Plus d'épargne pour l'économie sociale et solidaire ?

Par Mathias Thépot  |   |  727  mots
La possibilité de souscrire des LDD solidaire devrait participer à développer le secteur de l'économie sociale et solidaire.
L'épargne des ménages devrait être davantage dirigée vers le financement des entreprises sociales et solidaires, à en croire le projet de loi Sapin 2, présenté ce matin à Bercy. Le ministre des Finances compte concrètement sur les banques pour proposer à leurs clients des livrets de développement durable (LDD) dont une part des encours sera dédiée au financement des entreprises sociales et solidaires.

François Hollande l'avait annoncé en janvier : une partie de l'épargne des ménages sera redirigée vers le secteur de l'économie sociale et solidaire. Cette promesse a été intégrée dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, présenté ce matin par le ministre des Finances Michel Sapin. Concrètement, il prévoit de consacrer une part des encours du livret de développement durable (LDD), le frère jumeau du livret A, aux entreprises de l'économie sociale et solidaire. « Les banques proposeront annuellement à leurs clients détenteurs d'un LDD d'en affecter une partie au financement d'une personne morale relevant de l'économie sociale et solidaire comme par exemple une association ou une entreprise de l'ESS », est-il indiqué ainsi dans le projet de loi Sapin 2.

Une proposition de longue date

Cette proposition répond à une vieille demande du secteur de l'ESS portée par Finansol, un organisme qui labellise les produits d'épargne solidaire, et qui milite depuis plusieurs années pour la création d'un « livret de développement durable et solidaire (LDDS) ». En effet le secteur de l'économie sociale et solidaire, dont les entreprises représentent 10 % du PIB français et 12,7 % de l'emploi, cherche depuis plusieurs années à prendre une autre dimension. Pour ce faire, cette économie réputée plus robuste en période de crise, car plus éthique sur le long terme, milite pour qu'on lui attribue plus de moyens, dont les dépôts bancaires font partie.

Encore loin d'atteindre les objectifs

Ainsi au sens de Finansol, l'encours global d'épargne solidaire atteint 6,84 milliards d'euros et permet de financer pour 1,12 milliard d'euros les structures de l'économie sociale et solidaire. Un niveau satisfaisant qui reste pourtant très éloigné des objectifs que s'est fixé le secteur : représenter 1 % de l'épargne financière des français. Or le patrimoine financier brut des ménages atteint près de 4.400 milliards, selon la Banque de Banque... Bénéficier d'une partie des 100,8 milliards d'euros d'encours du LDD serait donc un pas significatif dans la quête d'un secteur qui peine tout de même à convaincre les grands financiers.

Difficile de rediriger l'assurance vie

Les assureurs-vie français notamment, qui gèrent un pactole de 1.650 milliards d'euros d'encours, rechignent à ouvrir leurs portes aux acteurs de l'ESS. Un seul fonds d'assurance vie solidaire a jusqu'ici été labellisé par Finansol, celui de la filiale du Crédit Agricole, Predica, qui a lancé en mai 2013 une assurance-vie dont 5 % de l'actif géré est investi en titres solidaires.

En parallèle, le secteur de l'ESS subit certaines lenteurs administratives : en 2014, il a en effet été créé un contrat d'assurance « vie génération » qui prévoit une part d'investissement ou dans les PME-ETI ou dans le logement social ou dans l'économie sociale et solidaire. Mais le décret définissant les actifs ESS pouvant être introduits dans ces contrats ne sont toujours pas définis. Autrement dit, tant que le décret n'est pas publié, aucun actif ESS ne peut être introduit dans ces contrats.

Redoubler d'efforts pour démocratiser le secteur

Bref, les acteurs de la finance solidaire doivent redoubler d'effort pour démocratiser le secteur de l'ESS auprès des épargnants. L'ouverture des encours de LDD au secteur sera dans ce cadre salvatrice, même si le projet de loi reste encore imprécis. La directrice de Finansol, Sophie des Mazery, s'interroge ainsi sur la forme que prendront les « LDDS » qui seront proposés par les banquiers aux épargnants : seront-ce des livrets de partage, où une part des intérêts (au moins 25 % pour être labellisé Finansol) est délivrée sous forme de don à des structures d'intérêt général, ou bien des livrets d'investissement solidaire où une partie des encours sont ciblés sous forme de financements vers des entreprises solidaires ?

Par ailleurs, si l'on en croit les maigres précisions données par Bercy, la mesure législative devrait concerner les stocks de LDD et non les flux. Une condition primordiale, car le LDD est en situation de décollecte depuis que son taux d'intérêt a été réduit - il s'établit aujourd'hui à 0,75 % - de 1,72 milliard d'euros en 2015, et de 440 millions d'euros depuis le début de l'année 2016.