Voitures électriques : Ghosn incrimine le retard au manque d'infrastructures

Par Alain-Gabriel Verdevoye, à Tokyo  |   |  908  mots
Carlos Ghosn, Pdg de Nissan / Reuters
Le PDG de Renault et Nissan reconnaît que le marché de la voiture « zéro émission » se développera avec plusieurs années de retard. La faute aux gouvernements qui n’investissent pas dans les bornes de recharge…

« La Nissan Leaf est la voiture électrique la plus vendue au monde, et ce n'est que le début », affirmait ce mercredi Carlos Ghosn, le PDG du constructeur automobile japonais et de Renault, lors de l'ouverture du salon de Tokyo aux professionnels.

Seulement, voilà : cette berline compacte ne s'est pas vendue aussi bien qu'escompté, loin de là. 87.000 exemplaires seulement ont trouvé preneur dans le monde depuis son lancement fin 2010. Carlos Ghosn déchante.

Manque d'infrastructures

« Le problème numéro un, c'est le manque d'infrastructures », souligne Carlos Ghosn, ajoutant d'ailleurs qu' « il faudra que les gouvernements fassent (un jour) ces investissements. Car, pour baisser les émissions de CO2, il n'y a pas d'autre choix que le passage au véhicule électrique ».

En attendant, si les ventes d'électriques ne décollent pas, les coupables sont clairement désignés : il s'agit des gouvernements.

« Sans infrastructures, on n'ira pas au-delà d'un certain volume pour les véhicules électriques », a-t-il indiqué, reconnaissant que l'objectif fixé par l'Alliance Renault-Nissan de vendre 1,5 million de voitures électriques avant la fin de 2016 ne serait atteint que « deux ou trois ans » plus tard.

Dans un récent entretien avec le Financial Times, Carlos Ghosn avait évoqué carrément « quatre ou cinq ans » de retard.

Le PDG donne en exemple le plan du gouvernement norvégien, qui a installé de nombreuses bornes. Mais, il oublie de dire que la Norvège est un petit pays très riche grâce à la manne pétrolière… Difficile donc de donner cet exemple aux autres Etats, qui se débattent pour la plupart dans les affres des dettes publiques. Le PDG a mis en avant également la volonté du gouvernement chinois de promouvoir la voiture « zéro émission ». Mais il doit reconnaître que Pékin « attend que les constructeurs locaux soient prêts ».

Ce n'est donc pas pour tout de suite. La voiture électrique a l'avantage de ne pas rejeter de CO2 et de ne pas émettre de polluants. C'est en outre une technologie fiable. Mais les voitures électriques butent sur une autonomie réduite (120 à 140 kilomètres selon la conduite et le climat) et la nécessité de recharger pendant 8 à 10 heures sur une borne… Un handicap très grave vu, justement, la faiblesse des infrastructures.

4 milliards investis par l'Alliance

L'alliance franco-japonaise a investi la bagatelle de 4 milliards d'euros dans les technologies pour la voiture « zéro émission ». Mais, au-delà la Nissan Leaf, le véhicule électrique le plus vendu chez Renault est l'utilitaire Kangoo « Z.E. » produit à Maubeuge, lequel n'a été vendu pour sa part qu'à moins de 12.000 unités de la fin 2011 à ce jour. Bof. La citadine Zoé, fabriquée à Flins, n'a, elle, été écoulée qu'à 7.600 exemplaires. Pas beaucoup.

Carlos Ghosn assure néanmoins que « l'électrique reste un pilier du développement de Nissan ». La firme japonaise, contrôlée par Renault, y croit toujours, puisqu'elle a dévoilé au salon de Tokyo un concept de véhicule électrique sportif, le Blade Glider.

« Ce concept fournit un aperçu du programme électrique de Nissan et de son potentiel », assure le PDG qui affirme « ne pas regretter les choix d'investissements ».


Le concept car de véhicule électrique BladeGlider de Nissan / DR

0,5% du marché en France

La voiture électrique a l'avantage de ne pas rejeter de CO2 et de ne pas émettre de polluants. C'est en outre une technologie fiable. Mais les voitures électriques butent sur une autonomie réduite (120 à 140 kilomètres selon la conduite et le climat) et la nécessité de recharger pendant 8 à 10 heures sur une borne… Un handicap très grave vu, justement, la faiblesse des infrastructures.

Sur l'année 2013, les ventes totales de véhicules électriques en Europe occidentale sont prévues à 32.000 unités à peine par l'Avere (Association nationale pour le développement de la mobilité électrique). 18.939 véhicules ont été immatriculés sur les sept premiers mois. La France est le premier débouché européen. Mais les modèles « zéro émission » s'arrogent 0,5% du marché total…

Pas d'hydrogène pour Nissan

En revanche, Carlos Ghosn ne croit pas aux véhicules à hydrogène, qui sont à l'honneur chez Toyota. « Nous avons la technologie », précise-t-il.

Mais « je suis très curieux de voir comment vont faire les concurrents qui promettent une vente à grande échelle de véhicules à pile à combustible dès 2015. Où sont les infrastructures ? », s'est-il interrogé lors d'une conférence de presse.

« Quand on voit la lenteur de la mise en place d'infrastructures pour l'électrique, on peut imaginer ce que ce sera pour l'hydrogène. Une station d'hydrogène coûte très cher, beaucoup plus qu'une installation de recharge pour véhicules électriques ». Du coup, « Nissan a reporté ses projets pour les modèles à pile à combustible ».

Toyota mise sur la pile à combustible

Toyota a présenté un concept de voiture de ce type, le FCV, roulant à l'hydrogène, qu'il compte mettre sur le marché au milieu de la décennie.

« Cette technologie est supérieure à l'électrique », assure de son côté Yoshikazu Tanaka, chef adjoint du projet, qui travaille ici avec l'allemand BMW.

« Vous rechargez le réservoir en trois minutes et disposez d'une autonomie allant jusqu'à 700 kilomètres. L'hydrogène existe à l'état naturel et le véhicule ne rejette que de l'eau », indique-t-il.

Toyota espère vendre chaque année des dizaines de milliers de voitures de ce type dans la prochaine décennie. Le prix reste très élevé encore. Il avoisinerait les 75.000 euros.