Arrêt Kerviel contre Société Générale : quel scénario la Cour d'appel retiendra-t-elle ?

Par Laura Fort  |   |  695  mots
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La Cour d'appel suivra-t-elle le jugement du premier procès, le réquisitoire prononcé par l'avocat général en juin dernier ou décidera-t-elle de la relaxe de l'ancien trader ? Réponse ce mercredi 24 octobre.

"Je n'attends qu'une chose, c'est que ce calvaire se termine, pour moi, pour mes proches, pour la vérité et pour la justice", avait déclaré Jérôme Kerviel lors du neuvième jour d'audience le 21 juin dernier. Ce mercredi 24 octobre, l'ancien trader de Société Générale sous le coup de trois chefs d'accusation, à savoir "abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux", sera fixé sur son sort.
La Cour d'appel va rendre son arrêt cet après-midi et décider de condamner ou non Jérôme Kerviel. Voici les différentes hypothèses qui peuvent s'offrir à elle :

1/ Suivre le jugement du procès en première instance

En première instance, en 2010, Jérôme Kerviel, jugé seul responsable de la perte causée par d'énormes prises de positions spéculatives et leur débouclage, avait été condamné à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts et à cinq ans de prison dont trois ferme. Un montant qui avait provoqué un tollé contre la justice et qui s'était avéré contre-productif, puisque Jérôme Kerviel était, du coup, passé pour une victime, voire pour un héros.
"À prononcer une condamnation fantaisiste, les juges prennent le risque de décrédibiliser leur institution, qui n'en a guère besoin. À cogner comme des sourds sur un lampiste, fût-il coupable, ils s'exposent au reproche de rendre une justice biaisée, protégeant les puissants et s'acharnant sur les faibles. Ce n'était pas facile de changer Kerviel en un hors-la-loi sympathique, ces juges y sont presque parvenus. En revanche, s'ils avaient souhaité blanchir la Générale, ils ont manqué leur but, lui attribuant une victoire qui ne sera d'aucun secours pour laver sa réputation", écrivait alors La Tribune.
A titre d'exemple, l'AFP relève que 4,9 milliards d'euros équivalent à 370.000 ans de Smic, vingt Airbus A380 ou aux deux tiers du budget annuel de la Justice

2/ Suivre le réquisitoire prononcé le 27 juin par l'avocat général

Lors de son réquisitoire le 27 juin dernier, l'avocat général Dominique Gaillardot n'avait énoncé aucune circonstance atténuante. A l'issue de trois heures de présentation, il avait requis cinq ans d'emprisonnement ferme à l'encontre de Jérôme Kerviel, ainsi que l'interdiction d'exercer toute activité en relation avec les salles de marché. Lors de l'enquête, l'ancien trader avait déjà effectué 38 jours de détention provisoire.
Une telle peine de prison est généralement assortie d'une incarcération immédiate, un "mandat de dépôt". Dans ce cas, si Me Koubbi décidait de se pourvoir en cassation, cela n'empêcherait donc pas l'emprisonnement.
Concernant les dommages et intérêts, citant un arrêt de la Cour de cassation de 2007, il avait laissé à l'appréciation de la Cour d'appel le soin de suivre la jurisprudence, laquelle pose le principe que lorsqu'un préjudice et son montant sont reconnus, la réparation est de l'ampleur de ce préjudice.
La Cour fera-t-elle évoluer la jurisprudence en effaçant l'ardoise de l'ancien trader ? Voilà qui pourrait être une décision gagnante pour l'image de la justice, de Société Générale et pour le porte-monnaie de Jérôme Kerviel. Sauf que, selon Didier Rebut, professeur de droit, le juge n'a pas le droit d'adapter le montant des dommages à la capacité du condamné à les payer.

3/ Relaxer Jérôme Kerviel

C'est ce qu'a plaidé Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, le 28 juin. Il avait conclu ainsi sa plaidoirie : "Je vous demande pour terminer, Mme le président, Madame Messieurs de la Cour, de faire en équité, de faire en droit, de faire en bon sens, de faire en vérité, la mission noble qui est la vôtre et de prononcer la relaxe pure et simple. Et si vous deviez le condamner, je souhaiterais que la Cour envisage de le condamner à une chose à laquelle Jérôme pourrait survivre".
 

>>>Pour aller plus loin : Le procès en appel de Jérôme Kerviel en 10 articles de La Tribune