Comment l'Etat français a sauvé deux fois Nexter

Après avoir été soutenu financièrement grâce à une recapitalisation massive de l'État de 1 milliard en 2004, le groupe public d'armement terrestre, Nexter (ex-Giat-Industries), a été également porté à bout de bras sur le plan industriel par le ministère de la Défense. C'est ce que révèle un rapport du ministère de la Défense à quelques jours de l'ouverture du salon Eurosatory.
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Caesar, Aravis... deux des principaux nouveaux programmes du groupe public d'armements terrestres, Nexter, qui n'ont jamais été inscrits dans une loi de programmation militaire (LPM), ont pourtant in fine été achetés par l'armée de terre. C'est ce que révèle un rapport du ministère de la Défense. L'automoteur, baptisé Canon équipé d'un système d'artillerie (Caesar) a permis de "maintenir l'activité de notre industrie d'armement terrestre au début des années 2000", selon le rapport du ministère de la Défense. Il s'agissait "d'éviter une interruption préjudiciable de l'activité industrielle de Nexter suite à l'arrêt du programme AUF2", explique le rapport.

Pour le véhicule blindé, l'Aravis, l'une des raisons de cet achat réside dans une nouvelle aide industrielle apportée à Nexter. Cette fois "dans la mise au point et l'exportation d'un engin blindé que Nexter avait développé sur fonds propres" dès 2006. Cette acquisition, révèle le rapport, "devait permettre de soutenir l'emploi dans un tissu industriel réparti sur sept régions, et composé, en plus de Nexter, de ses fournisseurs, qui réalisent 65 % du matériel, dont 40 % par des petites et moyennes entreprises françaises", qui étaient très chères au ministre de la Défense d'alors, Hervé Morin. Clairement, au-delà de l'urgence opérationnelle, qui avait été la seule raison évoquée à l'époque, la décision d'acheter des Aravis par la France répondait également à l'objectif d'éviter une noyade de Nexter.

L'Aravis a coûté "relativement" cher à l'Etat

L'Aravis, un blindé de 12,5 tonnes, a d'ailleurs coûté "relativement" cher à l'Etat, estime le rapport du ministère de la Défense. C'est en avril 2009 que la Délégation générale pour l'armement (DGA) conclut avec à Nexter Systems un contrat d'un montant de près de 20 millions d'euros, dont 15 millions au titre du plan de relance, pour répondre à un besoin urgent de protection des soldats contre les explosions de mines ou d'engins explosifs improvisés, les fameux IED, très meurtriers en Afghanistan.. Les 5 millions restants, permettant l'acquisition d'un tourelleau téléopéré sur chaque véhicule, ont été financés par l'Etat-major sur ses propres crédits d'équipement. Pour un coût de 1,19 million d'euros l'unité. Très cher pour un blindé de ce type, son concurrent allemand, le Dingo 2, coûterait autour de 900.000 euros.

"Le coût relativement élevé de l'opération pour un petit nombre de blindés tient, d'une part, à la priorité qui a été donnée à la recherche de la protection la plus grande de militaires particulièrement exposés mais aussi, d'autre part, à la série réduite de véhicules produits", explique le rapport... qui précise que les négociations entre l'industriel et la DGA ont permis de faire baisser le prix de 5 %... Sauf qu'au final, la facture a dérapé de 5,5 % pour atteindre 21,1 millions d'euros, note le rapport. Elle aurait pu même être beaucoup plus salée. Car "par rapport au véhicule développé par Nexter, 120 modifications ont été apportées, sur les 600 demandées afin de répondre au mieux à la fiche d'expression du besoin (FEB) établie par l'armée de terre", souligne le rapport.

Les objectifs atteints

Développé sur fonds propre par Nexter, le ministère de la Défense a dû acheter "sur étagère" l'Aravis. Le coût d'acquisition s'élève à 17,9 millions d'euros pour la construction de 15 véhicules, 1,8 million pour le soutien initial et l'assistance technique pendant un an, 300.000 euros pour la mise au point de la présérie de quatre véhicules, et enfin 1,1 million pour le soutien en opération extérieure (OPEX). A cela il faut rajouter le coût du soutien, qui a été estimé à 1,21 million par an, soit sur une période de 19 ans, à 23 millions d'euros pour l'ensemble du parc. Le coût global de possession de l'Aravis est évalué à 44,1 millions d'euros pour les 20 années de service.

Pour autant, "les objectifs, opérationnel d'une part, et la recherche du soutien à l'emploi chez le constructeur d'autre part, ont été atteints, le véhicule ayant trouvé sa place dans les forces sur le théâtre afghan alors que la chaîne de production a fonctionné jusqu'en 2010". Depuis Nexter a signé un contrat, tenu secret, avec l'Arabie saoudite pour la vente de 100 à 200 Aravis, selon la DGA, voire 300 exemplaires pour certains. Et Ryad aurait payé les Aravis, mieux équipés que ceux de l'armée française, 1,7 million par blindé, selon certains.

Le Caesar a cumulé deux ans de retard

"Lancé en urgence", le programme Caesar a été mal maîtrisé. Il a cumulé deux ans de retard pour la mise en service opérationnelle, seulement prononcée en janvier 2010. Car "la production des munitions, complément indispensable du système d'arme, a fait l'objet d'une autre opération qui n'a pas été synchronisée avec la première, entraînant un report de la mise en service opérationnelle du canon et des performances inférieures aux prévisions". En revanche ce qui a été supérieur aux prévisions, c'est bien le coût d'acquisition. La dépense totale s'est élevée "à 296,8 millions d'euros pour un devis initial de 291 millions d'euros".

Résultat, le coût total - acquisition, maintien en service opérationnelle (MCO), munitions - est estimé à 1,18 milliard sur trente ans. Les dépenses de MCO sont évaluées à 390 millions alors qu'une rénovation à mi-vie doit intervenir pour un montant estimé à 51 millions. A l'image de l'Aravis, le Caesar a lui aussi rencontré un certain succès à l'exportation, 106 exemplaires ayant déjà été vendus, notamment à l'Arabie saoudite (76 exemplaires). Un programme qui a finalement tenu ses objectifs en dépit de son lancement dans l'urgence et d'une certaine désorganisation.

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Commentaires 21
à écrit le 19/09/2012 à 20:18
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Voici un article intéressant ! C'est un peu Marseille écrase Sochaux 1-0. Caesar est un exemple de réussite, un engin développé sur fond propre dont les artilleurs ne tarissent pas d'éloge. D'ailleurs quand on connait le sujet on voit bien la liste d...

à écrit le 07/06/2012 à 19:44
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Franchement, cette entreprise fait gagner de l'argent à la France en exportant, il n'y a aucun mal à la soutenir. De plus l'achat des Caesar était presque obligatoire pour que notre armée garde des capacités convenable en matière d'artillerie lourde....

le 08/06/2012 à 14:53
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Vous plaisantez, n'est-ce pas ?

le 19/09/2012 à 11:01
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Cette société a coûté des milliards à l'Etat et au contribuable depuis sa création. On peut comprendre qu'on soit attentif aux deniers publics... Désormais, certes, la société gagne de l'argent... mais par le truchement d'une gestion visant à réalis...

à écrit le 07/06/2012 à 19:44
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Franchement, cette entreprise fait gagner de l'argent à la France en exportant, il n'y a aucun mal à la soutenir. De plus l'achat des Caesar était presque obligatoire pour que notre armée garde des capacités convenable en matière d'artillerie lourde....

à écrit le 07/06/2012 à 18:33
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Ceci démontre une fois de plus qu'il manque un vrai contrôle parlementaire sur ces sujets, et qu'il serait normal que les anciens ministres assument leurs responsabilités devant ce même parlement après avoir quitté leurs fonctions.

à écrit le 06/06/2012 à 20:32
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Bonjour, a la lecture de cette article me confirme quelque réalité : - les matériel vendu a l?exportation sont principalement en service dans l?armé de terre. - Il y a un dépassement de budget important de la conception a la réalisation. - Il y a ...

le 06/06/2012 à 21:01
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Merci pour votre témoignage. Il est aussi vrai que des services publics, l'armée s'est plus modernisée.

le 07/06/2012 à 9:49
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Allez à Satory 2012, vous verrez, peut-être vos demandes concrétisées par des réalisations de qualité

le 18/02/2013 à 8:58
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Est-ce que J2MLD est compétent dans son analyse ? On peut en douter quand on lit ( ou quand on essaie de lire) son texte avec autant de fautes de français.

à écrit le 06/06/2012 à 19:10
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Les présidents des grandes entreprises publiques, ou ex publiques ou mi publiques, ne doivent pas la ramener. N'oublions pas que la population française dans son ensemble contribue plus que de raison à leur mauvais travail. Pourquoi eux bénéficieraie...

le 07/06/2012 à 9:46
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Le nombre de salarié du privé qui travaille grâce aux sous-traitance de Nexter sont bien plus nombreux que les personnel de cette société. Eux non plus ne sont pas au chômage grâce à ces fabrications...

à écrit le 06/06/2012 à 13:46
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Comme la gauche parle déjà de réduire les crédits de la Défense pauvre Nexter !!!!!

à écrit le 06/06/2012 à 10:22
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je ne sais pas si ces programmes ont été bien gérés, en tout cas je pense que le canon Caesar répond à des besoins à long terme. Je suis plus sceptique sur la mode des véhicules résistants aux mines. Cette mode me semble très connotée aux problèmes r...

à écrit le 06/06/2012 à 10:13
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Avez vous regardé en Allemagne, souvent votre exemple, le soutien apporté par l'état à ses entreprises d'armement. Et particulièrement quand l"Allemagne vend pour 6 milliards d'armement aux Grecs, en leur demandant instamment de faire des économies ?...

le 06/06/2012 à 23:29
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Bonjour, le devis initial a été établi à 291 millions d'euros, la dépense totale s'est élevée à 296,82 millions d'euros, le tout au coût des facteurs du 1er janvier 2003. Pas d'inflation donc. Bien à vous. Michel Cabirol

le 09/06/2012 à 10:33
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il y a eu une inflation monstrueuse dés le lendemain du passage à l'? (+40% dans certains cas) de plus TOUT les programme d'armements on des surcoûts... prenons l'exemple du Buffalo américain qui est l'un des programme militaire les plus coûteux de l...

à écrit le 06/06/2012 à 10:07
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Nous sommes une nation au service de l'OTAN, donc plus de programme pour l'indépendance de la France, parce que avec Sarkozy en intégrant l OTAN , la France est devenue le caniche des Américains et nous, oui NOUS, nous payons des sommes colossales po...

le 06/06/2012 à 13:45
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une nation au service de l'OTAN, n'exagérons rien... La France ne peut avoir la place qu'elle avait avant sans ses anciennes colonies (dont l'Algérie), il faut donc nous allier avec des nations amies (et pourquoi pas nos anciennes colonies), alors av...

à écrit le 05/06/2012 à 22:57
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On adore vendre aux dictatures, c'est toujours étrange de voir la france recalée quand il faut vendre à des démocraties.

à écrit le 05/06/2012 à 21:46
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Nexter est une enteprise qui va disparaître tôt ou tard, dilué par Thales ou par un groupe européen. Le groupe n'est pas bon à l'export et ses marchés nationaux vont être réduits par la contrainte budgétaire. C'est le maillon faible, au revoir

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