Le futur euro numérique devra servir pour tous les achats, envisage la BCE

Par latribune.fr  |   |  701  mots
Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE. (Crédits : REMO CASILLI)
Les 350 millions d'habitants de la zone euro vont-ils adopter en masse une nouvelle version numérique de l'euro dans les prochaines années ? Cela semble être l'objectif de la Banque centrale européenne qui a livré sa vision de cette monnaie numérique de banque centrale que des « intermédiaires supervisés » pourraient opérés. L'institution évoque une application grand public capable de « proposer des paiements sans contact ou des codes QR ».

La réflexion sur l'euro numérique progresse au sein de la Banque centrale européenne. Lancé fin 2019 pour proposer une alternative centralisée aux cryptomonnaies, face à la notoriété de certaines d'entre elles, le projet d'e-euro doit encore trouver son usage. Monnaie de gros pour les transactions de montants ? Monnaie de détail ? Monnaie programmable pour automatiser certains services financiers ? La BCE semble avoir finalement tranché : le futur euro numérique ne sera jamais une « monnaie programmable », limitée dans ses usages, a déclaré lundi un haut responsable de la Banque centrale européenne (BCE).

« Soyons clairs : l'euro numérique ne sera jamais une monnaie programmable », a souligné Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, devant la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen.

Cela équivaudrait sinon « à émettre un bon (...) et les banques centrales émettent de la monnaie, pas des bons », a-t-il martelé.

Autrement dit, la BCE ne veut pas imposer de restrictions à la façon dont cet euro numérique pourra être dépensé, qu'il s'agisse de la nature des achats, de leur lieu ou du moment de les effectuer.

Il s'agit en réalité d'un revirement sur l'une des pistes lancées. En 2020, l'institution annonçait en effet étudier la possibilité d'émettre pour les citoyens européens une monnaie programmable comme des « jetons » (token) ouvrant des droits financiers. La BCE vise donc désormais une adoption de masse présente dans le quotidien des citoyens.

La route est toutefois encore longue. Tandis que des Etats, la Chine en tête avec le e-yuan, ont déjà lancé une monnaie numérique de banque centrale (MNBC), le lancement effectif en Union européenne ne devrait pas avoir lieu avant 2025.

Les échanges opérés par des banques

Aussi, la BCE voudrait que l'euro numérique soit inclusif, c'est pourquoi elle travaille à une « nouvelle application numérique » simple à utiliser pour des paiements effectués en passant par des intermédiaires bancaires, a expliqué M. Panetta. Face à l'euro numérique, les crypto-actifs échangés via la blockchain promettent, eux, la décentralisation ou encore, comme le bitcoin, un nombre limité à 21 millions de jetons afin d'éviter les effets collatéraux de la planche à billets.

« Quel que soit l'endroit où vous voyagez dans la zone euro, l'euro numérique sera toujours reconnu » et « vous pourrez payer avec », a décrit Fabio Panetta.

Les premières versions de l'application « devraient proposer des paiements sans contact ou des codes QR », selon M. Panetta. Les supports pourront être des smartphones, cartes de paiement et autres montres intelligentes.

À mesure que la technologie évoluera, « d'autres formes de paiement pourraient devenir disponibles à l'avenir » en étant offertes par des « intermédiaires supervisés », a-t-il dit.

Des intermédiaires qui communiquent entre eux

Ces derniers seront « les mieux placés pour identifier les cas d'utilisation des paiements conditionnels et de tout autre service de paiement avancé » en pouvant également intégrer l'euro numérique dans leurs propres plateformes, a-t-il relevé.

Pour les Etat comme pour l'UE, il s'agit de garder le contrôle sur le pouvoir monétaire, un enjeu d'autant plus important face à la forte inflation qu'elle tente de maîtriser depuis la crise Covid. L'émergence d'une monnaie électronique de banque centrale permettrait aussi au niveau européen de « disposer d'un puissant levier d'affirmation de notre souveraineté face aux initiatives privées du type Libra » (le projet de Facebook finalement abandonné par la firme sous la pression des régulateurs NDLR), plaidait en 2020 dernier François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.

Les Etats-Unis souhaitent aussi conserver leur leadership monétaire mondial avec un projet de e-dollar, en lien avec la Réserve fédérale américaine.

De son côté, le Conseil des gouverneurs de la BCE décidera à l'automne de passer ou non à la phase pilote de réalisation de l'euro numérique. L'éventuelle décision de la BCE d'émettre ou non un euro numérique sera prise plus tard, une fois que le Parlement et le Conseil de l'UE auront adopté son cadre législatif.

(Avec AFP)

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