Les grands noms de la finance exaspérés par les agences de notation

Par Mathias Thépot  |   |  680  mots
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Dans un entretien accordé à Libération, Claude Bébéar a une nouvelle fois pointé du doigt le poids trop excessif pris par les agences de notation Fitch, Moody's et Standard & Poor's. Mais il n'est pas le seul grand nom de la finance à s'être insurgé ces dernier mois.

Le plus souvent regroupées dans le même panier, les agences de notations Fitch, Moody's et Standard & Poor's centralisent toutes les critiques. Beaucoup émanent du monde de la finance. Le fondateur de l'institut Montaigne et ancien patron d'Axa, Claude Bébéar, en a remis une couche ce lundi matin dans Libération.
Entrevoyant un recul de l'omnipotence du "triumvirat", il préconise quelques mesures pour ne plus revivre ces situations de crises accentuées par des dégradations. Il appelle pour cela à une "réintégration de l'analyse du risque au sein des grandes banques et compagnies d'assurances", mais aussi à « sortir de l'obligation des notations dans les réglementations financières".
Mais il milite avant tout pour replacer l'investisseur au centre du débat. Il estime qu'ils doivent se faire "eux-mêmes leurs idées sur les entreprises". "Il faut remettre les agences de notation à leur juste place et rétablir la responsabilité de l'investisseur", ajoute-t-il. L'ancien patron d'Axa prône en toile de fond l'arrêt de tout ce qui selon lui permet "la spéculation de court terme : les résultats trimestriels, les cotations au jour le jour,  les agences de notation".

Dexia et Moody's

Les rancoeurs du monde de la finance envers les agences de notation s'expliquent notamment par les faits. Le cas Dexia par exemple a mis en évidence toute l'importance conférée à ces agences. La banque franco-belge a en effet été contrainte d'enclencher un plan de démantèlement après l'annonce d'une dégradation de la part de Moody's. Pierre Mariani, alors patron de Dexia, ne s'en est pas remis. "Une fois de plus les agences de notation ont provoqué la crise", déplorait-il lors de la dernière Assemblée générale de Dexia.
"Elles ne provoquent pas un risque, mais quand elles le signalent, elles le provoquent (...) La dégradation du groupe par Moody's, le 3 octobre dernier, a provoqué une perte de 7 milliards d'euros de dépôts commerciaux pour le groupe et de 9 milliards d'euros de financement court terme non sécurisés ". La succession de décisions négatives des agences vis-à-vis de Dexia "ont entraîné une perte de 38 milliards d'euros de financement non sécurisés pour l'ensemble du groupe en 2011 ! ", s'indignait encore Pierre Mariani.

Des agences "irrationnelles"

Même au niveau macro-économique, la dichotomie entre représentants de la finance française et agences de notation se ressent. Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, avait dénoncé en décembre dernier des agences "devenues franchement incompréhensibles et irrationnelles". "Elles lancent des menaces, alors même que les Etats ont pris des décisions fortes et positives", s'indignait-il dans le Télégramme de Brest, faisant référence à un accord intervenu la semaine précédente lors d'un sommet européen de Bruxelles pour resserrer la discipline budgétaire. "Les agences de notation font comme s'il ne s'était rien passé. On peut penser que l'utilité des agences pour guider les investisseurs n'est plus avérée aujourd'hui", regrettait-il.

Des agences qui "n'ont pas fait correctement leur métier"

Parallèlement à leur impuissance devant le comportement trop moutonnier des investisseurs, les grands noms de la finance dénoncent donc l'incompétence des agences. En avril 2011, l'ancien patron de BNP Paribas Michel Pébereau, dressait une liste de ceux qui ont provoqué la crise : "Les gens qui ont fabriqué des produits structurés n'ont pas fait correctement leur métier. De même, les gens qui ont donné des notes à ces papiers titrisés, qui sont les agences de notation, n'ont pas fait correctement leur métier", indiquait-il sur Challenges.fr.
Claude Bébéar n'a pour sa part pas manqué de distribuer ses mauvais points. "N'oubliez pas que Madoff était toujours noté triple A à la veille de sa chute", rappelle-t-il dans libération. "Les agences amplifient les bulles, ne voient pas venir les crises, et une fois celle-ci avérées, sur-réagissent", résume-t-il encore. Le trio tant décrié est habillé pour l'été...