Eurosatory : un dernier salon avant les soldes dans l'armement terrestre ?

Par Michel Cabirol  |   |  887  mots
Le PDG de Nexter, Philippe Burtin Copyright Reuters
Le salon de l'armement terrestre Eurosatory, qui ouvre ses portes ce lundi, ne sera pas le théâtre du big bang de la restructuration des constructeurs de blindés. Aucun des industriels concernés se semble près d'une annonce. Mais cette industrie reste à vendre...

Le salon Eurosatory 2012 arrive trop tôt pour le nouveau gouvernement. Ce n'est pas encore le moment pour le ministre de la Défense de dévoiler ses décisions en matière budgétaire et industrielle. Et ce d'autant plus que Jean-Yves Le Drian, qui a dû s'envoler vers l'Afghanistan où quatre soldats français sont morts au combat, n'inaugurera pas ce lundi le premier salon mondial de l'armement terrestre. Il est remplacé par le ministre délégué, chargé des Anciens combattants, Kader Arif, qui prononcera une déclaration beaucoup plus neutre que ce que devait être celle de Jean-Yves Le Drian.

Son discours sur la méthode et les grandes orientations en matière de restructurations industrielles attendra donc. Notamment le dossier du drone MALE (Moyenne altitude, Longue endurance), sur lequel il a souhaité une remise à plat (latribune.fr du 30 mai). De son côté, Dassault Aviation, à qui le précédent ministre avait attribué le contrat portant sur la francisation d'une plateforme israélienne Héron TP, dira tout le bien de ce programme lors d'une rencontre avec quelques journalistes triés sur le volet.

Un rapprochement entre Renault et Panhard annoncé fin juin ? 

Du coup, "business as usual" devrait être le maître mot d'Eurosatory. Et encore... Le rapprochement entre les deux constructeurs de blindés légers Panhard et Renault Truck Défense (groupe Volvo) attendra lui aussi, selon des sources concordantes. "Ce n'est pas encore annonçable", confirme à "latribune.fr" le PDG de Panhard, Christian Mons, par ailleurs président du Groupement des industries françaises de défense terrestre (Gicat), qui organise le salon Eurosatory. Les discussions progressent bien, selon les deux groupes, et pourraient aboutir "dans les prochaines semaines", explique-t-on à "latribune.fr".

"D'ici à la fin du mois, sinon cela pourrait ne jamais aboutir", assure une source proche du dossier. La piste privilégiée est un rachat pur et simple de Panhard par la filiale de Volvo (RTD). Ce qui donnerait naissance à un groupe réalisant un chiffre d'affaires d'un peu plus de 400 millions d'euros. Et le placerait toujours derrière Nexter (851 millions d'euros). Mais il existerait néanmoins "des débats en interne chez Volvo" sur ce dossier, précise une source industrielle à "latribune.fr".

Nexter, une "taille sous critique"

Et Nexter, qui a longtemps été sous perfusion aussi bien sur le plan financier qu'industriel (latribune.fr du 5 juin) ? C'est au nouveau gouvernement de valider ou non - l'Etat a 100 % du capital de l'ex-Giat Industries - le schéma industriel lancé par l'ancien ministre de la Défense : un adossement de Nexter à Thales, qui prendrait une participation de 10 % à 20 % du groupe public en contrepartie de la vente de sa filiale munitionnaire TDA (environ 100 millions de chiffre d'affaires). En tout cas, chez l'électronicien, on ne semble plus aussi pressé, même si on estime que l'opération reste "intelligente" entre Nexter et TDA. "On regarde comment rapprocher TDA de Nexter mais on est très, très loin des due diligence, explique-t-on chez Thales. En plus, ils ont tout à apprendre en terme de fusion-acquisition".

Il faudra pourtant qu'ils fassent vite... Nexter lorgnerait sur la filiale de Finmeccanica, Oto Melara, qui fait un peu plus de 50 % de son chiffre d'affaires dans l'armement terrestre (environ 400 millions d'euros au total). Finmeccanica, en difficulté, sera-t-il vendeur ? Ces deux opérations, si elles se concrétisaient, ne feront pas changer de dimension Nexter. "La taille du groupe est sous-critique, confirme une source industrielle. Et Nexter aura dû mal à passer dans la catégorie supérieure parce que le terrain de chasse n'est pas très giboyeux en terme de cibles importantes". Car la consolidation est en grande partie achevée dans le domaine de l'armement terrestre autour des groupes américains et de BAE Systems. Seuls les deux groupes allemands indépendants Rheinmetall et Krauss-Maffei Weigmann restent à consolider. Mais ils n'ont jamais été séduits - c'est le moins que l'on puisse dire - par Nexter détenu par l'Etat français. "Les esprits sont prêts à cette structuration européenne... et les entreprises y sont prêtes", estime le PDG de Nexter, Philippe Burtin. A voir... d'autant que ce dernier avoue qu'il n'est pas pressé de se rapprocher de ses concurrents.

Thales attentiste

Ce qui surtout rend Thales attentiste avec Nexter, c'est le rôle que jouera le groupe public dans les prochains programmes de blindés : le successeur de l'AMX 10 RC, l'Engin blindé de reconnaissance et de combat, l'EBRC (3 millions d'euros l'unité) qui est attendu dans les armées en 2018-2019 pour une décision prise vers 2014 (entre 1,3 et 1,8 milliard d'euros) et le successeur des VAB (Véhicule de l'avant blindé), le VBMR (Véhicule blindé multirôles) qui sera construit à 2.400 exemplaires (1 million d'euros l'unité). Soit un programme estimé entre 3 et 3,5 milliards. Le timing est serré : notification en 2012/2013 pour une mise en service en 2015/2016.

Nexter, qui a déjà bénéficié de l'aide de l'Etat via des programmes d'études amont (PEA), peut-il les perdre ? Peu probable mais ses concurrents sont sur le pied de guerre. Panhard est prêt à faire une « offre qui décoiffe » pour remporter le VBMR, selon son PDG, Christian Mons. Il est également très entreprenant sur l'EBRC. Panhard propose une offre conjointe avec l'américain Lockheed Martin, le Sphinx. A suivre de près.