Forbes Insights/Société Générale. Explication : beaucoup de nouveaux milliardaires sont issus des pays émergents ou de secteurs innovants et se sont "construits" tous seuls.

"La famille est un terrain idéal pour voir grandir le talent et la réussite", a déclaré le milliardaire Donald Trump. Mais ce n'est pas toujours le cas. Si 42% des grandes fortunes (plus d'un milliard de dollars de patrimoine net) dans le monde proviennent d'un héritage, 58% sont individuelles, construites à partir de rien, selon une étude Forbes Insights/Société Générale Private Banking*.  Ce qui explique peut-être qu'elles prospérent davantage  : ainsi, la valeur nette des fortunes individuelles a crû de 9% en trois ans, contre 4% pour les fortunes familiales, et même de 24% entre 2010 et 2011, contre 21% pour les fortunes héritées.

Les "self-made men" de la technologie

Une grande partie de ces milliardaires partis de rien est d'ailleurs issue du secteur des technologies, et certains ont déjà fait savoir qu'ils ne transmettraient pas leurs entreprises à leurs enfants. Dans ce domaine, on retrouve sans surprise Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, Xavier Niel, vice-président d'Iliad, la maison mère de Free, ou encore Eric Lefkofsky, créateur du site Groupon. Les fortunes individuelles se développent également dans les domaines de la logistique, des casinos, de l'investissement, des métaux et minerais, ou encore de l'énergie et de l'automobile.

81% de fortunes individuelles en Russie

Et 77% de ces fortunes individuelles se situent dans les marchés émergents. C'est le cas de 81% des grandes fortunes en Russie, sachant que 100% de ses milliardaires sont des "self-made men ou women". Explication :  elles sont jeunes car elles ont réellement commencé à se développer dans les années 1990, à la chute de l'empire soviétique. Parmi les 101 milliardaires russes, Forbes recense des oligarques comme Vladimir Potanin, à la tête de Norilsk Nickel, Oleg Deripaska, patron de Rusal, numéro un de l'aluminium, ou encore les trois fondateurs du conglomérat industriel Alfa : Mikhail Fridman, German Khan et Alexei Kuzmichev. Les milliardaires russes investissent dans le monde entier. Le cabinet d'avocats Mermelstein rapporte d'ailleurs que près de 80 milliards de dollars ont quitté la Russie en 2011, dont 5% à 10% ont été investis aux Etats-Unis, en particulier dans l'immobilier.

Peu d'entreprises familiales en Chine

De la même façon, en Chine, 67% des fortunes sont individuelles. Une analyste de la Bourse de New York précise dans l'étude que "ces particuliers milliardaires sont tous dans des activités liées notamment aux ressources naturelles héritées de l'Etat. Il n'y avait donc pas d'origine familiale à la reprise de ces activités".
En Europe, 55% des fortunes sont individuelles, mais c'est le Royaume-Uni qui tient la corde avec 75% de grandes fortunes de cette origine. Et parmi elles, celles de James Dyson, créateur des aspirateurs éponymes, Richard Desmond, magnat de la presse, ou encore J.K. Rowling, auteur des aventures d'un célèbre apprenti sorcier.
A contrario, la France comme l'Allemagne comptent davantage de fortunes familiales. Parmi les familles très fortunées de l'Hexagone, on compte par exemple Bernard Arnault, patron du groupe LVMH qui tient sa fortune de son père, les frères Alain et Gérard Wertheimer à la tête de Chanel, ou encore les frères Bouygues. Outre Rhin, Karl Albrecht, propriétaire des supermarchés Aldi, est l'une des plus grandes fortunes familiales du pays, et commencera sa carrière en reprenant l'épicerie de sa mère.

Une question de culture

Culturellement, dans certains pays, les vies familiales et professionnelles sont étroitement imbriquées. Ainsi, en Inde, 73% des fortunes sont d'origine familiale, 100% au Koweït ou 67% au Liban. Dans la péninsule indienne, les deux enfants de Naresh Goyal ont rejoint leur père au sein de l'entreprise familiale Jet Airways. Le fils du fondateur de Wipro, Azim Premji, est également appelé à lui succéder. Et celui de Sunil Mittal, patron du groupe de télécoms Bharti, travaille désormais avec son père.
Au Moyen-Orient, la majorité des fortunes est également familiale. "Dans la culture arabe, le patrimoine se transmet généralement de génération en génération par voie d'héritage", explique l'étude.

L'immobilier, une affaire de famille

Concernant la gestion de ces fortunes familiales, l'étude signale qu'en Asie, "la plupart des familles ont trois ou quatre banquiers privés et les fonds qu'elles leur confient sont considérés comme des fonds de réserve qu'elles ne placent que dans des investissements très traditionnels". En Inde, les familles d'industriels commencent à mettre en place des "family offices" pour gérer leur patrimoine ou lancent des fonds de capital-investissement à l'image d'Azim Premji, qui possède un fonds dont les actifs dépassent un milliard de dollars.

Par ailleurs, les fortunes familiales se forment plutôt dans les secteurs de la finance, des services, du sport, du bâtiment, de l'alimentation ou de l'immobilier. L'étude précise que "l'immobilier est un secteur qui exige énormément de capitaux, et nombreux sont les entrepreneurs qui empruntent des fonds auprès d'un membre de la famille ou qui achètent des actifs immobiliers avec des membres de leur famille".

 

*L'étude "Fortunes dans le monde et liens familiaux" a été réalisée dans 12 pays ou régions à partir de 1200 grandes fortunes mondiales. Les particuliers sélectionnés détiennent un patrimoine net minimum de 1 milliard de dollars ou équivalent en devise locale, à l'exception de l'inde (370 millions de dollars minimum), de la Chine (500 millions de dollars minimum) et de Singapour (210 millions de dollars).