Moody's persiste et signe : un quart des sociétés européennes sous LBO risque de faire défaut

Par Christine Lejoux  |   |  643  mots
Moody's estime que la problématique du mur de la dette LBO « reste largement non résolue pour les entreprises les plus petites et les plus fragiles. » Copyright Reuters
Les sociétés ayant fait l'objet d'un rachat avec l'effet de levier de l'endettement, dans les années 2006-2007, doivent rembourser 68 milliards d'euros d'ici à 2015, selon l'agence d'évaluation financière.

Moody's persiste et signe. L'agence d'évaluation financière continue d'estimer que « jusqu'à un quart » des sociétés européennes sous LBO (Leverage Buy-Out : acquisition par endettement) pourrait faire défaut, au cours des toutes prochaines années, selon une étude publiée le 2 juillet. L'an dernier, ce pronostic avait mis le petit monde du capital-investissement en ébullition, certains accusant l'agence de notation de donner dans le « sensationnalisme. »
Pourtant, de l'aveu même de Moody's, le « mur de la dette LBO » s'est réduit, les entreprises européennes ayant fait l'objet d'un rachat par effet de levier, dans les années 2005 à 2007, n'ont plus « que » 68 milliards d'euros de dette à rembourser d'ici à 2015. Un montant qui s'élevait à 133 milliards d'euros lors de la précédente étude de Moody's, publiée en mai 2012.

La problématique de la dette LBO n'est pas résolue pour les entreprises petites et fragiles

Si le mur de la dette LBO a ainsi perdu de l'épaisseur, c'est parce que nombre d'entreprises ont remboursé des emprunts arrivant à échéance en se refinançant sur le marché des obligations « high yield (à haut rendement), très prisées par les investisseurs, ces derniers mois. Mais, « comme on pouvait s'y attendre, ce sont les sociétés les plus importantes et les plus solvables qui ont procédé à ces émissions », nuance Moody's. Qui estime donc que la problématique du mur de la dette LBO « reste largement non résolue pour les entreprises plus petites et plus fragiles. » Résultat, « il demeure possible que jusqu'à un quart des 288 sociétés européennes sous LBO recensées dans notre étude fasse défaut », assène l'agence.

Saur est l'archétype des LBO réalisés dans les années 2006-2007

Le récent exemple de la Saur apporte de l'eau au moulin de Moody's. Mardi 2 juillet, le numéro trois français de l'eau, étranglé par près de deux milliards d'euros de dette, a échappé à la faillite, au prix d'un accord qui voit ses banques créancières prendre le contrôle de son capital. Saur est l'archétype des LBO réalisés dans les années 2006-2007, quand le crédit bancaire coulait à flots, ce qui permettait de réaliser de très forts effets de levier. Et quand les perspectives économiques étaient au beau fixe, ce qui laissait penser que les cash-flows de la société rachetée permettraient aisément de rembourser la dette d'acquisition. C'était compter sans la crise financière de 2008, et son corollaire, la crise économique, qui ont rendu caducs ces business plans optimistes.

La distribution est le secteur qui concentre le plus gros montant de dette LBO

En 2009, déjà, en pleine récession, certaines sociétés sous LBO s'étaient trouvées dans l'incapacité d'honorer leurs échéances. A l'époque, les banques avaient généralement consenti à un rééchelonnement des dettes, tablant sur une reprise de l'économie. Celle-ci ne s'étant pas matérialisée, le risque est grand que les sociétés qui reviennent aujourd'hui à la table des négociations soient plus fraichement accueillies qu'il y a quatre ans. Ainsi, le fabricant de tuiles Terreal, qui avait restructuré sa dette une première fois en 2009, mais qui croule encore sous 500 millions d'euros d'emprunts, risque de passe dans le giron de ses créanciers, au détriment de son actionnaire, le fonds LBO France.
C'est ce qui était arrivé à PAI, en 2009, avec le fabricant de matériaux pour toitures Monier. Qu'il s'agisse, dans les deux cas, de sociétés spécialisées dans la construction, n'est pas un hasard : ce secteur est l'un des plus sensibles aux aléas de la conjoncture économique. Tout comme la distribution qui, manque de chance, est le secteur qui concentre le plus gros montant de dette LBO, selon Moody's.