Quel avenir pour le Superjet 100 de Sukhoi après le crash en Indonésie ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  749  mots
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Ce programme d'avion régional, dans lequel sont impliqués plusieurs industriels français, symbole du renouveau russe dans l'aéronautique, a pris un coup très dur après l'accident mortel le 9 mai, dont les causes sont inconnues. Son avenir est lié à l'enquête. S'il s'agit d'un problème technique, il ne percera pas sur les marchés occidentaux comme Sukhoi l'ambitionnait.

Le Superjet 100 de Sukhoi devait redonner ses lettres de noblesse à l'aéronautique russe. Il devait faire oublier la mauvaise image des avions russes construits pendant l'ère soviétique et même défier sur les marchés internationaux le canadien Bombardier et le brésilien Embraer sur le créneau des avions régionaux de 75 à 100 sièges. Mercredi 9 mai, le crash pour des raisons encore inconnues d'un Superjet 100 lors d'un vol de démonstration au sud de Djakarta en Indonésie assombrit l'avenir du programme.

Safran, Thales, Zodiac... partie prenante du programme

Le coup est rude pour Sukhoi et par ricochet pour l'italien Finmeccanica et les Français Safran, Thales, Zodiac.., ces industriels occidentaux appelés en masse sur le programme pour apporter leur savoir-faire et donner du crédit à cet avion pour le vendre à des compagnies occidentales. Ces dernières (Air France, SAS par exemple avaient fait partie du groupe des compagnies consultées par l'avionneur pendant toute la conception), attendaient un solide retour d'expérience commercial avant de passer éventuellement commande.

La Russie ouvre une enquête

Aujourd'hui, alors même qu'il avait du mal à décoller commercialement, l'avenir du programme est suspendu à la cause de cet accident, qui a entraîné la mort d'une cinquantaine personnes, dont un Français. "L'impact sur le programme est directement lié à la cause", explique à "latribune.fr" un membre d'un industriel impliqué dans le Superjet 100. "S'il s'agit d'une erreur de pilotage, cela n'impactera le programme qu'à la marge. S'il s'agit au contraire d'un problème d'instrument, cet avion ne se vendra pas à l'étranger et restera un avion russe", estime t-il. Et encore, même si l'avion était dédouané de toute responsabilité, se posera inévitablement la question de la transparence de l'enquête. La Russie qui, comme la Chine, a clamé haut et fort sa volonté de devenir une grande puissance aéronautique mondiale, n'a-t-elle pas intérêt à protéger Sukhoi ? L'épave a été retrouvée jeudi soir dans la jungle. 12 corps ont été retrouvés.

Sans l'accident, l'avion était fragilisé par Bombardier et Mitsubishi

Même avant l'accident, le programme était pénalisé par une multiplication des retards. Lancé en 2001, il n'a reçu sa certification russe que dix ans plus tard. Seuls quelques exemplaires sur les 170 commandés ont été livrés à Armavia, une compagnie arménienne. Résultat : cet appareil, qui apportait un gain de technologies il y a quelques années est, aujourd'hui menacé par le C-Series de Bombardier et le MRJ de Mitsubischi, deux appareils régionaux dotés des toutes dernières technologies, prévus en 2014.

"L'avenir du Superjet dépendra du calendrier de Bombardier et de Mitsubishi. S'ils sont dans les temps, le Superjet aura du mal à se vendre ailleurs que dans les pays amis de la Russie", assure un connaisseur du secteur. Jusqu'ici, l'avionneur, qui a reçu 170 commandes pour cet appareil, tablait sur 1.000 ventes de son Superjet 100, dont une grande partie à l'étranger.

Le coup est rude pour Finmeccanica, acteur majeur du Superjet 100

Dur à avaler pour Alenia, la filiale de Finmeccania, qui a pris 25 % de la division civile de Sukhoi et est responsable de l'avion sur les marchés occidentaux. . L'italien voit ainsi sa stratégie pour répondre à la demande d'avions régionaux menacée (Finmeccanica est également présent dans ATR). Safran, dont Snecma (notamment) construit les moteurs du Superjet 100 en partenariat avec un motoriste russe, est également exposé. Mais dans des proportions moindres. "Il n'y a pas de risque de mauvaise surprise car les coûts de développement ont été passés en charges au cours des exercices précédents. En revanche, il y a une menace du coup sur les flux futurs de cash", explique à "latribune.fr" un analyste. Et un industriel d'ajouter : "Bien sûr que c'est un coup dur mais ce programme a permis à Snecma d'être l'artisan d'un moteur civil qui lui permet aujourd'hui de développer un moteur pour l'aviation d'affaires".

Le MS21 impacté ?

Enfin, sans préjuger des causes, l'accident du Sukhoi, peut-il menacer par ricochet le projet russe MS21, un avion moyen-courrier de 170 sièges prévu à l'horizon 2016-2017 ? Son actionnaire est le même que celui de Sukhoi : Irkut . Mais pour un analyste, les points communs s'arrêtent là. "A la base, ils n'ont pas les mêmes bureaux d'études. S'il devait y avoir un problème sur le Superjet 100, Irkut pourra rappeler que le design de l'avion est différent", assure t-il.