Le Crédit Agricole fait face à la colère de ses actionnaires

Par Séverine Sollier  |   |  862  mots
Assemblée générale Crédit agricole du 22 mai 2012 / Reuters
Alors que le cours de l'action Crédit Agricole SA est laborieusement remonté au dessus de 3 euros et que la menace de la filiale grecque Emporiki plane sur les résultats du groupe, la banque verte a ouvert son assemblée générale à 10h ce 22 mai dans une ambiance houleuse.

"Notre cours de Bourse a été malmené. La Grèce a pesé lourdement sur nos comptes et nous ne distribuons pas de dividende". C'est avec ce sombre constat que Jean-Marie Sander, président de Crédit Agricole SA, a ouvert l'Assemblée générale des actionnaires ce mardi 22 mai à 10h. Il a promis la réponse aux interrogations. Et un petit film "micro-trottoir" auprès des actionnaires et des clients a bien montré qu'elles sont de taille. D'ailleurs le président n'a pas pu terminer son discours sans être interrompu et à peine fini, il a dû refuser l'accès au micro à des actionnaires qui voulaient prendre la parole sans attendre.

Le boulet de la filiale Emporiki

La Grèce est au coeur des préoccupations. Un actionnaire n'hésitant pas à interpeller Jean-Marie Sander  au beau milieu de son discours sur la situation d'Emporiki, la filiale du groupe en Grèce. "Vous étiez, je suppose, présent lors de l'Assemblée générale qui a décidé le développement dans les pays d'Europe du Sud ?", a répliqué Jean-Marie Sander avant de repousser le débat au moment des questions-réponses. 

"J'ai tout entendu depuis deux ans sur la Grèce. Un véritable concert des "y'a qu'à", "faut qu'on"...", s'est indigné le président avant d'indiquer travailler au redressement de la situation. "Au Crédit Agricole, la barre est solidement tenue", a-t-il ajouté précisant être "convaincu de la solidité de [son] modèle économique".

Et si la Grèce sortait de la zone euro?

Mais dans l'éventualité d'une sortie de la Grèce de la zone euro et du retour à la drachme, les pertes pour le Crédit Agricole pourraient être colossales. Certains analystes les chiffrent à plus de 7 milliards. Un montant pour l'heure hypothétique. L'investissement dans sa filiale Emporiki acquise en 2006 atteint aujourd'hui  5,2 milliards d'euros, essentiellement en financement de trésorerie. Cet investissement pourrait être totalement perdu mais il faudrait lui ajouter aussi des défauts de paiements probables sur au moins une partie du portefeuille de crédits. Ce dernier atteint un encours net de 19 milliards d'euros compte tenu des provisions passées. Difficile de dire quelle montant pourrait être perdu. Est-ce que cela pourrait être 50% comme le prédisent les Cassandre ? Même à ce niveau énorme, le groupe Crédit Agricole aurait la capacité de faire face car ses fonds propres atteignent plus de 70 milliards.

Pour parer aux urgences, le directeur général de Crédit Agricole SA (CASA) a indiqué aux actionnaires avoir fait une nouvelle demande dimanche dernier auprès des autorités du pays afin que la banque Emporiki puisse bénéficier du dispositif public d'accès aux liquidités (ELA, Emergency Liquidity Assistance) de la banque centrale grecque, ce qui lui est jusqu'à présent refusé car elle est considérée comme une banque française.

Quelques actionnaires au micro n'ont pas manqué de critiquer  vertement la stratégie suivie par la banque et en particulier sa politique d'acquisition au cours des années 2000 au Portugal, en Espagne et en Grèce. "Vous êtes en train de prendre le même chemin de faillite que Dexia", s'est exclamé un petit porteur, se référant à la perte de 1,47 milliard d'euros subie par Crédit Agricole en 2011. Un autre a désigné Emporiki comme "un puits sans fond" et un "fiasco".

2,4 miliards de perte dues à la Grèce 2011

 "La crise grecque a coûté 2,4 milliards en 2011, c'est beaucoup", esentiellement lié à la décote des obligations souveraines grecques, a reconnu Jean-Paul Chifflet, avant de préciser que des "mesures drastiques ont été prises depuis juillet 2011". L'exposition de CASA a ainsi baissé de 11,4 milliards en mars 2011 à 5,2 milliards d'euros à fin mars 2012, a-t-il ajouté et de détailler : "nous redressons Emporiki, limitons les crédits et renforçons les dépôts. Nous avons réduit les charges", avant de préciser qu'il suivait le dossier au jour le jour.

Un cours de Bourse à la cave

Le cours du Crédit Agricole souffre cependant plus que celui des autres titres bancaires de cette incertitude sur la Grèce. Il est passé sous la barre des 3 euros, un cours jamais atteint depuis l'introduction en Bourse de la banque il y a 11 ans. Vendredi 18 mai, le tite est repassé légèrement au dessus à 3,027 euros et à l'ouverture de l'assemblée générale mardi 22 mai, il s'établissait à 3,075 euros. Mais à ce niveau Crédit Agricole SA ne pèse plus en Bourse qu'environ 7,5 milliards d'euros, soit une des plus faibles capitalisations de l'indice CAC 40. Par comparaison, le cours valait 10,50 euros il y a un an le 24 mai 2011 et encore 4,43 euros début janvier. La chute est vertigineuse. Et rien ne laisse penser que le redressement sera rapide. Même si Jean-Paul Chifflet, le directeur général, a affirmé aux actionnaires que "le cours de bourse ne reflète pas la valeur intrinsèque de l'action". Tant que les incertitudes sur la Grèce continueront, la banque verte aura du mal à complètement rassurer les investisseurs. Le Président Jean-Marie Sander a néanmoins exprimé le souhait qu'un dividende soit versé aux actionnaires en 2013.