Facebook : la consécration ratée du Nasdaq

Par Jérôme Marin, à New York  |   |  722  mots
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Cela devait être le jour de gloire de la plateforme électronique avec l'introduction en Bourse la plus médiatique de l'histoire. Retards et dysfonctionnements informatiques ont gâché la fête.

Il suffisait ce vendredi matin de voir le sourire de Robert Greifeld pour comprendre l'enjeu que représentait pour le Nasdaq l'introduction en Bourse de Facebook. Le grand patron de l'opérateur boursier avait fait le déplacement à Melon Park en Californie au siège du réseau social où Mark Zuckerberg a sonné la cloche de l'ouverture du Nasdaq - délaissant pour l'occasion son costume au profit d'un T-shirt plus conforme à l'esprit de son hôte du jour.

Il est alors 9h30, heure de New York, le début, croit-on, d'une belle journée par le Nasdaq. Car l'introduction en Bourse (IPO) de Facebook, de très loin la plus médiatisée de l'histoire, est une consécration pour la plateforme électronique. Une consécration d'autant plus belle qu'elle s'est faite aux dépens du New York Stock Exchange (NYSE), l'opérateur historique dont la salle de marché située sur Wall Street reste encore aujourd'hui le symbole de la Finance américaine.

Bataille

Les deux groupes s'étaient livrés à une grande bataille pour attirer le réseau aux 900 millions d'utilisateurs. Plus que les conditions, notamment financières, offertes par les deux opérateurs, Facebook devait trancher en termes d'image. D'un côté, le Nasdaq est la place privilégiée des sociétés technologiques. Apple, Microsoft, Google ou encore Intel y sont cotés.

De l'autre, Nyse Euronext pouvait faire jouer sa réputation et son prestige de place boursière historique, où est notamment cotée la compagnie centenaire IBM. Ses équipes avaient réussi ces derniers mois à convaincre plusieurs sociétés Internet de les rejoindre, comme LinkedIn, Pandora et Yelp. Mais le Nasdaq avait répliqué en décrochant les IPO très médiatisées de Groupon et de Zynga.

Cotation retardée

Ce vendredi, c'est donc vers Time Square que se dirige toute l'attention des médias. La chaîne d'informations financières CNBC s'y est délocalisée et plusieurs autres chaînes réalisent des duplex depuis l'extérieur du bâtiment. Les curieux se pressent également devant les grandes vitres du Nasdaq, alors que les panneaux publicitaires de la place se sont parés de bleu, en honneur du réseau social.

Il est 9h30. Et tout se déroule encore comme prévu. En coulisses, les équipes du Nasdaq et les banques conseils s'affèrent. La première cotation de l'action Facebook n'est prévue que 90 minutes plus tard, aux alentours de 11 heures. Et il leur faut déjà gérer l'afflux de transactions afin de déterminer le prix d'ouverture de l'action. La tâche est toujours compliquée malgré les préparatifs mis en place ces derniers jours par les équipes du Nasdaq.

Peu avant 11 heures, le Nasdaq annonce un premier délai de 5 minutes. Puis un nouveau retard. Puis un troisième. Le temps passe. L'image de marque de l'opérateur boursier prend un coup. L'opération communication, à destination notamment des start-ups qui doivent encore s'introduire en Bourse, tombe à l'eau. Et voila que certains évoquent le précédent Bats, l'opérateur boursier alternatif contraint d'annuler son IPO sur sa propre plateforme après une série d'erreurs techniques.

Délais

Cette attente se traduit en Bourse. Jusqu'à lors en forte hausse, l'action Nasdaq OMX en fait les frais: elle repasse dans le rouge. Et ce n'est qu'un début. Elle perdra jusqu'à 4%. A 11h30, une demi-heure après l'horaire initial, la cotation de Facebook démarre enfin. Mais le système informatique ne suit pas, submergé par l'avalanche de transactions: 82 millions d'actions sont échangées au cours des 30 premières secondes. Près de 580 millions sur la journée, un nouveau record au cours d'une IPO.

Peu avant midi, le Nasdaq reconnait des "délais" dans la confirmation des ordres d'achat ou de vente passés par les traders. Puis annonce, un heure plus tard, qu'il va mettre en place un système manuel. Un comble ! D'autant plus que les problèmes ont perduré tout au long de la journée. Avant le début de la cotation, des intervenants s'étaient déjà plaints qu'ils ne pouvaient pas modifier ou annuler leurs ordres. Des couacs à répétition, que ne manqueront certainement pas d'utiliser les rivaux du Nyse lors des prochaines batailles.