La finance recrute (toujours) à l'Elysée, Matignon et Bercy

Par Mathias Thépot  |   |  760  mots
Des conseillers économiques de François Hollande et Manuel Valls rejoignent le monde de la finance.
A un an de l'élection présidentielle, les conseillers de l'Elysée et de Matignon retrouvent des postes dans la finance. Preuve que les conflits d'intérêt ne se sont pas estompés sous la mandature de François Hollande, et malgré un rajeunissement des équipes de conseillers.

A un an des élections présidentielle et législatives, les conseillers ministériels et présidentiels veulent assurer leur avenir. Sachant qu'une alternance en 2017 est aujourd'hui fort probable, ils sont en pleine recherche de postes attractifs, dont les plus prisés sont les postes décisionnaires dans les institutions financières privées. Le Monsieur Economie de l'Elysée, Jean-Jacques Barberis, 35 ans, va ainsi intégrer d'ici peu la société de gestion d'actifs, Amundi, détenue à 80 % par le Crédit Agricole et 20 % par la Société générale, pour une rémunération annuelle d'environ 400.000 euros par an, selon les informations de la Lettre A. Un chiffre qui a par ailleurs été confirmé à La Tribune.

Craint et respecté par ses pairs, Jean-Jacques Barberis est aujourd'hui le symbole de cette nouvelle génération de conseillers surdiplômés. Plus attachés à leur perspective de carrière qu'à la défense d'une orientation politique, fans de la nouvelle économie des start-up dont ils reçoivent régulièrement les fondateurs à déjeuner, ils ne cachent pas leur appât du gain. La finance leur offre dans ce cadre les perspectives et les rémunérations auxquelles ils aspirent.

La valse des conseillers est en marche

Autre exemple révélateur des nombreuses passerelles érigées entre l'Elysée et les institutions financières, l'ancienne conseillère économique de François Hollande, Laurence Boone a été récemment nommée chez l'assureur Axa, après avoir auparavant déjà travaillé pour la Bank of America Merrill Lynch. Chez Axa, elle a rejoint une autre ancienne conseillère de François Hollande à l'Elysée, Sandrine Duchêne, entre temps passée au Trésor, à Bercy, en tant que directrice adjointe.

A Matignon aussi, la valse des conseillers est en marche. Sébastien Dessillons, ancien conseiller entreprises et affaires industrielles de Manuel Valls, vient d'intégrer la BNP Paribas en tant que « senior banker », un poste stratégique pour conseiller les PDG et les directeurs financiers des très grandes entreprises. Déjà en 2014, le conseiller au financement de l'économie de Jean-Marc Ayrault, Nicolas Namias, avait retrouvé une place au sein de la direction de Natixis, la banque de financement et d'investissement du groupe BPCE (Banques populaires-Caisses d'épargne), alors qu'il occupait déjà jusqu'à 2012 un poste dans ce même grand groupe bancaire.

Conflit d'intérêts

Les exemples de ce type sont nombreux. Et si on comprend bien l'intérêt des grandes entreprises, notamment financières, à recruter à l'Elysée, à Bercy ou à Matignon afin de s'assurer d'un lobbying efficace avec les instances politiques au pouvoir ; en revanche, que la puissance publique laisse prospérer ce phénomène de « revolving doors » où d'influents conseillers passent du public au privé interroge. Ces situations relèvent souvent du conflit d'intérêt. En effet, comment un conseiller ministériel peut-il objectivement agir pour l'intérêt général au risque de déplaire à son potentiel futur employeur privé ?

Pour limiter les dérives, une commission déontologie existe, du reste, depuis 1995. Elle tente notamment de déterminer si les activités privées que les hauts fonctionnaires envisagent d'exercer ne sont pas incompatibles avec leurs précédentes fonctions. Dont acte. Mais son utilité est de fait remise en cause par les faits récents. Les précédents concernant Xavier Musca et François Pérol, respectivement ancien secrétaire général et secrétaire général adjoint de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, et devenus ensuite, sans être inquiétés, numéro 2 du Crédit Agricole et numéro 1 du groupe BPCE, sont dans ce cadre édifiants.

Des conseillers pro-business

Certes, il semble indispensable que les gouvernants aient dans leurs équipes des techniciens capables de cerner les secteurs les plus complexes de l'économie, comme le secteur financier. C'est d'ailleurs cet argument qui est souvent mis en avant pour justifier la réussite du président américain Roosevelt en 1933 : entouré de conseillers économiques et juridiques proches des milieux d'affaires, il avait réussi à contrecarrer les pressions du milieu financier pour imposer son « Banking Act » de 1933 qui a instauré la séparation entre la banque de dépôt et la banque d'investissement qui sera effective jusque dans les années 1990.

Mais désormais, ces conseillers proches des milieux d'affaires, qui subsistent dans l'entourage des grands dirigeants, contribuent à l'inverse à tempérer les ambitions réformistes. Et même rajeunie sous François Hollande, la nouvelle génération de conseillers surfe sur cette vague.