Loi Macron : pourquoi ressusciter les Bourses régionales

Par Christine Lejoux  |   |  984  mots
Les besoins en capitaux propres des PME et des ETI françaises sont estimés à 11 milliards d'euros par an par l'Afic.
Après Euroglass l'an dernier, Place d’Echange - la Bourse lyonnaise dédiée aux PME créée en juillet 2014 - devrait accueillir trois ou quatre autres sociétés dans les prochaines semaines. Le modèle de Place d’Echange pourrait bien préfigurer celui des nouvelles Bourses régionales, que le gouvernement projette de créer dans le sillage du vote de la loi Macron.

Euroglass ne sera bientôt plus seul. Ce fabricant isérois de surfaceuses - des machines qui lissent la glace des patinoires - avait levé l'an dernier 800.000 euros sur Place d'Echange, devenant ainsi le premier "client" de cette nouvelle Bourse régionale dédiée aux PME, créée en juillet 2014 à l'initiative de la CCI (Chambre de Commerce et d'Industrie) de Lyon. "Trois ou quatre autres sociétés devraient être cotées d'ici un mois et demi", indique Philippe Dardier, président d'Alternativa, l'opérateur boursier de Place d'Echange. Le modèle de cette dernière pourrait bien préfigurer celui des nouvelles Bourses régionales, que le gouvernement projette de créer. Pour mémoire, dans la nuit du 16 au 17 janvier, la commission spéciale chargée d'examiner à l'Assemblée nationale le projet de loi Macron avait adopté un amendement du député (UDI) des Hauts-de-Seine, Jean-Christophe Fromantin, visant à "relancer les bourses régionales", sous l'égide de l'Agence France Locale, de la Caisse des dépôts et de Bpifrance.

Une fois la loi Macron sur la croissance et l'activité adoptée, vraisemblablement cet été, le gouvernement disposera alors de trois mois pour remettre au Parlement un rapport sur la création de Bourses dans chacune des 13 futures régions françaises. En fait de création, il s'agira plutôt d'un retour car, jusqu'au début des années 1990, la France comptait six Bourses régionales, en plus de celle de Paris. A savoir les places de Lyon, Nantes, Marseille, Lille, Bordeaux et Nancy, toutes sacrifiées en janvier 1991 sur l'autel de la mondialisation des marchés financiers.

Les besoins en fonds propres des PME et des ETI estimés à 11 milliards d'euros par an

Pourquoi revenir en arrière, 25 ans plus tard ? "Cela répondrait à un besoin de plus en plus sensible de fonds propres des PME et des ETI, qui n'ont quasiment pas accès aux marchés de capitaux", expliquait en début d'année Jean-Christophe Fromantin, dans un communiqué. De fait, l'Afic (Association des investisseurs pour la croissance) évalue les besoins en fonds propres des PME et des ETI françaises à 11 milliards d'euros par an, et Paris Europlace estime qu'ils pourraient atteindre 20 milliards d'ici à 2020. Des besoins que le capital-investissement hexagonal n'est plus en mesure de satisfaire dans leur intégralité, depuis la crise financière de 2008, lui qui n'a investi dans les PME et les ETI "que" 6,5 milliards d'euros en 2013 (dernières données disponibles).

Certes, le crowdfunding monte en puissance, mais il ne pesait encore que 152 millions d'euros l'an dernier, en France. "Le crowdfunding est très bien pour les start-up, il correspond en revanche moins aux besoins de PME en développement", estime Philippe Dardier. Pour Jean-Christophe Fromantin, il n'y a donc pas 36 solutions, il faut trouver le moyen de mettre davantage l'épargne régionale au service des PME et des ETI locales, doter ces dernières de circuits courts de financement, comme en Allemagne.

Des coûts de cotation qui peuvent s'avérer prohibitifs pour certaines PME

D'où l'idée du député de recréer des Bourses régionales, sous une forme que le rapport qui sera remis au Parlement dans les trois mois suivant le vote de la loi Macron devra déterminer. La Bourse lyonnaise Place d'Echange constitue une piste, Kiosk to Invest, lancée il y a un an par la CCI de Caen et qui a également Alternativa comme opérateur boursier, en est une autre. Alternativa qui est d'ailleurs déjà "en discussion avec d'autres régions", précise Philippe Dardier. C'est dire si cette dernière estime être un candidat naturel au poste d'opérateur des futures Bourses régionales que le gouvernement portera sur les fonts baptismaux. Certes, Euronext, le gestionnaire de la Bourse de Paris, est lui aussi un prétendant naturel à cette fonction.

Mais le modèle low-cost d'Alternativa, une plateforme 100% numérique, présente l'avantage d'alléger des procédures et des coûts de cotation qui peuvent s'avérer prohibitifs pour nombre de PME. "Je vois cette volonté de relancer les Bourses régionales comme quelque chose de positif car la Bourse fait partie du financement des entreprises de taille moyenne. Mais aller sur le marché coûte cher et est très contraignant, ce n'est pas fait pour toutes les entreprises", avait ainsi mis en garde Bertrand Rambaud, président de la société de capital-investissement Siparex, le 3 février, lors d'une conférence de presse.

Les investisseurs particuliers ne détiennent plus que 10% de la cote, en France

La Bourse n'est sans doute pas faite non plus pour toutes les régions. "Je doute que toutes puissent avoir leur Bourse. Cela nécessite un tissu économique profond, des expertises bien spécifiques et un historique, comme c'est le cas à Lyon, Nantes, Marseille, Bordeaux, Lille et Nancy, les anciennes bourses régionales, qui ne devraient pas avoir de mal à retrouver leurs réflexes. Un marché ne s'improvise pas, il y a notamment un temps d'éducation des chefs d'entreprise régionaux à la Bourse", prévient Philippe Dardier.

Plus largement, cette relance des Bourses régionales ne relève-t-elle pas du vœu pieux, compte tenu de l'aversion des Français pour l'investissement en actions ? "Il y a 20 ans, les investisseurs particuliers détenaient 25% de la cote, en France. Ce chiffre n'est plus que de 10% aujourd'hui", reconnaît Philippe Dardier. Et si les investisseurs particuliers ont pris la poudre d'escampette, c'est notamment en raison de déconvenues liées au fait que "certaines sociétés qui étaient en Bourse n'y avaient pas leur place", selon Bertrand Rambaud, soulignant combien la sélectivité devra être l'un des maîtres-mots du projet de relance des Bourses régionales. Des Bourses régionales qui, il est vrai, répondraient au besoin grandissant qu'ont les épargnants de savoir ce que leurs économies financent exactement.