La piètre culture financière des Français inquiète les banquiers

Par Mathias Thépot  |   |  697  mots
Copyright Reuters
Le monde de la banque s'est penché sur l'inculture des Français en matière financière à l'occasion d'un colloque organisé par les gendarmes de la Bourse, des banques et des assureurs. Les publicités, surtout sur Internet, n'hésitent pas à profiter de ces faiblesses même si les banques affirment tenter d'aider les épargnants. Mais elles ont aussi leurs propres contraintes qui les conduisent parfois à privilégier la distribution de certains produits...

« Garantir une bonne information de l?épargnant est indispensable ». Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France ne croit pas si bien dire, tant le niveau de compréhension des produits financiers des français est limité. Il ouvrait vendredi 11 mai, un colloque organisé conjointement par l?Autorité des marchés financiers (AMF) et l?Autorité de contrôle prudentiel (ACP), sur les conséquences de la crise financière sur l?épargne des ménages et la commercialisation des produits financiers. A cette occasion, bon nombre de difficultés que rencontrent les français ont été soulignées.

Seul un français sur deux sait calculer un pourcentage
 Selon une enquête du CREDOC réalisée en 2011 sur « la culture financière des Français », seuls 51% des Français répondent correctement à la question « si vous placez 100 euros sur un compte rémunéré à 2% par an, combien aurez vous sur votre compte un an plus tard ?». La réponse étant 102 euros. Plusieurs voisins européens ont mieux répondu à cette question : 76% des Irlandais, 64% des Allemands et 62 % des Anglais. Pour l?AMF, les connaissances des français sont « objectivement imparfaites ».
Les épargnants estiment à 80% « plutôt mal s?y connaître » en produits financiers en 2011. Ainsi, un français sur deux ne s?estime pas assez armé pour investir dans un produit financier, ou évaluer la rentabilité et le risque de ses placements.

Les publicitaires en profitent et les banques
Banquiers et publicitaires pourraient donc être tentés d?utiliser cette faiblesse à leur avantage. Les publicités ont ainsi largement porté sur le marché du Forex (marché des devises) et sur les CFD (produit dérivé qui permet d'acheter un actif financier à découvert) en 2011, surtout sur Internet, selon l?AMF. Elles sont souvent destinées à des jeunes et promettent des produits « martingales » très rentables et peu risqués. Ce qui a le don de chagriner François Villeroy de Galhau, directeur général délégué du groupe BNP Paribas : « Si quelqu?un promet un produit sûr avec un rendement élevé, ce quelqu?un est un menteur », affirme-t-il.

Surveillés de près par les régulateurs, les banques souhaitent de leur côté aider les français à développer leur culture financière. « On essaie de donner un maximum de repères pour comprendre la finance », indique François Villeroy de Galhau. Selon lui, « la base de la base est de comprendre l?axe des incompatibilités », qui met en valeur la dichotomie entre sécurité et rentabilité des placements financiers.

Avec Bâle 3, les intérêts des banques et des épargnants peuvent diverger
Reste que les banques ont également des impératifs, en l?occurrence l?adaptation aux futurs règles prudentielles de Bâle 3 qui demandent un niveau d?épargne bancaire comptabilisé à leur bilan plus élevé qu?auparavant. Pour satisfaire le Comité de Bâle, les banques font évoluer leur offre commerciale. Des « visiteurs mystères » de l?AMF dans des agences bancaires ont constaté qu?en 2012, 62% de l?offre d?épargne proposé à des clients averses au risque est constituée d?épargne bancaire et de parts sociales, contre 34% en 2011 !

L?assurance vie fait le chemin inverse. Elle ne représente plus que 29% de l?offre d?épargne en 2012 pour les « risquophobes » contre 50% en 2011. Ces chiffres sont à mettre en perspective avec les motivations d'épargne des Français. En effet, la préparation de la retraite prend une place prépondérante dans les priorités des épargnants (30% d?entre eux) ce qui suppose des produits d'épargne de long terme encore peu présents sur les étagères des banques. De là à penser que les banques profitent de la méconnaissance des Français des produits financiers pour mieux s'adapter à Bâle 3, il n?y a qu?un pas?

En revanche, la première priorité des épargnants rencontre l?offre bancaire actuelle : 37% d?entre eux épargnent pour financer une aide à des membres de leur famille. Un motif de précaution pour lequel l?épargne doit être facilement et rapidement disponible en cas de pépin. Des caractéristiques que remplissent la plupart des produits d?épargne bancaire.