Banques françaises : la facture du chaos grec

Par Laura Fort  |   |  880  mots
AFP
Dans le cas d'une sortie de la Grèce de la zone euro et d'un retour à la drachme, les banques françaises essuieraient des pertes sur leur exposition à la dette souveraine et sur leurs filiales implantées en Grèce, à la mesure de la dévaluation de la nouvelle monnaie.

"Je ne connais aucun groupe qui serait mis en difficulté par un scénario extrême sur la Grèce", a déclaré Christian Noyer à l'occasion de la présentation du rapport de l'Autorité de contrôle prudentiel lundi 14 mai. Ce qui ne veut pas dire que la facture  serait facile à digérer. Dans le cas d'une sortie de l'euro et d'un retour à la drachme, les analystes parient sur une dévaluation de la nouvelle monnaie de 50% minimum. Certains estiment cependant qu'elle pourrait atteindre jusqu'à 75% : "tout dépendra de l'ampleur du chaos qui provoquerait cette sortie de l'euro", affirme un analyste.

Des pertes marginales sur l'exposition à la dette souveraine

Si le pire n'est jamais certain, les analystes se risquent tout de même à évaluer l'ampleur des dégats. Les pertes porteraient d'abord sur l'exposition résiduelle des banques françaises à la dette souveraine grecque. Mais selon Alex Koagne, analyste chez Natixis, elles "seraient marginales. Après impôts, cela ne représente pas grand-chose". Au 31 mars 2012, Crédit Agricole est exposé à hauteur de 418 millions d'euros (dont 400 millions d'euros portés par ses sociétés d'assurance et 18 par le groupe), Société Générale et BNP Paribas à hauteur de 200 millions d'euros, et BPCE à 98 millions d'euros. Selon certains analystes, BNP Paribas aurait même encore diminué son exposition ces derniers jours.

Crédit Agricole "travaille" sur une sortie de l'euro de la Grèce

Les pertes les plus conséquentes seraient essuyées par les banques de plein exercice détenues par Société Générale et Crédit Agricole, Geniki et Emporiki. La Grèce a ainsi amputé les résultats trimestriels de la banque verte de 940 millions d'euros, dont 567 millions d'euros liés à sa filiale Emporiki. "Nous spéculons sur le fait que la Grèce restera dans la zone euro", avait déclaré Jean-Paul Chifflet, directeur général de Crédit Agricole SA, lors de la conférence des résultats. Il avouait néanmoins travailler "depuis plusieurs mois sur ce scénario" de la sortie de l'euro, précisant : "nous pensons supporter cette difficulté si elle survient". Concernant les conséquences financières pour le groupe, le directeur général a estimé que "les ressources financières internes devraient suffire" et qu'il n'y aurait a priori pas d'augmentation de capital. "Mais je ne veux pas m'y engager définitivement" a-t-il nuancé.

Jusqu'à 8 milliards d'euros de pertes pour la banque verte

Le financement apporté par Crédit Agricole SA  à Emporiki a eu beau diminuer de moitié sur un an, il s'élève à 4.6 milliards d'euros au premier trimestre 2012 (contre 5.5 milliards d'euros fin 2011). "Dans un scénario dur de retour à la drachme et de désengagement abrupt du pays en laissant carrément tomber sa filiale, Crédit Agricole pourrait subir une perte conséquente sur ces 4.6 milliards d'euros, liée à la dévaluation de la nouvelle drachme. Mais je n'y crois pas pour l'instant", estime Christophe Nijdam, analyste chez Alphavalue. Si dévaluation de 50% il y avait, Crédit Agricole accuserait alors 2.3 milliards d'euros de pertes. Les analystes de JP Morgan tablent quant à eux sur une perte beaucoup plus conséquente de 8 milliards d'euros pour la banque verte, ce, dans un contexte de dépréciation de 70% de la nouvelle drachme et de retraits de 20% des capitaux.

Hausse des créances douteuses

"L'autre scénario est celui d'une poursuite des activités en Grèce, malgré une sortie de la zone euro. Dans ce cas-là, Crédit Agricole et Société Générale devront évaluer combien de temps ils peuvent tenir dans une situation de récession, puisqu'ils continueraient à enregistrer des pertes sur leurs portefeuilles de prêts en cours", explique Christophe Nijdam. En effet, le niveau des créances douteuses continuerait à augmenter. "Plus la récession est profonde, plus les pertes s'accentuent, le taux de sinistralité sur les portefeuilles de prêts augmentant", ajoute Christophe Nijdam.
Crédit Agricole poursuit une stratégie de réduction de son exposition en Grèce, mais Emporiki totalisait encore un encours de crédits de 23 milliards d'euros fin 2011. La filiale grecque comptait 337 points de vente et 1.3 millions de clients en fin d'année dernière.

BNP Paribas détient un portefeuille de crédits de 3 milliards d'euros

Quant à Société Générale, sa filiale Geniki n'a requis que 168 millions d'euros de financement à fin décembre 2011 et comptait à cette date 2.6 milliards d'euros d'encours de crédits. "Crédit Agricole et Société Générale se trouvent dans un rapport de 1 à 4, donc, pour Société Générale, vous divisez par 4", déclare Christophe Nijdam. Toujours dans l'hypothèse d'une dépréciation de 50%, les pertes de Société Générale peuvent alors être estimées à plus de 500 millions d'euros. "En Grèce, dans un contexte économique très difficile, la charge du risque continue de croître, à 477 millions d'euros, le taux de provisionnement des encours atteignant 75% en fin d'année", lit-on dans le document de référence 2012 de la banque au logo rouge et noir.  Par ailleurs, BNP Paribas détient quant à elle un portefeuille de crédits d'un montant de 3 milliards d'euros, et devrait alors s'attendre à une perte de 1.5 milliard d'euros dans le cas d'une dévaluation de la drachme de 50%.