Des Rafale en rafales

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  766  mots
C'est un marché potentiel de 244 appareils qui se retrouve dans le viseur du groupe Dassault - Photo Reuters. (Crédits : <small>DR</small>)
Après des années de déboires à l'export, l'avion de chasse de Dassault est désormais en position favorable en Inde, au Brésil, aux Emirats arabes unis, voire en Suisse. Soit un marché de 240 appareils dans le viseur, un volume supérieur aux 180 commandés fermes par la France, son unique client.

Un coup victime de la puissance diplomatique américaine (le fameux  « le bambou penche toujours du côté de celui qui pousse le plus fort » de la direction de Dassault pour expliquer la défaite de la campagne singapourienne en 2005 face à Boeing); un coup victime de la parité euro-dollar qui lui fait perdre de la compétitivité; un coup victime d'un superbe manque de coordination avec les autorités françaises (la perte du contrat marocain en 2007)... Après des années de déconvenues, 2012 est bien parti pour être enfin l'année du Rafale à l'export. L'appareil se retrouve en effet en position favorable en Inde, au Brésil selon l'agence Reuters, mais aussi aux Emirats arabes unis selon nos informations et peut être en Suisse depuis la révélation ce week-end d'un rapport indiquant que le Gripen de Saab, choisi en novembre 2011 par les autorités suisses, avait échoué aux tests des Forces armées helvétiques, contrairement au Rafale, son concurrent dans cette campagne avec l'Eurofighter.

Le conflit libyen a confirmé la qualité de l'avion

Autrement dit, c'est un marché de 240 appareils qui se retrouve dans le viseur du groupe français (126 en Inde, 36 au Brésil, 60 aux Emirats, 18 en Suisse) d'une valeur estimée à une vingtaine de millards d'euros. Et donc davantage que les 180 appareils commandés de façon ferme par le ministère français de la Défense jusqu'ici l'unique client de cet avion. Un scénario inimaginable il y a encore trois mois quand le Rafale continuait sa longue série de déconvenues. En négociations exclusives avec Dassault Aviation, les Emirats décidaient mi-novembre de relancer l'Eurofighter d'EADS, BAE Systems et Finmeccanica dans la course. Dans la foulée, la Suisse lui préférait le Gripen de Saab. Mais c'est visiblement les performances de l'appareil dans le conflit libyen qui a convaincu l'Inde d'entrer en négociations exclusives avec le groupe français, une décision qui par ricochet semble avoir convaincu Brasilia.

Transferts de technologies

Un éventuel succès en rafale du chasseur français se traduirait par des transferts importants de technologie, en particulier dans les deux gros pays émergents. « Nous sommes confiants parce que nous pensons que l'offre française et la meilleure possible avec un transfert de technologies sans équivalent », expliquait mi-décembre le premier ministre, François Fillon, en déplacement au Brésil. Composé de Dassault, du motoriste Snecma et du groupe d'électronique Thales, le consortium Rafale International avait même précisé que la France était « le seul concurrent » à offrir au Brésil « un transfert de technologies sans restriction pour le gouvernement brésilien et les entreprises et organisations locales ». Le Rafale est en compétition avec le F-18 Super Homet de Boeing et le Gripen de Saab.

108 appreils assemblés en Inde

En Inde, si les 18 premiers exemplaires seront livrés à l'Inde d'ici à mi-2015, les 108 autres appareils seront assemblés localement. « Il ne faut pas confondre assemblage et production, explique un expert à La Tribune. La production va rester en grande partie en France. Le "radar antenne active" par exemple, que Dassault a mis 10 années à réaliser est impossible à produire par les Indiens ou les Brésiliens ». Et un industriel français du consortium Rafale d'ajouter : « C'est la technologie d'aujourd'hui qui sera transférée, pas celle de demain qui restera dans les bureaux d'études français ». D'ailleurs, en cas de succès à l'export, une partie des livraisons d'avions réservés aux Forces françaises (11 par an jusqu'à 2018) sera réservée à ces marchés étrangers. Une hausse des cadences pourrait être également une solution.

Au Brésil, la négociation prendra du temps

Pour autant, la prudence reste de mise. Dassault en a déjà fait la triste expérience. Le contrat indien ne sera signé définitivement que dans les neuf prochains mois et beaucoup de rebondissements peuvent encore intervenir d'ici là. Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a d'ailleurs estimé la probabilité d'une issue favorable à 80%. Soit une chance sur cinq d'échouer. Pour rappel, en 2007, l'Inde avait ainsi annulé un appel d'offres de 600 millions de dollars (pour 197 appareils militaires) raflé par Eurocopter, filiale d'EADS, aux dépens de l'américain Bell. Au Brésil, on est encore loin de la signature. Ainsi l'annonce de la décision de la présidente Dilma Rousseff d'entrer en négociations exclusives avec Dassault se ferait quoiqu'il arrive après l'élection présidentielle française, afin de ne pas laisser cette question être détournée à des fins politiques dans l'Hexagone.