A qui profite l'échec du rapprochement entre EADS/BAE Systems

Par Michel Cabirol  |   |  921  mots
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En dépit de l'échec du rapprochement entre BAE Systems et EADS, le paysage de l'industrie de la défense va très probablement changer en Europe. Car cette opération a révélé les faiblesses des concurrents des deux groupes. Et BAE Systems reste à vendre.

C'est un échec aux conséquences difficiles à évaluer mais l'Allemagne pourrait s'en mordre les doigts à plus ou moins long terme. Car si les fondamentaux d'EADS sont sains et solides, notamment grâce à un très impressionnant carnet de commandes de 551,7 milliards d'euros à fin juin 2012, le groupe européen, qui pourrait entrer dans une période de turbulences en interne en raison de cet échec - ce qui n'est pas sûr aussi -, n'est pas à l'abri d'une opération structurante dans le monde de la défense sans qu'il y participe. Notamment autour de BAE Systems, EADS ne pouvant rien entreprendre pendant une période de six mois selon le droit boursier. Car le groupe britannique reste bel et bien à vendre. "Il a fait officiellement le choix de s'adosser à un groupe plus puissant, explique un bon connaisseur. Le groupe britannique est donc arrivé au bout d'une logique stand alone qu'il a poussé aussi loin que possible".

De cet échec, BAE Systems sort plus affaibli que EADS, à qui il avait donné en préférence sa main. "Les Britanniques ont tenu à discuter avec nous en premier", précise ce bon connaisseur de l'opération avortée. Aujourd'hui la porte de BAE Systems est ouverte. D'autant que que le groupe britannique va être à terme durement impacté par la baisse des budgets de défense aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne avec le retrait des troupes de la coalition en Irak et en Grande-Bretagne. Sauf si un conflit d'envergure éclate, rappelle-t-on à "latribune.fr".

Un deal Finmeccanica/ BAE Systems pourrait fagiliser EADS

De toute façon, le paysage industriel de la défense et de l'aéronautique ne sera plus le même. Il y aura un avant et un après. "Le projet de rapprochement entre BAE et EADS a ouvert pas mal de choses", confirme un analyste interrogé. Car cette opération a révélé les fragilités des uns et des autres. Cela a été un véritable révélateur et va rester intolérable pour tous les concurrents des deux groupes. C'est le cas par exemple de Dassault Aviation, qui se sentait au bord de la touche notamment dans les drones et à un degré moindre dans l'aviation de combat. C'est surtout le cas du groupe italien Finmeccanica, qui a très mal vécu l'annonce de cette opération. Surtout, Finmeccanica, déjà fragilisé par une perte de 2,3 milliards d'euros en 2011 et par des affaires de corruption qui ont contraint son président Pier Francesco Guarguaglini à la démission en décembre, s'est trouvé marginalisé par cette opération. Il aurait pu se retrouver complètement en minorité au sein du consortium Eurofighter avec seulement 21 % et chez MBDA (25 %).

Aujourd'hui, Finmeccanica peut à nouveau rêver que BAE Systems lui fasse des appels du pied. "C'est leur secret espoir", explique un bon connaisseur du groupe italien. Ce qui renverserait alors totalement les rôles avec EADS, qui retrouverait à son tour marginalisé et fragilisé dans plusieurs de ses domaines (aviation de combat et missiles). "Cette opération a du sens mais elle serait très mauvaise pour la France et l'Allemagne", assure-t-on à "latribune.fr". D'ailleurs le patron de Finmeccanica, Giuseppe Orsi, a récemment dit dans un colloque que le partenaire naturel de BAE Systems, est bien Finmeccanica. En outre, le groupe italien renforcerait BAE Systems aux Etats-Unis en apportant DRS Technologies (2,8 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2007), racheté pour 5,2 milliards de dollars en octobre 2008 au nez et à la barbe de Thales. Enfin, Finmeccancia a une longue tradition en Grande-Bretagne où il a racheté dans les années 2000 des coentreprises créées avec BAE Systems, AMS, et avec le britannique GKN, AgustaWestland, ainsi que toutes leurs filiales dans le monde.

Dans cet esprit, l'échec du projet de fusion entre EADS et BAE Systems crée des options qui doivent être "examinées" par Finmeccanica, a déclaré ce jeudi le ministre italien de la Défense, Giampaolo Di Paola, cité par l'agence Ansa. "L'échec de la tentative de fusion entre EADS et BAE Systems crée des espaces qui doivent être examinés rapidement par Finmeccanica et ensuite par le gouvernement", a-t-il indiqué en marge d'une audition parlementaire. Ainsi, l'Italie pourrait mettre un plan d'action rapidement. Le Premier ministre, Mario Monti, en présence des ministres de l'Industrie, de la Défense et du Trésor avait convoqué la direction de Finmeccanica afin de réfléchir aux conséquences de cette opération. Aujourd'hui, la donne a changé. Ils vont étudier les options pour rebondir.

Boeing et les américains intéressés ?

Les groupes américains pourraient également profiter d'un échec pour draguer BAE Systems, qui conforterait ainsi son ancrage aux Etats-Unis où il réalise déjà 45 % de ses ventes (42 % de ses effectifs). Notamment Boeing pourrait être le plan B du groupe britannique, comme certains observateurs le supputent. Pour Boeing, qui n'a plus d'avions de combat après le F-18, qui a déjà 30 ans d'existence - il a été mis en service au début des années 1980 -, cela permettrait au groupe américain de mettre la main sur certaines activités de BAE Systems dans le F-35. Pour autant, cette alliance pourrait mettre un terme à toutes les coopérations entre BAE Systems et Dassault Aviation (drones, futur avions de combat). Boeing n'est pas le seul à pouvoir être intéressé par BAE Systems, Lockheed Martin, Northrop Grumman pour ne citer que les plus importants, pourraient regarder le dossier avec intérêt pour contrer Boeing.