Défense : ce que cache le discours de François Hollande

Par Michel Cabirol  |   |  919  mots
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Le candidat socialiste a prononcé dimanche un discours sur le thème de la défense, un thème jusqu'ici très peu entendu. "latribune.fr" propose une analyse de la stratégie de François Hollande dans ce domaine.

En matière de défense, le candidat socialiste, François Hollande, a une conception relativement classique. Avec toutefois quelques nuances qui tranchent avec ce qui s'est fait lors du dernier quinquennat. Mais elles mériteront d'être précisées, puis confirmées à l'épreuve des réalités économiques, des contraintes opérationnelles et surtout de la volonté de nos partenaires européens de s'engager vers une Europe de la Défense, jusqu'ici très peu goûtée. François Hollande souhaite dans ce cadre que « soit entreprise au plutôt la rédaction d'un nouveau Livre blanc de la défense ».

Quels moyens pour la défense ?

Contraint de faire des économies s'il accède au pouvoir, François Hollande, tout comme d'ailleurs Nicolas Sarkozy, sera obligé de faire des arbitrages dans le domaine de la défense. « Tout l'édredon ne rentrera pas dans la valise », aurait-il pu dire selon l'expression consacrée des budgétaires quand ils évoquent les ambitions des budgets de la défense et les contraintes économiques. Mais entre « garder un niveau crédible de l'effort de défense » et faire des économies, le chemin est difficile d'autant que « le contexte international n'autorise aucune faiblesse », comme le rappelle François Hollande, qui n'entend pas faire de la défense « une variable d'ajustement ». Résultat, le ministère de la Défense, qui a déjà (trop ?) contribué aux politiques de rigueur de l' Etat avec notamment 54.000 militaires en moins, devra encore consentir des efforts supplémentaires « dans les mêmes proportions que les autres missions de l'Etat ».

Décryptage : François Hollande vise le chemin compliqué d'une adaptation des moyens par rapport aux ambitions qui devront être forcément revues à la baisse. Le tout en conservant un niveau crédible d'effort pour le pays. Mais la situation internationale - Iran, course à l'armement en Asie-Pacifique, Proche-orient - ne lui facilite pas la tâche.

Le nucléaire, l'assurance-vie de la Nation ?
Ceux qui s'imaginaient que le candidat socialiste ferait une impasse sur la dissuasion nucléaire en sont pour leurs frais. Elle « est indissociable de notre sécurité et de notre statut international. Elle est, selon la formule trop souvent employée mais juste, l'assurance-vie de notre pays, notamment face à une menace de la prolifération ». Car selon lui « dissuasion, siège permanent au Conseil de sécurité et capacité crédible de nous engager dans les crises : voilà l'articulation qui nous permet de parler fort et d'exprimer notre point de vue dans le concert des nations ». Du coup, François Hollande, président, n'abandonnera aucune de « nos prérogatives » dans ce domaine et conservera « les deux composantes, aérienne et sous-marine" de la force de dissuasion.

Décryptage : C'est l'héritage de François Mitterrand qui pèse dans les propos de François Hollande. En clair, il sera, à l'image de l'ancien président, le gardien de la paix et de la sécurité et le garant des intérêts du pays.

Quelle ambition pour l'industrie de défense ?
« Je veux une industrie de défense forte, cohérente, contrôlée », a martelé François Hollande, qui souhaite « construire une politique industrielle de défense » dans un cadre européen. Très clairement, il fait référence aux réalisations du gouvernement Jospin avec la création d'EADS (qui n'a pas été un modèle de réussite dans la gouvernance), la transformation de DCN - devenu DCNS - et les apports en capital à Giat -devenu Nexter. Il n'entend donc pas « déléguer à quiconque cette responsabilité de tracer l'avenir des grands groupes industriels de défense, et certainement pas à des intérêts privés ou financiers à qui le gouvernement s'est trop souvent plié ».

Décryptage : Dans le viseur du candidat socialiste se trouve la maison Dassault, à qui Nicolas Sarkozy a confié Thales, censé devenir le pivot de la consolidation de DCNS et de Nexter. Selon son entourage, les deux décisions prises, à savoir le contrôle de Thales par Dassault Aviation, puis l'entrée de Thales dans DCNS soulèvent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent car elles ne répondent pas à des logiques industrielles pérennes. Ces décisions relèvent plus d'une approche financière et patrimoniale qu'industrielle, selon ses proches.

Quelle stratégie pour la défense ?
L'Europe. Résolument tourné vers l'Europe. « Il nous faut reprendre les travaux laissés en plan sur le concept stratégique de l'Union européenne, en envisageant de les prolonger par un inventaire des capacités et des technologies indispensables à la défense et à la sécurité future l'Europe », explique François Hollande. Trois axes : poursuivre les relations bilatérales avec la Grande-Bretagne, « revivifier » la coopération franco-allemande et favoriser les convergences avec tous les partenaires européens. « Je pense aux Belges, aux Espagnols, aux Italiens, aux Polonais qui sont, ils me l'ont demandé, demandeurs ».

Décryptage : L'Europe est aussi le moyen (voire le seul) de faire des économies grâce à la mutualisation des appareils militaires des pays de l'UE, à la programmation collective des équipements futurs, à la spécialisation des tâches, au renforcement des capacités communes et des rapprochements d'entreprises. Mais pour mutualiser et rapprocher, il faudra trouver des programmes nouveaux afin de fédérer les industriels. Mais on sait que les programmes en coopération, à l'image de l'avion de transport militaire A400M,  sont souvent très onéreux en raison d'un découpage industriel jamais très rationnel.